Restaurants 5 minutes 14 juillet 2025

Chefs et athlètes : 6 grands noms de la cuisine passés par le sport de compétition

Chefs célèbres, mais aussi ex-champions de sport de haut niveau : aujourd’hui à la tête de restaurants étoilés en France, ces anciens athlètes ont gardé le goût de la compétition. De Philippe Etchebest à Gordon Ramsay, en passant par Manon Fleury ou Alexandre Mazzia, découvrez les parcours d’exception de ces étoiles du Guide MICHELIN.

Avant de briller en cuisine, ils et elles ont sué, combattu, chuté. Aujourd’hui à la tête d’établissements français étoilés, ces chefs cultivent la même rage de vaincre que lorsqu'ils pratiquaient, à très haut niveau, boxe, rugby, surf, handball, escrime ou encore basket. Derrière les fourneaux comme sur les terrains, l'excellence ne s'improvise pas. Rigueur, discipline, esprit d’équipe, dépassement de soi... Quand la haute gastronomie adopte les codes du sport.


Jules Rolland, pro de surf et chef de Nuance (Plomeur)

C'est dans le Finistère sud que le tout jeune Jules Rolland, 26 ans, s'est vu récompensé le 31 mars dernier d'une première Étoile. Son restaurant Nuance s'ancre à 7 petites minutes en vélo de la Pointe de La Torche... Spot de glisse réputé, où il peut assouvir son autre passion : le surf ! « J'ai débuté assez tard, à 14 ans », précise-t-il. Ce qui ne l’empêche pas de gravir très vite les échelons. Jules a participé à un championnat Europe à Anglet. Mais c’est surtout en 2022 qu’il s’illustre, quand il termine 9ème au championnat de France !

Le chef Jules Rolland, du restaurant étoilé Nuance (Plomeur) est aussi un champion de surf © Alice Bertrand
Le chef Jules Rolland, du restaurant étoilé Nuance (Plomeur) est aussi un champion de surf © Alice Bertrand

Dans la galaxie des chefs MICHELIN, son parcours atypique détonne. « J'ai d'abord fait un bac scientifique, car je ne savais pas quoi faire. La cuisine est venue ensuite. J’ai appris avec mon père, Raphaël, ancien chef, qui en 2007 avait décroché une étoile au restaurant Cayola, aux Sables-d'Olonne, en Vendée. » Ses beaux produits (langoustines, saint-pierre, girolles…) valorisés par des cuissons impeccables, et rehaussés de jus intenses, séduisent une clientèle de locaux et touristes. « En cuisine », dit-il, modeste, « J'apprends encore tous les jours. C'est beaucoup plus dur pour moi qui n’ai pas forcément enchaîné tôt les belles maisons comme d'autres chefs de ma génération.»

Justement, voit-il un parallèle entre sa pratique du surf et son travail de cuisinier ? Oui, dit-il. « Quand on surfe, chaque vague est différente, il faut savoir s’adapter très vite aux éléments, prendre la vague comme elle vient et donner le meilleur. Je pense aussi qu'en cuisine mon côté compétiteur ressort, en voulant toujours faire mieux, essayer de nouvelles techniques, de nouveaux plats... » Pour l'instant, il surfe quand il peut, sur son (rare) temps libre. « Ça m’embête un peu d’avoir arrêté la compétition », nous confie-t-il. « J’étais bien obligé —le resto nécessite une présence constante. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot. Si je peux reprendre un jour la compète en parallèle, je fonce ! » lance l'irréductible.

Manon Fleury, cheffe chez Datil (Paris) © Pauline Gouablin
Manon Fleury, cheffe chez Datil (Paris) © Pauline Gouablin

Manon  Fleury, cheffe de Datil (Paris)... Et fine lame !

On le sait peu, mais la cheffe de Datil (1 Étoile MICHELIN) est une ancienne escrimeuse en sabre, membre de l’équipe de France junior, championne de France junior en 2008, et vice-championne par équipe en 2009. Les valeurs de précision, de rigueur et d'esprit d'équipe, qu'elle a cultivées par le passé dans le sport, lui servent aujourd'hui aux fourneaux. Sorti de l’œuf fin septembre 2023, son restaurant branché à la sobre déco d'esprit scandinave casse les codes de la restauration classique. Non pas une, mais quatre co-cheffes interchangeables aux fourneaux, une bienveillance et transversalité exemplaires en cuisine... Le futur de la restauration ?

Post hypokhâgne et Ferrandi, cette tête bien faite passe par les cuisines d’Alexandre Couillon (La Marine, sur l’île de Noirmoutier), de Pascal Barbot (Astrance, Paris) ou de Dan Barber (Blue Hill at Stone Barns, au nord de Manhattan). Et prend son premier poste de cheffe en 2018 au Mermoz, à 27 ans. Incarnant déjà cette cuisine de convictions : engagée (sourcing millimétré et local, politique zéro déchet). Et résolument tournée vers le végétal. Dans l'assiette ? Une partition d'un style épuré, qui dévoile notamment toutes les subtilités et complexités aromatiques des céréales (auxquelles elle a consacré un livre), mais également des fruits, dont l'équilibre sucré-acide est subtilement canalisé.

© Pauline Gouablin
© Pauline Gouablin

Eric Prowalski, de La Rotonde des Trésoms (Annecy) : handball et judo à haut niveau 

Une Étoile depuis 2021 : aux manettes de La Rotonde des Trésoms, superbe belvédère surplombant le lac d'Annecy, le chef Eric Prowalski, originaire du bassin d'Arcachon, saupoudre de Sud-Ouest ses assiettes... Lesquelles mettent en avant des produits locaux issus de l'agriculture raisonnée, et une cuisine à dominante de produits de la mer et de lac. Le saviez-vous ? Cet excellent (et discret) technicien, a connu dans son adolescence le sport de haut niveau. Il est allé jusqu'au championnat de France Nationale 2 et 3 en handball et est ceinture noire en judo ! Deux disciplines qui lui ont inculqué « L'esprit de compétition, le sens du détail, le dépassement de soi, et une capacité d’adaptation ».

Eric Prowalski © La Rotonde des Trésoms (Annecy)
Eric Prowalski © La Rotonde des Trésoms (Annecy)

Son objectif principal, aujourd'hui ? « Conserver notre Étoile MICHELIN. Une deuxième Étoile, ce serait formidable, mais ce n’est pas l’objectif ultime. Pour moi, l’essentiel est de travailler en équipe, dans la bienveillance et le respect mutuel ». Cette toque travaille son mental, se baigne toute l'année dans le lac d'Annecy (même en plein hiver !) et confesse méditer « deux à trois fois par semaine », ce qui lui permet de gagner en sérénité. Comme disaient les Romains : Mens sana in corpore sano !

Philippe Etchebest © Charles Toulza
Philippe Etchebest © Charles Toulza

Philippe Etchebest, chef de 2 restaurants étoilés à Bordeaux... Mordu de rugby et de boxe anglaise !

Chef des restaurants bordelais Maison Nouvelle (doublement étoilé en 2025) et La Table d'Hôtes - Le Quatrième Mur (une Étoile MICHELIN depuis 2018), le meilleur ouvrier de France, jury de Top Chef et présentateur de l'émission Cauchemar en cuisine sur M6 est aussi le seul chef de l’Hexagone à avoir joué trois-quarts centre en Première Division de rugby. Un sport qu’il a pratiqué quinze ans, avec une année dans l'élite, disputant la saison 1986-1987 du championnat de France au sein du CA Bègles-Bordeaux. « Quand je suis parti travailler à Paris, j'ai joué au CASG en Deuxième Division. C'était dur, on travaillait six jours par semaine au restaurant, et le dimanche, j’allais jouer ». Lorsqu'il annonce à son chef qu’il arrête le rugby, ce dernier lui confie son soulagement : « J'avais toujours peur que tu ne reviennes pas le lundi. » Et le gamin de lui répondre, du tac au tac, qu'il se lance dans la boxe !

Car au-delà du ballon ovale, la grande passion de Philippe Etchebest, c’est la boxe anglaise. « À 26 ans, je m’inscris au Boxing Blagnac Club, en parallèle de mon poste de second dans un restaurant deux Etoiles de Toulouse » (Les Jardins de l'Opéra, tenus alors par le chef Dominique Toulousy, NDLR). Son coach, Mohamed Benhama, entraînera Mahyar Monshipour, quatre fois champion du monde de 2003 à 2006. Le cuisinier enchaîne combats d’entraînement et matchs de compétition en amateur, se forge une combativité. Mais pas facile de concilier sport et fourneaux.

« Dans les galas de boxe, je demandais à passer en premier, pour être disponible après pour le service », se remémore-t-il. Hygiène de vie stricte, et emploi du temps de ministre : « J’arrivais à 8 heures au marché, à 9 heures j’étais en cuisine, à 15 heures je sortais de la cuisine, à 15h30 j'étais à la salle jusqu'à 17h30, et à 18 heures j'étais en cuisine, jusqu'à minuit », raconte cet hyperactif. « J'ai pratiqué assidument pendant dix ans, j'ai même été champion Midi-Pyrénées des mi-lourds en 1993 quand je boxais à Blagnac ». Après un an et six combats en amateur gagnés, il arrête la compétition. Mais ne raccroche pas les gants pour autant ! « Je continue de boxer. C’est une super école pour gérer le mental ».

Le chef Gordon Ramsay © Gordon Ramsay Restaurants
Le chef Gordon Ramsay © Gordon Ramsay Restaurants

Gordon Ramsay, champion d'Ironman, chef de 2 restaurants étoilés (Versailles et Bordeaux) 

Le plus rock’n roll des chefs britanniques en France a failli être footballeur pro, participé à 15 marathons, trois ultra-marathons, 7 iron men… Dont l’Ironman le plus dur du monde à Hawaï. Amoureux de Paris, l'animateur vedette de Cauchemar en cuisine, célèbre pour ses  légendaires coups de gueule en cuisine, règne aujourd'hui sur un impressionnant empire : pas moins de 88 restaurants dans le monde, dont 32 chez lui au Royaume-Uni. Chez nous, l'Écossais tire les ficelles de deux établissements : l'un à Versailles (Gordon Ramsay au Trianon, une Étoile); l'autre à Bordeaux et doublement étoilé (Le Pressoir d’Argent).

À 57 ans, Gordon Ramsay n’a rien perdu de son irrévérence. « Je m'entraîne chaque semaine pour réussir à suivre plusieurs étapes du tour de France l’an prochain » réplique-t-il alors qu'on lui demande comment il va (il a failli mourir lors d'une grave chute à vélo en juin 2024). « C'est un itinéraire de 72 km qui va de Paris à Maison Laffitte, et passe à côté de la Seine. Avec plusieurs montées à grimper, pas piquées des hannetons ! » Et comme si cela ne lui suffisait pas « J’ai aussi un semi-Iron Man de programmé pour mai prochain et un Iron Man entier en septembre, en Espagne.»

Alexandre Mazzia (à gauche) © Florian Domergue
Alexandre Mazzia (à gauche) © Florian Domergue

Alexandre Mazzia, chef du triple étoilé AM Restaurant (Marseille), ex-basketteur pro

Ce n'est pas un hasard si Alexandre Mazzia, 1,95 m, Nike Air Jordan rouges au pied, a mis sa cuisine au service des athlètes pendant toute la période des JO. Ce natif de Pointe-Noire (Congo) a été basketteur professionnel jusqu’en Nationale 1 à Salins (Jura). Il a même été sélectionné en équipe de France espoirs. « J’ai joué plus de dix ans, mais en parallèle, j'ai toujours fait de la cuisine et de la pâtisserie ». Il préfère d'ailleurs dire qu’il « n’est pas un basketteur qui a fait une reconversion, mais un cuisinier qui a fait du basket ».

Après être passé chez Fauchon Paris, Pierre Hermé, Alain Passard ou Michel Bras, Alexandre Mazzia s’est installé à Marseille en 2014 pour ouvrir son restaurant AM, où il obtient en six ans les trois étoiles, Graal suprême du Guide MICHELIN. « Je pense qu’aujourd’hui je suis un athlète de haut niveau dans mon métier, que ce soit dans la réflexion, la préparation ou l’anticipation. La haute gastronomie, c’est aussi la faculté d’adaptation à un moment T, comme dans un sport au niveau professionnel. Le basket m’a aidé dans l’exigence, dans la concentration et dans la prise de parole aussi. Mais je pense que ce que j’ai gardé le plus, au-delà de l’aspect psychologique et mental, c’est la réactivité », conclut-il.

© AM Restaurant
© AM Restaurant

Photo de Une : DR : Jeremy Bishop / Unsplash


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