Après soixante années passées en cuisine, Pierre Gagnaire continue de multiplier les projets avec un appétit certain. En 2023, il était directeur gastronomique du film La Passion de Dodin Bouffant, Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes. En parallèle, il publiait Une Vie en Cuisine (éditions Keribus), un beau-livre très personnel retraçant son parcours de chef. Comme en témoignent ses trois adresses à Paris (Gaya, Piero TT et son restaurant auréolé de 3 étoiles MICHELIN depuis plus de 25 ans), il n’imagine pas la cuisine sans tendresse ni sentiments. Donner et recevoir, voilà sa philosophie. Lorsqu’il trouve le temps de manger chez d’autres cuisiniers, c’est aussi cela qu’il recherche.
Pour une saucisse-purée d’anthologie : Les Arlots
« J’aime beaucoup cet établissement à l’ambiance conviviale, qui sert d’impeccables plats de bistrot à l’accent canaille. La saucisse-purée est sans conteste mon préféré. Ce genre d’établissement est indispensable à la vie d’une scène gastronomique comme Paris ». Posté non loin de la Gare du Nord, Les Arlots appartient au cercle restreint des bistrots qui comptent dans la capitale. Ses tables à touche-touche et son cadre chaleureux sont propice aux vrais repas de copains. Riche en produits de saison, la cuisine ne triche pas et privilégie avant tout le plaisir. Outre la fameuse saucisse-purée, la viande maturée se révèle diablement savoureuse.136, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris
Pour un irrésistible vol-au-vent : Le Café des Ministères
« Ce resto vaut à coup sûr le déplacement, notamment pour son délicieux vol-au-vent. Mais aussi parce qu’il est tenu par un adorable couple de restaurateurs, aussi doué qu’attachant. C’est quelque chose qui compte beaucoup pour moi. Un bon resto où on est mal reçu, je fais systématiquement demi-tour ». Chez les Sévègnes – Roxane en salle et Jean, passé par L’Ambroisie, en cuisine –, à deux pas de l’Assemblée Nationale, on est toujours sûr de passer un bon moment. Si le vol-au-vent au ris de veau est devenu le plat signature de la maison, il serait dommage de passer à côté du chou de Pontoise farci. Navigant avec bonheur entre nouveaux classiques et pépites méconnues, la sélection de vin s’avère elle aussi très séduisante.83, rue de l’université, 75007 Paris
Pour rôtir de plaisir : Elmer
« Simon Horwitz est un ancien de la maison Gagnaire. Il vole maintenant de ses propres ailes et il le fait très bien. C’est quelqu’un d’intelligent et de délicat : sa cuisine est à son image. Comme il est trop discret, j’ai très envie de le mettre en avant ». À quelques minutes de la place de La République, dans une rue riche en adresses tendance, ce restaurant se démarque par son cadre soigné et son atmosphère chaleureuse. Ici, poissons du jour et pièces de viande sont cuites à la rôtissoire ou saisies à la braise, puis accompagnées de végétaux soigneusement préparés et sourcés (bio ou éco-responsables). Le chef – qui est donc passé par chez Pierre Gagnaire mais aussi à l’Oustau de Beaumanière – propose une expérience gastronomique stimulante grâce à des assiettes précises et inspirées, un brin voyageuses.30, rue Notre-Dame-de-Nazareth, 75003 Paris
Pour une cuisine fière de ses racines : Origines
« Ici, vous goûterez à une cuisine goûteuse et profonde, à la fois rustique et élégante, qui garde un fort lien avec son terroir. J’aime aussi le lieu pour la personnalité attachante du chef, un Aveyronnais qui a travaillé avec moi à Paris et Séoul. » Si cette adresse élégante voisine des Champs-Élysées affiche un décor conforme au standing du quartier, sa cuisine n’a rien d’attendue. C’est le royaume de Julien Boscus, fils d’un charcutier-traiteur et d’une restauratrice, passé par chez les plus grands chefs (comme Yannick Alléno et bien sûr Pierre Gagnaire). Obsédé par les bons produits, il a baptisé son premier restaurant Origines. Difficile donc de résister à son tourteau d’Audierne, à sa poulette fermière de Mayenne ou à sa tarte soufflée au chocolat Lucifèves…6, rue de Ponthieu, 75008 Paris
Pour découvrir un univers gastronomique à part : David Toutain
« Avec sa cuisine créative et surprenante, David Toutain a un vrai profil d’étoilé. Entièrement dévoué à son art, son succès est amplement mérité car il possède un vrai univers, à découvrir au plus vite. » Passé entre autres belles tables par Arpège, le double étoilé David Toutain est considéré comme l’un des chefs les plus prometteurs de sa génération. Sa cuisine d’auteur, aussi originale que personnelle, ne manque pas d’atouts avec son esthétique soignée et ses goûts ciselés. Auréolée d’une étoile verte, sa table du 7e arrondissement proche des Invalides puise une partie de son inspiration dans son potager normand, cultivé en permaculture.29, rue Surcouf, 75007 Paris
Pour un dîner théâtral : La Scène
« J’ai un profond respect pour Stéphanie Le Quellec et le travail qu’elle réalise à La Scène. C’est une personnalité exemplaire, qui a beaucoup de talent et brille par sa créativité. Sa cuisine est fine, un rien féminine et très personnelle, avec de vraies trouvailles. En plus, elle fait preuve de beaucoup de sincérité ». Campé au cœur du Triangle d’Or, le restaurant La Scène – 2 étoiles au Guide MICHELIN – a le goût du spectacle. À la mise en scène, la cheffe Stéphanie Le Quellec, qui a multiplié les (ré)ouvertures réussies depuis quelques années, à l’image de celle de Vive. Le spectacle se joue ici en plusieurs actes : velouté de cresson, tartelette d’escargots, pomme de terre pompadour au caviar, millefeuille aux ormeaux… Dans le final, c’est le chef pâtissier Pierre Chirac qui joue les premiers rôles.32, av. Matignon, 75008 Paris
Pour boire un cocktail métissé : Andy Wahloo
« J’aime beaucoup l’Andy Wahloo, où j’essaye d’aller quand j’en ai le temps. Il appartient à Mourad Mazouz, avec qui j’ai créé le Sketch à Londres, il y a 20 ans. C’est un lieu amusant et décalé où on boit de bons cocktails dans une ambiance chaleureuse ». Dans le quartier des Arts et Métiers, bien planqué dans la cour d’un hôtel particulier, l’Andy Wahloo est une référence de la nuit parisienne depuis plus de 30 ans. Récemment relooké et légèrement anobli, le bar accueille toujours d’excellents mixologues, qui s’amusent à dynamiter les grands classiques du cocktail. Bref, on n’y vient jamais pour walou.69, rue des Gravilliers, 75003 Paris
Pour une ambiance champêtre : Issy Guinguette
« À la belle saison, j’aime passer du temps sur la terrasse de cette adresse nichée sur les hauteurs d’Issy-les-Moulineaux, au milieu des vignes. On n’a plus l’impression d’être en région parisienne : c’est agréable, reposant et dépaysant. On peut aussi y grignoter quelques petites choses savoureuses ». Le lieu a été créé par un membre de la famille Legrand, celle qui possède les fameuses caves du passage Vivienne à Paris. C’est une ginguette hautement sympathique, nichée au milieu des vignes. Car oui, la maison possède bien 500 pieds de vignes sur les pentes d’Issy, plantées il y a une trentaine d’années ! Elles produisent d’ailleurs un excellent vin blanc. L’été, on profite de la belle terrasse et de son cadre verdoyant tandis que l’hiver, on se réchauffe au coin du feu, le temps d’un verre ou d’un repas champêtre.113 bis, av. de Verdun, 92130 Issy-les-Moulineaux
Photo de Une : Pierre Gagnaire © Stéphane de Bourgies