Quatre ans après son bref passage dans la saison 12 de Top Chef, à même pas 30 ans, Jarvis Scott a ouvert son propre restaurant, en octobre 2024, dans le centre de Trouville (Calvados). Turbulent, un nom qui sonne comme un avertissement. Ou plutôt, nous dit le chef, que l'on interviewe par téléphone, « comme un clin d'œil à mes appréciations et bulletins scolaires qui ont fait transpirer mes parents ! »
Tatouages, bijoux, santiags... L’ex-collaborateur de Matthias Marc chez Liquide, taverne moderne située dans le quartier des Halles (Paris), a des faux-airs de Johnny Depp. Mais cache une patte sensible, brossant ici une cuisine d’auteur affranchie des carcans. Formé à l'Arpège, chez Alain Passard, où il a appris le travail du légume, mais aussi au Galopin, le bistrot de Romain Tischenko, un temps chef de partie à Barcelone chez Albert Adrià (aux manettes de l'étoilé Enigma), ce « Parisien pur jus , né et grandi dans la capitale » ne regrette pas une seconde d'avoir jeté l'ancre dans la bourgade normande.
Le long du port et dans les petites rues labyrinthiques, les brasseries se suivent et se ressemblent, proposant fruits de mer et burgers. Lui ose une patte créative et audacieuse qui réveille la voisine de Deauville. À deux pas de l'agitation touristique, le trublion a pris racine dans les murs d'une ancienne crêperie. Trente-cinq couverts en tout, deux étages, deux ambiances : au rez-de-chaussée, une salle avec cuisine ouverte, quelques tables et un comptoir pour manger face au chef. Et au premier, une grande table d'hôtes, réunissant jusqu’à une vingtaine de convives.

Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?
Ma carte change toutes les semaines, mais j'ai un plat signature, qui me suit depuis le temps où je travaillais chez Liquide, à Paris : des grenouilles sauce merguez, condiment roquette, paprika fumé.

Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?
Je fonctionne à la carte, midi et soir. Le client s'en sort pour une cinquantaine d'euros, avec un verre de vin – on a une prédominance de vins nature ou en biodynamie, en tous cas vinifiés de façon peu interventionniste, mais aussi quelques références de domaines qui vinifient de façon traditionnelle. A Trouville-sur-Mer, on n'est pas à Paris, et c'est important de prendre en compte tous les goûts.

Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?
Il y a deux jours que j’affectionne particulièrement dans la semaine : le jeudi, car on a les locaux et les Parisiens qui se mélangent. Et le dimanche soir : on remplit le restaurant, les clients prennent le temps, boivent du vin... Dans la tête des gens, Turbulent est plus un resto du soir. Je suis en train de réfléchir à un menu midi à 25 € avec deux options au choix pour chaque plat.

Quelle est l'idée à l'origine du restaurant ?
À l’origine, j'en avais marre de Paris ! Je suis donc allé à Honfleur travailler chez un ami. Sur place, j'ai vu qu'il n'y avait pas d’offre ici, contrairement à Deauville, alors qu'il y a une grosse clientèle de Parisiens.

Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?
Je crois pouvoir dire que je fais une cuisine d’instinct, du moment. J'essaie de travailler avec des produits frais de saison – c'est indispensable –, en circuit court, même si en Normandie c'est parfois compliqué. Ici, c'est beaucoup de pêche au chalut, et les meilleurs poissons partent très souvent à la capitale. Idem avec les maraîchers qui envoient le gros de leur production à Paris comme ce n'est pas loin.

Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?
Il faut acheter les produits au bon prix, de saison car ils sont alors forcément moins chers alors, et essayer de travailler le plus possible le produit entier. Comme là : j'ai acheté un bœuf waygu normand entier à l'éleveur Nicolas Ploux, près de Rouen.
Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?
Vous savez, l'augmentation du coût des ingrédients, moi je ne l’ai pas réellement vécue. J'ai l’impression que beaucoup de gens se plaignent de ça, mais que cela concerne plus la grande distribution. A part le beurre et la crème, la viande et le poisson n’ont pas beaucoup augmenté.