Chez Faubourg Daimant, bistrot 100 % vegan du 10ᵉ arrondissement, il se dégage une énergie qui tient plus de la fête que d’un déjeuner en semaine. Ici, les légumes sourcés avec soin sont sublimés par des condiments et des sauces, les conversations se poursuivent de table en table, et tout le monde – omnivores compris – se sent chez soi. Cette ambiance chaleureuse et festive est précisément ce qu’Alice Tuyet souhaitait créer. « Je veux que les gens déconnectent, s’amusent et redécouvrent le plaisir à travers la cuisine végétale », confie-t-elle.
Quand elle ouvre Faubourg Daimant en 2022, son ambition n’est pas de convertir les clients au véganisme, mais de célébrer la sensualité de la cuisine française sous un nouvel angle. Sa signature ? Les croquettes 'cochonnes' (à base de champignons, échalotes et tofu fumé), croustillantes, fondantes et totalement assumées, incarnent sa philosophie. « La cuisine végétale n’a pas besoin d’être fade ou sage, affirme-t-elle. Elle peut être audacieuse, pleine de textures et absolument irrésistible. »
Cette approche joyeuse a depuis donné naissance à un trio d’adresses végétales. Plan D, son premier et plus petit lieu, s’est fait connaître avec ses sandwichs gourmets. Plus récemment, Daimant Saint-Honoré s’est installé dans le quartier de la mode avec une cuisine façon rôtisserie et des assiettes saisonnières comme des agnolotti de potimarron rôtis, nappés d’une sauce à l’orange veloutée. Dans chaque établissement, la jeune femme demeure fidèle à son credo : « On revisite le patrimoine culinaire français pour inventer la cuisine de demain. »
Sa passion pour la restauration remonte à loin. Ancienne danseuse formée à l’Opéra de Paris, elle étudie ensuite le commerce avant de trouver sa voie dans la gastronomie, une histoire d’amour née à la maison. Son père, lecteur assidu du Guide MICHELIN, l’initie aux grandes tables en économisant pour célébrer les moments importants de la vie familiale. « Il achetait plusieurs exemplaires de chaque édition dès sa sortie, se souvient-elle. Pour nos anniversaires, on choisissait un restaurant dans le Guide. Je me souviens encore avoir pleuré de joie lors de mon premier repas à L’Ambroisie. »
Cette approche précoce de la gastronomie française façonne sa vision culinaire. Quand Faubourg Daimant apparaît dans le Guide MICHELIN, deux mois avant la disparition de son père, la reconnaissance prend un sens tout particulier. « Il était fier, même s’il ne comprenait pas totalement la cuisine végétale, raconte-t-elle en souriant. Dans sa culture, la viande symbolisait la réussite. Mais je crois qu’il serait heureux de me voir perpétuer son amour de la cuisine à ma manière. »
Chez Faubourg Daimant, cet héritage s’exprime dans chaque assiette de manière ludique, précise et résolument française. Une preuve que la cuisine végétale peut être aussi décadente et joyeuse que n’importe quel festin.
Quel est le dernier restaurant qui vous a vraiment bluffée ?
Je sors peu, mais j’ai adoré La Joie, une adresse sri-lankaise du 11ᵉ ; tellement que j’y suis retournée deux fois. C’est un projet mené par le restaurateur Florent Ciccoli et Minod Dilakshan, un de ses anciens chefs originaire du Sri Lanka. J’y ai goûté deux currys, tous deux incroyables, pleins de saveurs, de relief, d’épices dosées avec justesse. Dans un autre registre, mắm from Hanoï, un restaurant vietnamien authentique, propose un tofu bún bò redoutable, à la fois abordable et chaleureux.
Côté gastronomique, la dernière table qui m’a vraiment impressionnée est L’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement, près de Reims, où j’ai choisi le menu végétarien. Je suis une végétalienne 'voyageuse' : 95 % végane, 5 % non-végane, parce que je ne veux pas m’isoler socialement ou m’empêcher de découvrir. Quand je sais que c’est bien sourcé, je fonce. Arnaud Lallement est un maître dans l’art des sauces et ça se sent : il m’a bluffée, encore et encore. Prochain sur ma liste : Plénitude d’Arnaud Donckele à l’hôtel Cheval Blanc Paris.
En tant qu’ancienne danseuse, où allez-vous pour un repas rythmé ?
Facile, je file chez Tekés, restaurant du chef Assaf Granit. Une cuisine d’émotion, très proche de celle que nous faisons, et une ambiance festive typiquement israélienne. Sinon, je passe parfois chez Déviant après le service, où je suis sûre de trouver de la super musique et une énergie incroyable. Allan, le maître de salle, participe à des compétitions de danse et fait le show même dans la rue. Je ne plaisante pas. Cet homme est incroyable !
Et pour une envie de sucrée végane ?
Boneshaker Donuts, sans hésiter. Tout est fait maison et délicieux. J’aime les donuts simples, juste avec un glaçage nature, sans crème ni sucre. J’apprécie aussi beaucoup Pierre Hermé, qui a beaucoup travaillé sur ses pâtisseries végétales, notamment un gâteau tout chocolat aux fruits rouges et myrtilles. Une merveille ! Il n’est pas végan, mais ouvert à l’idée et curieux, il pense que l’avenir sera végétal, et qu’il faut avancer dans ce sens. Pour ma part, je ne suis pas un bec sucré, mais plutôt dingue de pain : je peux dévorer toute seule une miche entière au levain.
Alors qu’elle est votre boulangerie incontournable ?
Mes amies de Mamiche, évidemment ! Elles ont une belle sélection de pains. Pour nos restaurants, nous avons vraiment voulu travailler avec du pain bio pour les restaurants, donc nos pains viennent de Dupain, dans le Marais.
La décoration au Faubourg Daimant est inspirée des brasseries des années 1900, avec de nombreuses de casseroles aux murs. Où vous procurez-vous votre batterie de cuisine ?
Classique, mais efficace : E. Dehillerin, aux Halles. J’y passe des heures à examiner casseroles et couteaux Victorinox, alors que j’en ai déjà plein. Ils ont toujours la pince ou la pipette parfaite pour le dressage. Et j’adore les blouses blanches impeccables des vendeurs. Mention spéciale aussi à Merci Beaumarchais, qui m’a sauvée la vie le printemps dernier ! Les bougeoirs que nous avions commandés pour le nouveau restaurant n’étaient pas à la bonne taille, donc j’ai filé chez Merci pour les dévaliser quelques heures avant notre ouverture ce soir-là. Ils ont dû me prendre pour une folle.
Enfin, quel est le goût de Paris ?
Pour moi Paris a le goût du beurre ! Pas le beurre traditionnel, mais notre beurre sans beurre maison : une émulsion d’huiles végétales de grande qualité. Léger, mousseux, fumé au bois de hêtre.
Carnet d’adresses :
L’Ambroisie, 9 Place des Vosges, 75004
mắm from Hanoï, 39 Rue de Cléry, 75002
Plénitude, 8 Quai du Louvre, 75001
Tekés, 4 bis Rue Saint-Sauveur, 75002
La Joie, 117 Rue du Chemin Vert, 75011
Déviant, 39 Rue des Petites Ecuries, 75010
Boneshaker Donuts, 86 Rue d’Aboukir, 75002
Pierre Hermé, various locations
Mamiche, 45 Rue Condorcet, 75009
Dupain, 20 Boulevard des Filles du Calvaire, 75011
E. Dehillerin, 18-20 Rue Coquillière, 75001
Merci, 111 Boulevard Beaumarchais, 75003
Hors Paris - l'Assiette Champenoise, 40 Avenue Paul-Vaillant Couturier, 51430 Tinqueux