Longtemps invisibilisées dans l'Histoire de la gastronomie (dans l'Histoire tout court), les femmes reviennent peu à peu sur le devant de la Cène. Le monde change. Certes, pas aussi vite qu'on le souhaiterait. Mais n'empêche : la féminisation de la restauration est définitivement en marche !
C'est tout le propos de cette séquence vidéo réalisée par Vérane Frédiani, projetée lors de la cérémonie du 18 mars 2024, à Tours. La journaliste, autrice du documentaire À la recherche des femmes chefs (2016), également co-autrice avec Estérelle Payany de l'excellent ouvrage Cheffes, publié en 2019 aux éditions Nouriturfu (portraits de 500 cheffes), a tenu à donner à voir ces maraîchères, pâtissières, vigneronnes, directrices de salle qui font battre le coeur de la gastronomie française.
Une envie forte de faire bouger les lignes
Reste, comme l'a rappelé Gwendal Poullennec, Directeur international des Guides gastronomiques MICHELIN, qu'il y a « trop peu de femmes à la tête des cuisines, alors qu’elles sont toujours plus nombreuses dans les cuisines et les formations. C’est une réalité que nous déplorons. »
En effet, si désormais les effectifs d'écoles comme FERRANDI démontrent une réelle parité, les femmes demeurent moins nombreuses que leurs homologues masculins à travailler dans le secteur de la restauration. Surtout, si 48 % des employés de l’hôtellerie-restauration sont de sexe féminin, très peu accèdent à des postes à responsabilité (cheffe de rang, cheffe de cuisine, cheffe de pâtisserie). Dans l'Hexagone, 83 % des chefs de cuisine seraient des hommes, contre 17 % de femmes. Des chiffres à prendre avec des pincettes... le sondage datant (Enquête Emploi 2009-2015).
Parmi les patrons d’hôtels, cafés, ou restaurants, les femmes ne représenteraient que 37 % des effectifs. « Je le sais, de nombreux cuisiniers développent des initiatives fortes pour promouvoir des jeunes femmes talentueuses. J’en suis très heureux et j’espère qu’elles ouvriront un jour leur propre maison » a rappelé Gwendal Poullennec.

Cette année, Eugénie Béziat, au piano d'Espadon, la table du Ritz (Paris) décroche une première étoile. Idem pour Manon Fleury et Laurène Barjhoux... Ou plutôt faudrait-il dire, l'ensemble de leurs co-cheffes ! Puisque Datil révolutionne le système managérial classique. « Le restaurant de demain est là ! » avions-nous titré il y a quelques mois. Au sein des cuisines, il n’y a en effet ni cheffe ni sous-cheffe, mais un quinté gagnant de cuisinières travaillant sur un pied d’égalité.
Le millésime 2024 salue également le travail de plusieurs duos cheffe/chef : Emilie et Thomas Roussey pour le Moulin de Cambelong (Conques-en-Rouergue), Adeline Lesage et Marc-Antoine Lesage de Nacre (Arès), Florencia Montes et Lorenzo Ragni de ONICE (Nice).
Intervention remarquée de la vigneronne Noella Morantin
Autre discours remarqué, celui de Noella Morantin, vigneronne nature émérite. Appelée sur scène pour remettre le prix MICHELIN de la Sommellerie 2024 à Magali Delalex, cheffe sommelière de La Table de l'Ours (ainsi qu'à son camarade de promo Xavier Thuizat, du restaurant L'Écrin), la viticultrice du Loir-et-Cher voisin s'est réjouie au micro que le métier « se féminise jusqu'au plus haut niveau ».
Et de citer l'exemple de Pascaline Lepeltier, un des Meilleur Ouvrier de France dans la catégorie sommellerie, élue Meilleure Sommelier de France 2018. Depuis 2022, elle est la Directrice des Boissons de Chambers, un restaurant du quartier de TriBeCa (New York), qui abrite plus de 3 000 références de vin majoritairement biologiques, biodynamiques et naturelles.
Mais aussi de Vanessa Massé (Prix Sommellerie au Guide MICHELIN 2021), propriétaire et sommelière de l'étoilé Pure & V à Nice, ainsi que du restaurant bistronomique à l'étage, Pure & Vins. « Et tant d'autres ». Tant d'autres, à l'instar de Crislaine Medina (Cheval d'Or, Paris) avec qui nous avions longuement échangé. Ou de Paz Levinson, la Cheffe sommelière des établissements d'Anne-Sophie Pic, grande amatrice de cidres.
« En tous cas, j'espère que les sommelières n'entendront plus des demandes du genre : est-ce que vous pouvez nous envoyer quelqu'un pour les vins ? » a conclu non sans humour Noella Morantin. Nous ne pouvons qu'encourager, supporter cette renaissance. Voir à ce sujet notre dossier régulièrement actualisé sur les femmes à suivre en France en 2024 dans la gastronomie.



