Voyage 5 minutes 04 juillet 2025

Qui est Mallory Gabsi ? Le chef du restaurant éponyme, à Paris, se livre en portrait chinois

Figure cathodique et chef de son restaurant étoilé, Mallory Gabsi s’est livré au jeu de notre portrait chinois avec l’énergie et la faconde belge qu’on aime tant chez lui.

Paris by Le Guide MICHELIN

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On l’ignore trop : la Belgique est la patrie naturelle du Surréalisme. Le Belge est spontanément surréaliste. Le Plat Pays n’a jamais eu besoin de la psychologie des profondeurs chère à André Breton. Cette interview de Mallory Gabsi, le plus belge des chefs « français » le prouve. Il accueille dans sa bonbonnière située derrière l’Arc de Triomphe : quelques tables, une cuisine ouverte, des matériaux nobles.

Ce chef a fait du coq-à-l’âne, de la bifurcation et du pied-de-nez, une philosophie. Il dit « sortie » au lieu de naissance. Il aimerait poser sa tête sur ses amuse-bouche en pâte feuilletée parce qu’ils ressemblent à « des coussinets qui le réconfortent ». Il y a un naturel, une fraîcheur, une imagination prodigieuse chez ce garçon.

Né en 1996, Malou, comme on le surnomme, est tombé très tôt dans le couscous de son grand-père tunisien et dans les bons petits plats de sa grand-mère belge. La cuisine sera son métier. Il occupe différents postes de chefs de partie dans des maisons étoilées (Sea Grill, Hertog Jan) avant de briller jusqu’en demi-finale de Top Chef en 2020. Trois ans plus tard, son restaurant Mallory Gabsi reçoit une Étoile, tandis qu’il rafle également le Prix du Jeune Chef. Sa cuisine reflète sa personnalité ludique qui aime jouer des saveurs et des ingrédients – non sans faire des clins d’œil à son pays natal : sa célèbre anguille au vert a connu pas moins de sept versions. Malou est un malin.

Le chef Mallory Gabsi et son restaurant dans le 17e arrondissement de Paris © Mary Quincy / The MICHELIN Guide
Le chef Mallory Gabsi et son restaurant dans le 17e arrondissement de Paris © Mary Quincy / The MICHELIN Guide

Si tu étais une couleur ?

Si j'étais une couleur, je dirais le turquoise. Parce que j’ai une belle histoire avec cette couleur : c'était la couleur préférée de ma grand-mère, Kiki, qui est décédée en 2018. J'ai toujours été très attirée par cette couleur, d’ailleurs normalement je porte un bracelet en turquoise. C’est aussi une pierre qui peut apporter des bienfaits. D’ailleurs, à l’origine, mon restaurant devait s’appeler « turquoise » mais le nom était « déposé ». C'est pour ça que si tu regardes bien aux toilettes et à certains endroits, comme sur ce pilier ou les vitres du restaurant, tu vas avoir des notes turquoise dans la déco.

Si tu étais un animal ?

Un lion comme mon fils. Parce que j'aime beaucoup la famille des chats et parce que mon fils s'appelle Aslan qui signifie « lion » en turc. On a juste aimé la prononciation. Et le mot « lion » a également donné le prénom « Léon » qui est celui de mon grand-père. J'aime beaucoup cet animal, voilà.

Si tu étais une plante ?

Il y a une plante que j'ai appris à connaître il y a pas longtemps, c'est la gentiane. La racine de la gentiane se dirige toujours vers la chaleur quand elle descend. Elles peuvent faire entre deux et trois mètres de long. Elle va souvent se diriger vers la pierre, la roche qui va lui donner de la chaleur. Cette racine se mange aussi. J’aime bien aussi des plantes comme la tagète ou la verveine qui apportent de la fraîcheur.

Si tu étais un héros, un personnage historique ou un grand homme ?

Jacques Brel ! En fait, quand je regarde ses interviews, j'aime beaucoup sa manière de penser, sa manière de voir les choses, sa franchise. Pour moi, c'est très important ça. Il y a une interview de lui à Knokke-le-Zoute qui dure deux heures et demie qui est magnifique. Il explique que le talent ça n'existe pas. Tout à fait d'accord. Pour moi, le talent, c’est quelqu'un qui travaille pour quelque chose. J'aime bien sa philosophie, son côté honnête et juste.

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L'anguille au vert est le plat signature du chef © Mary Quincy / The MICHELIN Guide
L'anguille au vert est le plat signature du chef © Mary Quincy / The MICHELIN Guide

Si tu étais une plage ?

Une plage magnifique au nord de Zanzibar où j’ai emmené mon frère et ma maman. Il y avait des coraux, des poissons magnifiques, un sable blanc. C’était la première fois que j’offrais des vacances à ma famille. J'en garde un très très bon souvenir.

Si tu étais une rivière ?

La Lesse ! Entre mes 15 et 20 ans, je faisais la descente de cette rivière en kayak avec une vingtaine de copains. On arrivait le matin, on avait tout l’équipement, le pique-nique, les seaux, on s’arrêtait pour se faire un petit barbeuc’ et griller des petits poissons. Et puis, ce qui est chouette, c'est que t'as des endroits où tu peux t'arrêter pour manger une petite frite et de la mayonnaise, aussi. Ça fait toujours plaisir, quoi ! Bah, oui, il y a des baraques à frites juste pour la descente.

Si tu étais une rue ?

La rue des Acacias [où se trouve son restaurant dans le 17e]. Il s’est tellement passé de choses depuis trois ans dans cette rue qui m’a tant donné, à l’échelle de ma petite vie. Je fais partie du quartier maintenant, avec tous les autres commerçants, on s’entend bien : on a souhaité plus de verdure par exemple, donc le maire va planter des arbres – on n’aura plus l’impression d’être à Paris. Juste en face, il y a un boucher qui a été celui de Guy Savoy pendant 25 ans.

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Le chef est comme chez lui dans la rue des Acacias... © Mary Quincy / The MICHELIN Guide
Le chef est comme chez lui dans la rue des Acacias... © Mary Quincy / The MICHELIN Guide

Si tu étais un livre ?

J’aurais dit L’art de la Guerre de Sun Tzu. C'est un livre très fort basé sur les techniques de communication, d'attaque, de défense, de... comment dire... de psychologie, même. Tu le connais, non ? C'est un livre qui a, je crois, 5000 ans, au moins. Je l'ai ouvert trop tard dans ma vie, mais c'est un livre qui m'aide énormément encore aujourd'hui. Toutes ces techniques, très positives bien évidemment, me sont très utiles pour gérer des équipes. Moi, je n'ai pas fait de management, j’ai tout appris sur le tas, comme beaucoup de choses. Ce livre m'a aidé à structurer beaucoup de choses dans ma vie et dans ma tête.

Si tu étais un plat ?

Ah ! Il y a plusieurs plats que j'aime bien, hein ! Tu me prends par les sentiments. Je suis issu d’une famille tunisienne, mon grand-père est tunisien d'origine, mon papa aussi. Je suis né en Belgique mais j'ai été un peu élevé avec cette cuisine d'Afrique du Nord. Donc je te dirais le couscous. Ce plat qu'on mettait au milieu de la table et qu’on partageait tous les dimanches quand j'allais chez mon grand-père. Ça me faisait tellement plaisir de voir tout le monde se régaler en piochant tous dans le même plat. Je te dirais aussi, la mloukhia, qui est un autre plat tunisien réalisé avec une plante de la famille de l’épinard [il s’agit de la corète potagère qui permet la confection de nombreux plats au Moyen-Orient].

Si tu étais un ustensile de cuisine ?

J'aime le fouet parce que j'aime la légèreté qu’il peut apporter à un plat, à une sauce, surtout à une sauce, à une émulsion – j’adore les mousselines. Le fouet leur apporte ce côté un peu aéré où les bulles vont rentrer dans la matière avant de se casser en mille. Et si je devais en choisir deux, je dirais la cuillère, parce qu’elle nous permet de goûter.

Derrière le chef, un mur turquoise, la couleur préférée de sa mère © Mary Quincy / The MICHELIN Guide
Derrière le chef, un mur turquoise, la couleur préférée de sa mère © Mary Quincy / The MICHELIN Guide

Si tu étais une technique culinaire ?

C'est une bonne question. Je t'aurais dit tout ce qui est soufflé, tout ce qui se souffle, le sucre soufflé, les pâtes à pain soufflées, tout ce qui est « soufflé », ça m'a toujours impressionné, fasciné. Je ne sais pas pourquoi, cela me procure une satisfaction énorme quand ça marche. Tu vois, ça me réconforte. Quand je fais des amuse-bouche, j’appelle ça de la pâte à airbag, c’est comme des petits coussinets : t’as envie de mettre la tête dessus.

Si tu étais un pays ?

Le Liban ! Pendant plus de dix ans, j'y allais presque à toutes mes vacances. Mon papa y habitait. J'ai adoré ce pays pour plein de raisons. J'allais skier le matin, l'après-midi, j'étais à la plage et je regardais les montagnes où j'étais. C'est déjà assez fou. Puis surtout, la culture de la bouffe là-bas, c'est fou. Ce que tu manges, les produits, la qualité des produits. Un jour, on me dit : « tu veux manger un sandwich ? » Je réponds : « oui, il est bon ce sandwich au fromage ». On me dit : « c’est de la cervelle ». Elle était coupée en fines tranches, incroyable, un truc de dingue.

Si tu étais une rencontre déterminante ?

[Long silence] La rencontre que j'ai faite avec mon fils à sa sortie [Mallory veut dire à sa naissance, évidemment]. Parce que plus j’avance, plus je me rends compte que... c'est incroyable. Tu vois ? D’avoir un enfant. C'est fou de voir l'évolution. Là, en ce moment, il dit doudou mais il dit aussi papa ou babé – c’est moi. Il vient dans tes bras, il pose sa tête sur ton épaule et te fait un câlin. Je ne peux plus m’en passer. C’est la plus belle rencontre que j'ai jamais faite dans ma vie.

Image de Une : © Mary Quincy / The MICHELIN Guide

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