Fils et petit-fils d’artisans, Fabien Ferré a travaillé dans ce resort situé face au circuit Paul-Ricard pendant dix ans comme second du chef Christophe Bacquié. S’il prend aujourd’hui toute la lumière en accrochant trois étoiles à la Table du Castellet, il n’est jamais resté dans l’ombre de son mentor, mais bien sous sa férule bienveillante et émancipatrice. Pour preuve, il a préparé le concours du MOF avec Christophe Bacquié tandis que ses sauces et ses jus d’une profondeur remarquable portent l’empreinte de ceux de son aîné… La Table du Castellet, c’est donc l’histoire d’une transmission toute naturelle et d’une révélation, racontées ici de l’intérieur par nos inspecteurs et inspectrices, tout au long d’une année de repas.
L’arrivée
Qu’on arrive par le Sud et la côte ou par le Nord, l'Hôtel & Spa du Castellet et sa table sont perdus au milieu des forêts et des pinèdes de la Provence, même s’il est tout proche des vignobles de Bandol et peu éloigné des plages de Sanary-sur-Mer. Cet éden doit évidemment son existence au mythique circuit Paul-Ricard situé juste en face. On croise donc de drôles de machines sur la route : « En arrivant du Nord par l’autoroute A7, j’ai pris ensuite une petite route perdue au milieu des pinèdes et des zones arides. C’était une soirée obscure en plein automne, mais, à notre grande surprise (j’étais accompagné), j’ai croisé sur la route des bolides, des Aston Martin et autres Ferrari… Avec notre voiture de location, nous faisions pâle figure ».La Table du Castellet appartient à un vaste domaine hôtelier clos de murs. N’entre pas qui veut : « Il m’a fallu montrer patte blanche au portail, solidement défendu par une grille en fer forgé et un gardien. C’est un lieu caché, exclusif, dissimulé derrière de hauts murs d’enceinte qui ne laissent rien paraître ».
Après avoir traversé une partie du parc de nuit (le domaine couvre une centaine d’hectares), seulement éclairé par les lumières autour des bassins, l’inspecteur s’est garé « au seuil d’une grande bâtisse néo-provençale, inspirée de l’art des bastides. Roll’s Royce ou pas, le voiturier a pris les clefs de ma voiture, le valet nous a accompagnés jusqu’à la réception, la réceptionniste jusqu’à la responsable de la salle qui, enfin, nous a placés à table : un accueil d’une fluidité remarquable. Jamais nous ne fûmes seuls ni abandonnés à notre sort – comme cela arrive parfois dans certaines tables… ».
Caroline Dutrey / La Table du Castellet
Le lieu
Les inspecteurs découvrent alors une salle contemporaine au luxe discret, sans ostentation : « Il y a une douzaine de convives attablés – uniquement des couples, français et internationaux – dans une salle au luxe épuré et délibérément romantique. Heureusement que nous sommes en couple, nous aussi, avec ma collègue. Notre légende est idéale car nous serons traités, elle et moi, comme un vrai couple de clients du début à la fin du repas. Situation idéale pour poser des questions en toute candeur ».Dans le couloir qui mène à la salle, le convive passe devant les caves à fromages et à vins vitrées. La salle est tout entière entourée de baies qui donnent sur la terrasse et le parc. « La décoration est résolument épurée, jouant sur les tons clairs et le mariage subtil du bois, de l'aluminium et de l'ardoise ». Une épaisse moquette grise absorbe tous les bruits de pas et contribue à la douceur feutrée à l'ambiance. L’art de la table, évidemment irréprochable, brille ici avec des couverts en argent étincelant, une vaisselle en porcelaine moderne, et une verrerie délicate. Sur la table, un élégant bougeoir en porcelaine en forme d'oursin : la mer est proche.
L’équipe
Ce fut, de l’avis des inspecteurs, l’un des atouts majeurs de ces expériences gastronomiques remarquables : « L’équipe est souriante et dynamique. Des professionnels qui connaissent la carte et les produits sur le bout des doigts, y compris chaque fromage et sa méthode d’affinage. Ils ont aussi une capacité bluffante à passer du français à l’anglais ». Ils connaissent également par cœur l'histoire de la maison, les ingrédients des plats et les techniques culinaires du chef. Et à chaque fois, une manière de naturel enjoué dans les propos. Du grand art.« J’ai d’ailleurs senti derrière eux un chef qui avait la passion de la transmission (comme il a eu l’humilité d’apprendre). Petit-fils et fils de paysans et d’artisans, Fabien Ferré est un homme de compagnonnage et de mérite », avance cet inspecteur.
Bref, cette équipe déploie une belle énergie pour faire passer un excellent moment à ses convives. Cette ambition fait d’ailleurs toute la différence…
Caroline Dutrey/La Table du Castellet
L’assiette
Affirmant désormais son propre talent, le chef propose une cuisine personnelle bien ancrée dans son terroir méditerranéen. Il choisit évidemment de superbes produits, principalement au marché de Sanary-sur-Mer : « J’ai eu notamment la chance de déguster ce soir du pagre, du maquereau, des encornets… tous cuits avec une grande précision ».S’il y a un menu végétarien remarquable (baptisée « Expression végétale »), l’inspecteur choisit le menu « Expression marine » : « il offre une savoureuse plongée en Méditerranée avec une ligne directrice claire et précise : sublimer le produit en lui associant des accompagnements le mettant en valeur, des condiments, des jus et des sauces à la texture veloutée, aux saveurs prononcées, avec toujours de la profondeur – son velours coraillé est d’ailleurs une véritable tuerie ».
Derrière des présentations lisibles et épurées, voire (apparemment) simples, se cache un travail considérable. Et il ne faut pas oublier les desserts du chef François Luciano, qui ne sont pas en reste – il signe d’ailleurs, pour l’un des inspecteurs, le meilleur dessert de l’année…
Stéphane Riss / La Table du Castellet
Les plats dégustés
Les bouchées apéritives et les amuse-bouche« On commence avec de superbes bouchées apéritives : un crabe garni de sa chair fraîche, surmonté d’une sauce type mayonnaise ; du murex avec de la pulpe d’ail noir ; une tartelette garnie d’une compotée de pastèque grillée et de tomate confite ; enfin, une côtelette de daurade royale légèrement grillée et panée d’un pesto de criste marine. Puis, dans un bol en céramique, un bouillon de bonite explosif en bouche, perlé d’huile de tagète, dont on conseille d’alterner la dégustation avec un crémeux de tomate et de bonite. Une entrée en matière très intense en goût mais terriblement bien équilibrée et personnelle. J’ai encore les goûts en mémoire… »
Encornets à la provençale, marjolaine
« Un rectangle d’encornet, légèrement cuit au beurre, puis brûlé au chalumeau pour lui apporter une légère coloration et une note de grillé. Il est accompagné d’un jus de volaille et d’un concassé de tomate, fumet de poisson, échalote, ail, persil, et basilic dont on retrouve de grosses feuilles sous l’encornet, mais également de marjolaine. Cette sauce complexe s’accorde à merveille avec l’encornet ».
Carabineros, citron Meyer, velours coraillé
« Une magnifique crevette carabineros de Palamos juste saisie et nacrée à cœur. Elle est décortiquée (sauf la queue) et parsemée d’une poudre de crevette séchée au goût intense, accompagnée d’un morceau de citron Meyer confit et d’un gel de citron doux. On vient ensuite verser un velours coraillé très concentré, mousseux et onctueux. Pour terminer cette dégustation, une chips de crevette très fine et croustillante saupoudrée de poudre de crevette séchée qui exacerbe encore cette saveur puissante ».
La cave à fromages
« Avant le dessert, on me propose une immersion dans la cave à fromages vitrée en compagnie de la responsable de salle. Cette sélection comporte une soixantaine de fromages, français en majorité mais aussi étrangers (notamment suisses et autrichiens). C’est l’une des plus belles caves à fromages que j’ai vue ».
Le chocolat Nicaragua, criste marine, huile d’olive maturée
« Jolie présentation pour ce dessert conçu à partir d’un chocolat du Nicaragua aux notes de fruits secs, accompagné d’une ganache entourée d’un crumble, d’un condiment herbacé essaimé de morceaux d’olive noire fruitée. Au-dessus, une mousse au chocolat avec deux biscuits croquants au chocolat en forme de fleur enserrant un espuma à la vanille, parsemé de feuilles de criste marine. Sur le côté, un sorbet à la criste marine. La serveuse vient verser sur le côté un chocolat fondu. Les points d’huile d’olive maturée disséminés dans l’assiette viennent enrober la bouche et apporter une note salée. Mon meilleur dessert de l’année ».
Stéphane Riss / La Table du Castellet
La Table du Castellet : les conseils de nos inspecteurs !
« Au déjeuner, le week-end uniquement, on peut profiter du menu Expression végétale à 120€, l’occasion unique de découvrir une table et un lieu remarquables. Ce menu végétarien sublime les produits locaux ». « Même si l’on ne peut pas déjeuner en terrasse, il faut venir y prendre l’apéritif ou le café afin de profiter de la vue sur le par cet, au-delà, sur les collines verdoyantes du haut Var. On privilégiera donc la belle saison ».
« Dans ce restaurant sobrement romantique, il faut venir en couple et demander une table près des baies vitrées ».
« Il ne faut pas hésiter à se plonger dans les cinq livres de la carte des vins, un véritable voyage œnologique. La sélection de vins au verre est très intéressante ».
« Ne manquez surtout pas une immersion dans la cave à fromages – même si vous n’en prenez pas ! La visite vaut le coup. C’est l’une des plus belles de France avec une soixantaine de variétés et la responsable de salle connaît chaque fromage par cœur ».
Image d'illustration : Cindy Dupont/La Table du Castellet
