Grandes baies vitrées, cuisine ouverte en fond de salle, murs en pierre meulière... Bienvenue chez Fana, à quelques mètres du métro Jules Joffrin, dans le 18ème arrondissement de la capitale. En seulement dix mois d'existence, l'établissement a déjà été repéré par nos inspecteurs, rejoignant le club très sélect des nouveaux Bib Gourmand de Paris.
Nos fanatiques de bons produits du cru ? Gabriel Gras Fernandez (au salé) et Jorice Sardain (au sucré). « On s'est rencontré à La Table du 11, à Versailles, en 2020 » explique le premier. « J'étais chef et on a tout de suite accroché. »
Grandi dans un petit village d'Ariège, Gabriel, fait son apprentissage chez Michel Sarran, et enchaîne les belles maisons parisiennes : le Pavillon Ledoyen (trois-Étoiles), période Christian Le Squer, et Cobéa (aujourd'hui fermé, une-Étoile à l'époque), aux côtés de Philippe Bellisent. Jorice, originaire, lui, de Seine-et-Marne, n'est pas en reste, passé entre autres par l'excellent MOF pâtissier Nicolas Bernardé et Cédric Grolet au Meurice.
Interview au soleil et au calme, sur leur charmante terrasse... Avec vue sur les toits de la Basilique du Sacré-Cœur !
Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?
Jorice : « Le Paris-Brest au chou praliné-noisette, crème anglaise ! C’est ce qui revient souvent, plébiscité par nos clients et qu’on n’a pas changé depuis le début de l’ouverture. En même temps, c’est un classique de la pâtisserie, rassurant, une valeur sûre pour beaucoup de gourmets. »Gabriel : « Ma cuisine change beaucoup en fonction des saisons. On essaie de ne pas refaire les mêmes plats… Mais je dirais quand même cette côte de cochon à partager, uniquement au dîner On en a seulement trois ou quatre chaque soir, du coup certains habitués appellent pour en réserver. »

Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?
Gabriel : « Le midi, on a une formule à 25€ (entrée-plat ou plat-dessert) et un menu à 34€ (entrée-plat-dessert). Le soir, notre menu passe à 45€ (41€ si le plat principal est végétarien). On y retrouve l’essentiel de la carte du midi, avec de petites variantes. À noter aussi, donc, que le soir uniquement, hors menu, on propose une grosse côte de cochon noir de Bigorre, pommes de terre grenaille, jus corsé à 69€ pour deux personnes. Sinon, à la carte, comptez entre 9 et 13€ par entrée, 22-28€ par plat et 12-13€ par dessert. »

Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?
Jorice : « Les beaux jours, pour profiter de cette terrasse où nous sommes assis, pardi ! Le midi, c'est parfait pour déjeuner au calme. Comme il y a une école à proximité, la rue est passée entièrement piétonne. »
Gabriel : « Je dirais le soir, pour l’ambiance, la lumière tamisée… Au-dessus de chaque table, on a installé des lampes indus' Tom Dixon, qui tombent directement sur l’assiette, pour mettre en valeur le plat. Le reste de la pièce est plus sombre, plus intimiste. »
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Quelle est l'idée à l'origine du restaurant ?
Jorice : « Déjà, on l'a appelé Fana pour 'fanatique', pour traduire cette passion pour la gastronomie qui nous habite. Avec Gabriel, on a la même vision du travail : beau, simple et bon. »Gabriel : « Après avoir travaillé pour d’autres, j’avais envie de créer un lieu qui me ressemble, Jorice aussi. L’idée, c’est d’apporter ici ce qu’on a appris dans les restaurants Étoilés, mais dans une ambiance plus décontractée. On a eu la chance d’être accompagnés par le groupe de la Pantruchoise. » (NDLR : acteurs bien connus du 9ème arrondissement parisien, qui possèdent, entre autres, les restaurants Le Pantruche et Caillebotte.)
Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?
Gabriel : « Je viens d’une famille d’agriculteurs de l’Ariège, mon père élevait des vaches, il faisait du veau de Salers… J’ai toujours eu des produits de qualité à la maison. J’avais envie de proposer cela à mes clients, à prix sages. »Jorice : « Avant de me lancer, j’ai d’abord des goûts en tête, précis, des textures… Pour moi la pureté du goût, c’est fondamental. Je travaille soit le café, soit le citron, mais jamais de mélange. Je travaille aussi beaucoup les textures dans chaque dessert. »

Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?
Gabriel : « Il y avait ce côté partage qu’on voulait vraiment mettre en relief, avec de petites entrées tournant autour de 9, 10 euros. J'ai aussi cherché à travailler des produits moins nobles, donc moins chers. Enfin, on a fait le choix d’une carte assez courte, qui change régulièrement. Ça permet de varier la matière première, en s’alignant sur le cours du marché, d'être flexibles. »Jorice : « D’un point de vue créatif, il y a toujours des contraintes, et c’est normal. Si je m’écoutais, je ferais un Paris-Brest à la pistache, mais je ne serais pas rentable ! Le sourcing est primordial. Par exemple moi, au lieu d’acheter des noisettes du Piémont à 20€ le kg, je préfère opter pour une noisette française, moins chère, et tout aussi intéressante à travailler. »

Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?
Gabriel : « Le sourcing prend une part importante, on étudie attentivement le coût des matières premières. Quand on propose un plat de viande et légumes, on va équilibrer l’assiette différemment. Au lieu de mettre un énorme morceau de viande, du genre 300g, avec quelques légumes à côté, je vais d'abord privilégier le végétal, et utiliser la protéine carnée comme un exhausteur de goût. Et puis, on échange aussi beaucoup entre chefs, collègues... On s’échange des fournisseurs. »Jorice : « On ne cherche pas à baisser le goût, mais le coût : pour pouvoir acheter moins cher ma matière première, comme je disais, il faut beaucoup goûter, dénicher de nouveaux producteurs. »

Quelles sont vos initiatives anti-gaspi au restaurant ?
Gabriel : « Même dans une simple carotte, j'utilise tout : je fais sécher les épluchures et j'en fais des chips. Jusqu'aux fanes, que je transforme en huile verte pour décorer et parfumer mes préparations. Et puis au quotidien, on fait attention à ne pas trop utiliser de plastique. »Jorice : « Des citrons, je récupère l'écorce, que je blanchis plusieurs fois pour enlever l’amertume. Je les laisse ensuite macérer une semaine dans un sirop, ça donne un citron confit maison que vous retrouvez aujourd'hui dans ma tarte au citron. Je fabrique aussi une liqueur maison, une sorte de limoncello, ou plutôt Clementicello ! C'est tout simple : en saison, je récupère les écorces de clémentines utilisées pour un dessert, je les laisse macérer dans de l'alcool à 96°C, puis j'ajoute un sirop pour faire baisser le taux d’alcool, et la liqueur maison naît ! »

À noter que le dessert au chocolat de Fana fait partie des desserts préférés des Inspecteurs en 2025 !