Cérémonie du Guide MICHELIN 4 minutes 18 mars 2024

La ruralité au cœur du Guide MICHELIN 2024

Cette édition 2024 du Guide MICHELIN est marquée par une véritable floraison de tables en dehors des grandes villes. Au cœur des vallées de l’Aveyron, sur les hauteurs d’Annecy ou au fond du Cantal, nombreux sont les établissements éloignés des grands centres urbains à rejoindre la sélection.

Une éclosion de tables rurales
L’Histoire date la naissance du restaurant à Paris, en 1765 précisément, quand Mathurin Roze de Chantoiseau ouvre le premier restaurant moderne dans le quartier du Louvre à Paris. Aujourd’hui, jamais la ruralité n’a compté autant de tables gastronomiques, de bistrots soignés et d’auberges tendance. Montagnes, campagnes et littoraux ont le vent en poupe. Loin des capitales régionales, nombreux sont les établissements de campagne et d’ailleurs à rejoindre la sélection et parfois à glaner une ou plusieurs étoiles.

Sans aller jusqu’à emprunter les chemins noirs chers à Sylvain Tesson, le Guide MICHELIN 2024 nous invite à prendre la clef des champs pour goûter une France gourmande et buissonnière, animée par des adresses modernes bien ancrées dans leur terroir.
Le Grand Sud-Ouest
L’Auberge de la Forge campe fièrement sur la place de l’église de Lavalette en Haute-Garonne, un village qui compte environ… 800 habitants. Cela n’a pas empêché le couple Théo Fernandez et Claire Cames de décrocher une première étoile. L’inspecteur a pu notamment y apprécier une bonite de Saint-Jean-de-Luz rafraîchie au combawa, chou-fleur et délicate gelée de yuzu-ponzu, une assiette « aux parfums intenses d’agrumes avec beaucoup de vivacité et de délicatesse ».

Certes, Saint-Léon-sur-Vézère (en Dordogne), est classé parmi les plus beaux villages de France. Mais, avec 426 habitants au dernier recensement, ce n’est pas New-York non plus. Rien d’effrayant pour Nick et Sina Honeyman dont Le Petit Léon décroche sa première étoile avec une « cuisine pleine de personnalité et des saveurs parfois percutantes mais toujours savamment dosées ». Même les toilettes, situées à l’extérieur, font « partie du charme » explique l’inspecteur goguenard qui ne rêve que d’une chose : « revenir aux beaux jours en terrasse ».

En rive gauche de la Dordogne, entre Lot et Corrèze, le hameau très étendu d’Altillac compte presque plus de châteaux que d’âmes. C’est dans l’un d’entre eux, entièrement rénové, que le chef Oscar Garcia tient une table, évidemment baptisée Cueillette. Sa cuisine de saison plutôt créative ne puise que dans les produits locaux.
Bellot/Cueillette
Bellot/Cueillette
Deux adresses auréolées d’un Bib Gourmand en 2024 ont pris la clef des champs : située à Alvignac dans le Lot, la première – Le Voyage d’Ernestine (Lot) – est une affaire de famille lancée par des jeunes, qui après avoir roulé leur bosse à l’étranger, sont revenus aux sources. La seconde, Clément Artisan Culinaire (Lot-et-Garonne) a été ouverte par le chef Clément Papillaud : c’est aussi un retour aux sources pour ce cuisinier talentueux natif du département.

En plein cœur de la forêt landaise, La Table du Marensin (Landes) a posé ses fourneaux à Uza (172 habitants), un hameau qui s’est développé au 18es. grâce à une activité de fonderie, la plus ancienne des Landes, aujourd’hui disparue. Le chef réveille le village avec ses créations colorées déroulées au fil d’une trame qui joue la corde de l’acidité.
Le Voyage d'Ernestine
Le Voyage d'Ernestine

Du Cantal à l’Aveyron : c’est tout bon
Installé à l’écart (sic !) du village de Saint-Saturnin (Cantal) qui ne compte pourtant que 200 âmes, le Moulin de la Santoire (Bib Gourmand 2024) est posé face à un étang – idéal pour se mettre au vert et au frais ! Dans l’Aveyron, il faudra désormais s’arrêter à Conques pour déguster la cuisine étoilée du restaurant Émilie & Thomas – Moulin de Cambelong. Réalisée à quatre mains, cette cuisine nature fait la part belle aux légumes et aux fruits de saison livrés par de petits producteurs locaux triés sur le volet. Enfin, Salles-la-Source, village qui compterait presque plus de monuments que d’habitants, abrite désormais une adresse de la Sélection, Cascade, où officie dans une veine bistronomique particulièrement léchée la cheffe Marine Guichou. Au point que l’inspecteur s’est retrouvé devant un dessert coup de cœur comme cette « panacotta aux amandes, mousse au chocolat et crumble cacao ».

Mathieu Libourel / Cascade
Mathieu Libourel / Cascade

L’Est : chaud devant !
Vieille auberge, maison de maître ou même hôtel néo-médiéval flambant neuf : dans le Grand-Est, cela ne se passe pas uniquement à Strasbourg mais plutôt par les bois, les forêts et les prés. La preuve avec Partage (Bas-Rhin), auberge traditionnelle ouverte par un couple de pros qui s’est rencontré chez Lameloise ; Utopie (Haut-Rhin), ancienne maison vigneronne et nouvelle adresse pour ce couple qui a quitté la capitale régionale ; le bien nommé Le Bout des Canards (Moselle), maison reprise par des « locaux de l’étape » qui proposent un déjeuner irrésistible à 22€.

Emy Studio/Utopie
Emy Studio/Utopie
Bourgogne-Franche-Comté : la gourmandise cachée
Village viticole entouré de falaises pour le Bistrot des Falaises à Saint-Romain (Côte-d’Or) ; bourgade de 500 âmes pour la Maison Rosella par Francesco Di Marzio à Port-Lesney (Jura) à quelques kilomètres des Salines royales d’Arc-et-Senans ; village du bocage charolais pour le JK Restaurant de Chassy où officie un chef né à 10 km de là… Des établissements très différents dans leur catégorie, du Bib Gourmand à la table d’hôtel 5 étoiles, choisissent le vert.

Sarah Morvan Vessely / JK Restaurant
Sarah Morvan Vessely / JK Restaurant
L’arrière-pays méditerranéen : l’héliotropisme toujours aussi puissant
L’arrière-pays méditerranéen, avec ses villages perchés, ses champs de lavande, ses vignes, ses garrigues torréfiées de chaleur mais aussi ses produits gorgés de soleil ou ses poissons venus de la grande bleue, n’en finit plus de séduire… si l’on en juge par les étoiles récoltées cette année. Le Vaucluse tire la couverture à lui avec Le Champ des Lunes (Lauris) et la nouvelle table de Christophe Bacquié, Le Mas les Eydins (Bonnieux) qui récolte deux étoiles. Sans oublier, évidemment, l’un des deux nouveaux restaurants trois étoiles de 2024, La Table du Castellet qui, à sa manière glamour, est aussi une adresse isolée au milieu des bois et des pinèdes. Ailleurs dans le Sud, il faut également compter avec Le Feuillée – Le Couvent des Minimes à Mane (Alpes-de-Haute-Provence) et le Château de Collias (nouveau une étoile) dans le Gard, un écrin historique de luxe abrité dans un minuscule bourg.

Aurelio Rodriguez / Château de Collias
Aurelio Rodriguez / Château de Collias
Des cimes de plaisir : les tables de montagne
À côté du biotope méditerranéen, le terroir montagnard offre aussi une somptueuse mosaïque de produits : viandes et fromages d’alpage, herbes et plantes aromatiques et bien sûr les poissons de lac – omble chevalier, fera, etc. – qu’on ne trouve que là-bas. C’est d’ailleurs l’une des raisons du succès d’Annecy, véritable lac aux étoiles (avec le Clos des Sens, les tables de Yoann Conte ou de Jean Sulpice notamment). Mais, revers de la médaille, il devient de plus en plus difficile de s’y installer. Nombreux sont donc les adresses à essaimer à flanc de montagne ou dans les vallées perdues. C’est le cas de ces tables de Haute-Savoie : L’Arborescence (Cercier) où le chef Loïc Deletraz travaille les légumes d’une ferme pédagogique ; Le Bourgeon logé sous les arcades du bourg médiéval d’Alby-sur-Chéran, une table épicurienne couronnée d’un Bib Gourmand qui fait aussi la part belle au végétal ; le restaurant La Chartreuse (Bib Gourmand 2024) se trouve au Reposoir : tout un programme qui mêle épicurisme et spiritualité dans cette commune de 600 habitants située sur la route des Grandes Alpes ; le restaurant Abîme – l’Auberge du Pont est caché en pleine nature dans le massif des Bauges et ne propose à sa table que des produits locaux, y compris les cueillettes de champignons des clients !
Elsa Thomasson / L'Arborescence
Elsa Thomasson / L'Arborescence

Les Français sont de plus en plus intolérants au bruit, notamment depuis les confinements. Ces tables au vert et au silence seraient-elles en train d’inventer une nouvelle relation avec leurs plus fidèles convives ? La suite au prochain épisode !

Image d'illustration : MAKI MANOUKIAN/Le Mas Les Eydins

Cérémonie du Guide MICHELIN

Articles qui pourraient vous intéresser