Voyage 6 minutes 28 avril 2025

Qui est Adrien Cachot ? Le chef du restaurant étoilé Vaisseau, à Paris, se livre en portrait chinois

Fraîchement récompensé par une Etoile obtenu par son Vaisseau, pour sa cuisine audacieuse et décoiffante, l’ancien finaliste de Top Chef Adrien Cachot s’est livré au jeu de notre portrait chinois.

Paris by Le Guide MICHELIN

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On rencontre le chef Adrien Cachot par une belle matinée printanière dans son restaurant Vaisseau du 11e arrondissement de Paris, tout juste étoilé dans le Guide MICHELIN. L’ancien finaliste de Top Chef en 2020, très médiatisé par son passage dans l’émission, ne joue pas à cache-cache sous son accessoire fétiche, bonnet ou casquette. Il est cash, sensible, sincère, naturel, tout entier dévoué à son métier comme en attestent un teint pâle de Parisien et des cernes.

Encore un que la cuisine a sauvé ! En échec scolaire et rupture de ban, il a 14 ans quand le chef Nicolas Magie le recueille à l’époque dans sa table étoilée La Cape à Cenon dans la banlieue bordelaise. Il va le suivre également au Saint-James à Bouliac, mythique hôtel-restaurant étoilé bâti par l’architecte star Jean Nouvel. Monté à Paris, Adrien Cachot fait aussi la connaissance décisive de Christian Etchebest (aucun lien de parenté avec le chef de Maison Nouvelle, Philippe Etchebest), maître parisien de la bistronomie avec ses fameuses Cantines du Troquet.
Le Vaisseau étoilé d'Adrien Cachot, comme un hommage au peintre Soulages...  © Joann Pai
Le Vaisseau étoilé d'Adrien Cachot, comme un hommage au peintre Soulages... © Joann Pai
L’ex-finaliste de Top Chef a 35 ans aujourd’hui. Vaisseau, son restaurant habillé de noir donne l’impression d’entrer dans une toile de Pierre Soulages, le grand maître de l’Outrenoir, une référence pour le chef. Et dans l’assiette ? Une partition ébouriffante d’audaces où les accords les plus fous fonctionnent : un poisson des abîmes rencontre des tripes sous un sabayon de vin jaune. Le pied de cochon façon carpaccio fricote avec trois pouces-pieds et une salade liquide. Derrière un calme apparent, une nonchalance toute cathodique, Adrien Cachot révèle un bouillonnement perpétuel de fulgurances culinaires. Comme son portrait le montre, son talent n’est que l’enfance retrouvée (et soignée) à volonté.
Si tu étais une couleur ?
Le noir. Ce n’est pas une couleur, je sais, mais… le noir.
Sobriété, classe, luminosité.

Si tu étais un ustensile de cuisine ?
Un couteau. Ça m’a sauvé la vie. Un objet qui représente l’artisanat du début à la fin.
C’est un outil qu’on est obligé d’avoir, qu’on est obligé d’entretenir, qu’on est obligé d’aimer. Et qui a été aimé lui-même dès sa création. Il y a des histoires derrière chaque couteau. Moi j’aime les couteaux de l’Atelier Doma [en ligne] — ils vont chercher des artisans au Japon. De très belles pièces. On passe notre temps avec des couteaux. Je suis très attaché aux miens.

Si tu étais un animal ?
Je me suis souvent posé cette question. Je serai un loup, c’est beau, c’est sauvage, c’est inspirant.

Si tu étais une épice ?
Le piment. C’est un marqueur que j’aime bien. Je mange du piment depuis 15, 20 ans. Et plus j’ai appris à en manger, plus j’ai aimé ça. C’est une matière qui interroge. Le piment, le poivre : tout ça m’intéresse. J'ai été formé il y a 20 ans dans le restaurant La Cape de Nicolas Magie à Cenon dans mon village situé en banlieue de Bordeaux [Par la suite, Adrien Cachot rejoindra également Nicolas Magie dans les cuisines du Saint-James à Bouliac]. À côté de son établissement étoilé se trouvait une boutique de produits asiatiques, coréens, thaïlandais – j’y ai fait aussi mon éducation.

Un de mes meilleurs amis d'enfance est vietnamien. Ma femme est franco-japonaise. Après la fermeture de mon premier restaurant, j’ai voyagé 3 ans dans le monde entier, notamment en Asie. Aujourd'hui, chez moi, je ne mange qu’asiatique, et aussi quand je sors.

Si tu étais un arbre ?

Un pin. Parce que je viens de là-bas [le Sud-Ouest], et que j’ai toujours aimé les pins. Toujours.

Si tu étais une technique culinaire ?
C’est dur. Je dirais : la cuisson. Parce qu’on peut avoir un super produit… si la cuisson est ratée, tout est perdu. Il faut maîtriser la procédure, être précis.

Si tu étais un personnage historique ?

Il y a plein de figures que j’admire. Mandella, De Gaulle, tout ça… Mais je ne rêve d’être à la place de personne.

Si tu étais un plat ?
La fideuà. C’est lié à ma famille maternelle catalane, à Barcelone. Un plat qu’on mangeait l’été, qui fait toujours plaisir. C’est rien : juste des vermicelles dans un jus de poisson, un plaisir.

Si tu étais un parfum ?

Le rhum !

Bonnet ou casquette : l'accessoire indispensable d'un chef très médiatisé ! © Joann Pai
Bonnet ou casquette : l'accessoire indispensable d'un chef très médiatisé ! © Joann Pai
Si tu étais un marché ?
Tsukiji, à Tokyo, l’ancien marché aux poissons [fermé désormais]. Et en deuxième, le marché au thon de Kii-Katsuura, dans le sud de l’archipel. Le lieu est incroyable. Un immense hangar où tous les poissons sont alignés face à la mer. Toutes les tailles, toutes les espèces. Visuellement, c’est fou.

Si tu étais une émotion ?
La tendresse. J’aime bien ça. C’est bon d’être attendri… par un mot, un geste, un plat. Ce qui est dur, c’est que j’ai trop d’idées, trop d’envies.

Mais ici à Vaisseau, j’ai réussi à me calmer, à me centrer et concentrer. Mon travail, c’est de trouver la meilleure technique, la meilleure cuisson, pour exprimer un maximum de sensibilité. Même une sauce, même un assaisonnement… tout est goûté, ajusté : il y a de la tendresse dans tout ce qu’on fait, même si les gens sont parfois surpris par la puissance de certains goûts. On cherche l’émotion, sans forcément l’expliquer.

Si tu étais une saison ?
Le printemps. Parce qu’on passe au vert, et que c’est incroyable : les asperges, les petits pois… Tout ce qui est vert me fait du bien au moral.

Si tu étais un pays ?
La France.

Si tu étais un accord mets-vins ?
Le vin jaune avec les tripes.
Vaisseau, une cuisine riche en épices et condiments... © Joann Pai
Vaisseau, une cuisine riche en épices et condiments... © Joann Pai
Si tu étais un poivre ?
Le poivre de Penja du Cameroun. Pierre Siewe [chef de Table de Penja située dans le 7ème arrondissement de Paris] nous rapporte directement du poivre vert et du poivre blanc du Cameroun. Un produit exceptionnel.

Si tu étais un style musical ?
Le rap français des années 90. IAM, NTM… Ma jeunesse.

Si tu étais une chanson ?
365 jours d’Oxmo Puccino.

Si tu étais un terroir ?
Le Sud-Ouest où j’ai passé mon enfance [le chef a grandi à Cenon à 30mn de Bordeaux]. Maintenant, grâce à mon restaurant, je reviens à mes bases, à mon histoire familiale. Le canard vient du Sud-Ouest, les poulets aussi. Le poisson vient des côtes françaises. Je suis content quand je reçois un beau merlu qui vient de la criée de Saint-Jean-de-Luz.

C’est un retour à mon apprentissage, à mes souvenirs. Plus j’avance en âge, plus je me rapproche de ce terroir-là, plus j’ai conscience de notre chance incroyable, ici, en France. Et on ne s’en rend même plus compte…

Si tu étais une ville ?
Tokyo. J’y suis allé pour la première fois de ma vie il y a 10 ans. Un choc absolu — le mode de vie, et surtout la cuisine populaire, un sujet que je pensais pourtant connaître du fait de mes origines modestes… Là-bas, les gens mangent du matin au soir, des plats à 80 centimes. J’ai déjeuné dans un Étoilé qui ne travaille que la sardine dans un menu à 8 € ! Ils cuisinent tout avec amour. Même les petits produits. En France, on pense que si le produit n’est pas beau, on ne peut rien en faire. Là-bas, ils en font quelque chose de bien. Ici, on ne se rend pas encore assez compte à quel point la gastronomie, la cuisine, le vin sont importants. Il y a encore vraiment du travail à faire pour en prendre conscience, on est en retard, notamment sur la qualité - j’en parlais avec Alain Ducasse il n’y a pas longtemps.
Le pigeon, produit fétiche du chef © Joann Pai
Le pigeon, produit fétiche du chef © Joann Pai
Si tu étais une viande ?
C’est compliqué. J’aime beaucoup le canard, parce qu’on peut tout utiliser. Mais je dirai le bœuf wagyu de mon ami Ludovic Follet qui vient de Normandie. Il prend le temps d’élever ses bêtes, il s’en occupe bien, il les laisse vieillir quand on le lui demande.

Si tu étais un dégoût ?
La trahison me dégoûte, profondément, beaucoup plus que la méchanceté.

Si tu étais un abat ?
J’y ai pensé la semaine dernière ! Peut-être un abat qu’on sèche, le ris de veau. On le laisse un peu à l’air libre, à température contrôlée, pendant 3-4 jours. Il perd un peu d’eau, devient plus croustillant à la cuisson. On a découvert ça un peu par hasard à la suite d’une erreur.

Si tu étais un film ?
Jurassic Park. Ce n’est pas le plus grand film du monde, d’accord, mais il m’a marqué parce qu’il représente bien mon enfance. J’ai toujours été un peu rêveur, il m’a aidé à m’échapper, à penser à autre chose. Les dinosaures, c’était un autre monde.

Si tu étais un lieu ?
Un restaurant de nouilles à Tokyo, que j’adore : Sosakumenkobo NAKIRYU. Ouvert 7 jours sur 7, quasiment 24h/24. J’y vais avec mes potes et tout le monde est content. J’y envoie toutes mes connaissances. C’est atypique. Plein d’amour.

Si tu étais un vêtement, un accessoire de mode ?
Une casquette. J'aime bien me cacher sous une casquette : j’en ai eu besoin pour me protéger de la célébrité après Top Chef.

Adrien Cachot, devant son restaurant, rue Faidherbe, à Paris dans le 11e © Joann Pai
Adrien Cachot, devant son restaurant, rue Faidherbe, à Paris dans le 11e © Joann Pai
Si tu étais un dessert classique ?
L’île flottante. Parce qu’on prend toujours beaucoup de plaisir avec cette recette. On peut en changer les goûts, mais la technique reste. Crème anglaise, blancs en neige… quand c’est bien fait, c’est exceptionnel. Je l’ai revisitée à l’asperge, en dessert. Mais même « nature », c’est un dessert exceptionnel. La légèreté du blanc, la crème anglaise, qui est une très belle sauce liée : on ne se rend même plus compte de la technique !

Si tu étais un client idéal ?
J’adore nos clients, ce sont des habitués et des fidèles (on nous le reproche un peu d’ailleurs), des passionnés, des épicuriens, presque chi**** parfois [rires].

Si tu étais une rencontre déterminante ?
Il y en a quatre. La rencontre la plus déterminante reste celle de Nicolas Magie au restaurant La Cape qui m’a pris en apprentissage à l’âge de 14 ans. J'étais en situation d'échec, il m'a permis de trouver un cadre et de suivre une formation autre que celle de l'éducation nationale. Après, Christian Etchebest à Paris, à la fois un mentor et un associé.

Il y a eu également Christophe Raoux (Le Royal) dans le cadre de Top Chef. Et enfin Paul Pairet qui a changé ma vie et ma vision de la cuisine. Il m’a expliqué que certes, c’était important de partager avec les autres, mais qu’il valait mieux rester centrer sur ce que tu as dans la tête quand tu diriges un restaurant. Je suis d’ailleurs allé manger chez Ultraviolet juste avant que la table ferme [située à Shangaï, cette table triplement étoilée depuis 2018, proposait une expérience culinaire immersive unique en son genre. Il cornaque la brasserie chic du Crillon, Nonos]. Ce chef est un génie et un super être humain.

Image de Une : © Joann Pai

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