Cérémonie du Guide MICHELIN 3 minutes 18 mars 2024

Le végétal au cœur de l’assiette

Le temps est définitivement révolu où le légume n’était que le faire-valoir de la viande et du poisson. Le végétal ne cesse de pousser son avantage chez de nombreux chefs au point d’occuper le cœur de l’assiette.

Une cuisine de plus en plus végétale
Depuis plusieurs années maintenant, de nombreux chefs proposent une cuisine plus végétale et plus durable, des assiettes moins centrées sur les protéines animales. Signe des temps, le chef Fabien Ferré, qui décroche cette année trois étoiles à La Table du Castellet, propose même un menu entièrement végétarien (auquel on peut rajouter une viande) ; l’autre table auréolée de trois étoiles cette année, Le Gabriel - La Réserve Paris, est emmenée par un chef dont l’un des plats signature est une… carotte. Les assiettes à dominante végétale mais pas forcément végétarienne, grâce à l’excellence de leurs matières premières, leurs textures, leur gourmandise, leurs parfums, n’ont décidément plus rien à envier à leurs cousines élaborées autour d’une viande ou un poisson. Cette tendance ne cesse de faire des émules…

Géraldine Martens / Le Gabriel - La Réserve Paris
Géraldine Martens / Le Gabriel - La Réserve Paris

De quoi le végétal est-il le nom ?
Le végétal est un marqueur indubitable de la saison dans l’assiette : il est impossible de tricher avec les récoltes et la maturité des fruits dans les vergers et des légumes dans les maraîchages. Cette manne oblige à faire une cuisine de l’instant. Ce caractère éphémère du végétal est ce qui pousse les chefs à pratiquer toutes sortes de méthodes de conservation, notamment la fermentation ou la déshydratation.

D’ailleurs, afin de sécuriser leur approvisionnement, les restaurants, surtout en dehors des centres urbains (voir l’article La ruralité au cœur du Guide MICHELIN 2024) cultivent leur propre potager, plusieurs décennies après que le pionnier Alain Passard a tracé la voie.

En l’absence de jardin, les chefs nouent des relations privilégiées avec les producteurs locaux de fruits et légumes, acceptant là aussi de préparer leurs menus en fonction des arrivages – c’est l’une des sources, également, de la multiplication des menus surprises et autre cartes blanches. Le végétal est aussi un emblème de l’engagement environnemental du chef : privilégier le légume, c’est aussi dire non aux mauvaises conditions d’élevage et d’abattage des bêtes ; c’est souvent dire oui au bio donc au respect de la Terre… Enfin, c’est souvent offrir aux convives une cuisine plus saine et plus fraîche, plus saisonnière et locavore – directement du champ à l’assiette, dans le meilleur des cas.

Le végétal en 2024 : quelques adresses exemplaires
Auparavant installés au cœur de Rodez, Thomas et Émilie Roussey (Émilie & Thomas - Moulin de Cambelong, nouvel étoilé 2024) ont quitté la préfecture de l’Aveyron pour s’installer en pleine nature au bord d’une rivière. Le couple propose des menus sans choix qui font la part belle aux légumes et aux fruits de saison, grâce à leurs relations privilégiées avec plusieurs dizaines de petits producteurs locaux triés sur le volet. Leur entrée « tomate et basilic » associe la tomate en vinaigrette, en tartare et déshydratée, ainsi que du basilic, frais et en pesto. Au dessert, la pêche se déguste crue en tartare, mais aussi confite et en gelée.

La restaurant Épicéa (Besançon) ne réserve qu’une part congrue à la protéine animale dans sa cuisine élaborée autour de produits de saison rigoureusement tracés. De fait, seuls quelques morceaux de cochon noir viennent émailler le plat principal qui est une déclinaison de courges, après deux assiettes entièrement végétales, l’une autour de la carotte, l’autre autour du haricot vert. Le couple en cuisine pratique également la cueillette sauvage à ses heures perdues.

Sylvain Thiollier/Émilie & Thomas - Moulin de Cambelong
Sylvain Thiollier/Émilie & Thomas - Moulin de Cambelong

En Haute-Savoie, près d’Annemasse, Benjamin Breton, le chef L’Auberge de Lucinges (étoilé en 204) ne badine pas avec son engagement écolo. Il milite pour la création d'un label de restaurateurs écologiquement et économiquement responsables. Il ne pratique pas une cuisine végétarienne mais le végétal est omniprésent dans ses assiettes. En plus des légumes des maraîchers locaux, il inclut de nombreuses herbes sauvages des environs – il est aussi cueilleur amateur.

Le grand chef Bruno Cirino, pour sa part, a baptisé son nouveau bistrot végétarien, Racines – Bruno Cirino ! Tout un programme pour cette table étoilée dans l’édition 2024. Il y cisèle un menu unique, sans choix et totalement végétarien (à part un œuf mollet). Tous les fruits et légumes de fraîcheur impeccable proviennent de producteurs locaux. Mais pas seulement ! Passionné par la culture potagère, il possède son propre jardin à Eze. À terme, une partie des légumes seront aussi cultivés sur un terrain mis à disposition par la mairie de la Turbie. L’inspecteur s’est régalé avec « cette cuisine de produits récoltés à leur maturité optimale, cuisinés avec talent. La typicité azuréenne est magnifiée avec l'ail, l'huile d'olive et le basilic ».

Alexandra Lasry / Racines - Bruno Cirino
Alexandra Lasry / Racines - Bruno Cirino

Avec Datil (auréolée d’une étoile cette année), la cheffe Manon Fleury a ouvert une table qui ressemble à ses engagements. Pour ne s’en tenir qu’à l’assiette, la protéine animale y est minoritaire. L’ancienne chef du Mermoz est très attentive à la préservation des ressources, notamment celles des océans, et des conditions d’élevage des animaux de boucherie. Elle délaisse volontiers les produits nobles au profit des fruits, des légumes et des céréales dont elle est capable de dévoiler toutes les subtilités aromatiques…

Pauline Gouablin/Datil
Pauline Gouablin/Datil

Le végétal a décidément toutes les vertus, et notamment celle de concilier exigence gastronomique et respect de l’environnement.

Image d'illustration : Eva bigeard/L'Auberge de Lucinges

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