Cérémonie du Guide MICHELIN 4 minutes 05 mai 2025

Prix du Chef Mentor 2025 : Bernard Pacaud, l'excellence en partage

Surnommé affectueusement « Le dernier des Mohicans » par ses pairs, Bernard Pacaud incarne il est vrai, une certaine idée de l'excellence de la cuisine classique française. Un chef comme on n'en fait plus, mais qui rayonne toujours au firmament et a fort heureusement transmis son savoir à la nouvelle génération. En un mot, un chef mentor, sans aucun doute.

Bernard Pacaud, chef-propriétaire du restaurant l'Ambroisie, qu'il ouvre avec sa femme Danièle en 1981 rue de Bièvre, obtient 3 Étoiles en 1986 à cette adresse. Si le restaurant déménage dans le splendide Hôtel de Luynes de la place des Vosges peu de temps après, il conserve la distinction suprême du Guide MICHELIN depuis 1988. Presque quarante ans de trois-Étoiles pour un restaurant parisien, assurément du jamais vu ! Un record dont le chef discret, presque taiseux ne se vante pas, mais qui fait la fierté de toute la profession. Celle-là même qui lui rend hommage par une « standing ovation » amplement méritée, le 31 mars dernier, lors de la cérémonie du Guide MICHELIN qui se tenait à Metz. Très ému lors de la remise de son prix du Chef Mentor 2025, en partenariat avec Blancpain, le chef ne prononce que ces quelques mots : « J'étais un orphelin et j'ai eu une mère, la Mère Brazier et un père, Claude Peyrot ».

La standing ovation reçue par Bernard Pacaud à Metz le 31 mars © Le Guide MICHELIN
La standing ovation reçue par Bernard Pacaud à Metz le 31 mars © Le Guide MICHELIN

La cuisine, la vraie famille de celui qui n'en avait pas

De fait, le parcours de Bernard Pacaud, des faubourgs de Rennes aux étoiles parisiennes, en passant par l'orphelinat et un apprentissage à l'ancienne, n'a pas été sans embûche. Ceci dit, en dépit de débuts difficiles pour un jeune garçon, avec la cuisine il s'est aussi trouvé une nouvelle famille, ainsi que deux parents/mentors ; et pas des moindres.

La Mère Brazier, tout d'abord. Une « mère », pour le jeune Bernard qui en a cruellement manqué, cela ne s'invente pas ! Et c'est tout ce qu'il lui fallait quand il entre dans son restaurant du Col de la Luère (à Pollionnay) comme apprenti à 15 ans à peine. « Quand j'arrive en cuisine, elle est derrière ses fourneaux. Ça grouille, ça gueule. Je ne connais rien, je suis un gamin, je découvre un autre univers. On me donne un balai, une serpillière », se souvient Bernard Pacaud, ému, dans le livre que lui consacre l'auteur Frédéric Laffont – Une vie par le menu – et dans lequel ce chef si discret ose se confier.

Il dit encore : « Quand je baissais les bras ou portais un plat, la mère me reprenait : des coups de spatule, j'en ai pris plus que les autres. La Mère était toujours sur votre dos. Il fallait cuisiner pour les déjeuners, les goûters, les dîners et le lendemain, tout recommencer. C'était une drôle d'école, une école de la vie comme disait Paul Bocuse qui est passé par là avant moi. » Puis elle l'envoie chez « Tante Alice », un bouchon lyonnais étoilé. Après son service militaire, il arrive à Paris à « La Méditerranée » place de l'Odéon puis à
« La Coquille ».

Grâce à une petite annonce qui stipule : « Restaurant trois étoiles recherche jeune chef de cuisine pour seconder le patron. » Bernard Pacaud est engagé au Vivarois à Paris XVIe, le restaurant de Claude Peyrot et de sa femme Jacqueline. Ce chef d'une grande modernité pour l'époque deviendra son père spirituel et lui « apprendra le métier de cuisinier ».
« Au Vivarois, on était au-delà du savoir-faire. On recherchait des émotions. » Le chef Peyrot triple son salaire. « Pendant cinq ans je vis un rêve, une place en or, un chef patron génial et douze personnes employées au restaurant. » L'élève étonne le maître et ils travaillent ensemble en parfaite harmonie. Mais sa rencontre avec Danièle, une jeune corse alors stagiaire au Vivarois, l'incite bientôt à voler de ses propres ailes.

La suite, on la connaît...

Bernard Pacaud et Danièle, sur scène, émus et complices © Le Guide MICHELIN
Bernard Pacaud et Danièle, sur scène, émus et complices © Le Guide MICHELIN

Les plats de Bernard Pacaud, simples et sublimes à la fois

Le site de l'Ambroisie, aussi sobre que ses hôtes, affiche ses valeurs sans ambages :
« 'Cuisine de civilité'. Quêter le beau produit. Cuisiner sans afféterie. Offrir le meilleur, simplement ». Quiconque s'est déjà essayé à n'importe quel artisanat le sait, la simplicité, c'est ce qu'il y a de plus difficile à atteindre. Et à conserver.

C'est pourtant ce que le chef fait de mieux, au travers de plats qui sont devenus mythiques. Si Gwendal Poullennec, dans son discours de remise de prix, évoque avec gourmandise « les escalopines de bar et la tarte au chocolat », le chef a également créé une ballotine de canard des plus fameuses ou une soupe de fraises comme un poème. Citer tous les plats emblématiques de ce chef de tous les superlatifs reviendrait à faire un inventaire à la Prévert, mais on peut encore évoquer pour le plaisir les rougets au cumin ou la raie au chou. Au menu à prix fixe déposé à la préfecture le jour de l'ouverture, le fond d'artichaut au foie gras, la volaille sauce diable, le mille-feuille de framboises, 115 francs service compris.

Le restaurant préféré des hommes politiques et de leurs invités de marque a connu tous les présidents, de 1981 à aujourd'hui. Cantine de Mitterrand pendant longtemps, Jacques Chirac y invita Bill Clinton pour un dîner mémorable, qui fit dire au président américain : « C'est probablement le meilleur dîner que j'ai jamais eu. Chirac est un sacré type .» François Hollande quant à lui, y emmena dîner le couple Obama. Un moment immortalisé par Danièle, qu'elle conserve en fond d'écran de son portable. Touchant de simplicité.

Un des plats iconiques du chef, escalopines de bar et émincé d'artichaut, nage réduite au caviar © L'Ambroisie / Jacques Gavard
Un des plats iconiques du chef, escalopines de bar et émincé d'artichaut, nage réduite au caviar © L'Ambroisie / Jacques Gavard

Les disciples du chef mentor

Porté au sommet par de vraies figures tutélaires de la gastronomie de son temps, Bernard Pacaud a toujours eu à cœur de rendre la pareille et de former à son tour les futurs grands chefs de la scène culinaire française. Comme il le confie encore à Frédéric Laffont dans ce qui est véritablement l'ouvrage de référence sur le parcours de grand chef de cet homme si discret :

“Mes jeunes m'apprennent beaucoup. Avec eux, je fais mieux que ce que je sais faire seul. C'est aussi cela la cuisine de restaurant.”

Parmi tous ces jeunes, il y a bien sûr eu son fils, Mathieu, resté dix ans à ses côtés, qui a pris son envol et construit une solide carrière.

Le disciple choisi, c'est Jérôme Banctel, un Breton comme lui, arrivé au sommet lui aussi, avec l'obtention de ses 3 Étoiles pour Le Gabriel en 2024. Lorsque Jérôme Banctel évoque ses années auprès de son mentor, il raconte :
« Tout se fait dans le calme et le silence autour de produits d’exception au sein d’une maison familiale. C’est une cuisine classique, ce sont d’exceptionnels jus et le couple Pacaud ne calcule pas ou très peu. J’ai conservé les trois étoiles de cette maison notamment avec une volaille à la Kiev farcie de foie gras et une côte de boeuf ».

Mais il a conservé bien plus que ça. Un sens de l'absolu et celui de dédier sa vie entière à son art, comme lui avait enseigné Bernard Pacaud, presque sans aucun mot.

Un autre classique de Bernard Pacaud, la gourmande tarte sablée au cacao amer © L'Ambroisie / Jacques Gavard
Un autre classique de Bernard Pacaud, la gourmande tarte sablée au cacao amer © L'Ambroisie / Jacques Gavard

Hero Image : Bernard et Danièle Pacaud sur scène, émus à la remise de prix du Chef Mentor 2025 au chef © Le Guide MICHELIN

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