Reportages 4 minutes 11 mai 2022

La revanche du végétal

Bien loin des rayons d’épiceries alternatives où s'alignent graines de Chia, tofu soyeux, protéines de soja, et autres produits réservés aux initiés, la cuisine végé’ fait petit à petit son trou à tous les étages de la gastronomie. Le Guide MICHELIN est parti à la rencontre de plusieurs chefs qui en sont devenus les plus fiers porte-drapeaux et qui livrent quelques secrets de fabrication !

Armand Arnal, La Chassagnette, Arles

Inspiration
« Chez moi le végétal est venu par étapes. La première c’est une étape familiale puisque mon arrière-grand-mère vendait des légumes sur le marché de Montpellier et qu'à la maison, on en consommait beaucoup. La deuxième étape c’est quand j’ai travaillé chez Alain Ducasse qui est l’un des premiers à avoir mis des menus et des plats 100% végétariens sur ses cartes. Et la dernière étape de cette évolution, c’est quand je suis arrivé à la Chassagnette et que j’ai découvert le potager. J’ai vraiment senti que le restaurant était au service du potager et avec les propriétaires on a vraiment souhaité s’inscrire dans cette démarche là. Année après année, on développe de nouvelles choses : on a créé un verger, ensuite on a accentué la permaculture et enfin, on a développé un endroit qui nous sert à expérimenter d’autres façons de cultiver certaines choses. En fait on a toujours développé le jardin avant que cela se répercute en cuisine. Finalement pour nous le restaurant n’est que le maillon final d’une grande chaîne. Les plats que l’on sert sont avant tout l’expression du travail de la terre et du temps qui passe. C’est presque un luxe pour nous d’attendre ».

Armand Arnal / La Chassagnette
Armand Arnal / La Chassagnette
Astuce de chef

« J’aime bien faire une salade de fèves avec les premières de la saison. Il faut prendre des fèves assez petites (maximum 20cm) parce que le but c’est de laisser les fèves telles quelles, sans les cuire ou enlever la peau. Donc on va juste récupérer les fèves de l’intérieur de la cosse puis on va les mélanger avec un peu de cébette, un trait d’huile d’olive et un peu de vinaigre de vin ou du jus de citron. De l’autre côté on prend nos cosses que l’on va tout simplement faire frire comme des beignets, ça nous permet de ne rien gâcher et franchement, niveau goût c’est assez magique. C’est à la fois croustillant et moelleux et les arômes se marient parfaitement avec l’aspect juteux de la fève ».

Nadia Sammut, La Fenière, Lourmarin

Inspiration
« Le végétal est venu assez naturellement à moi. En fait, après avoir dû stopper le gluten et les produits laitiers [Nadia Sammut est cœliaque] j’ai commencé à faire une liste d’aliments de base et finalement la majorité c’était du végétal. Par exemple, quand j’ai commencé à travailler le pois chiche pour faire des farines, j’ai réalisé que finalement, je pouvais envisager plein d’autres façons de le travailler. Je ne viens pas vraiment du milieu de la cuisine, je n’avais donc pas la technique comme pouvait l’avoir ma mère [Reine Sammut, première femme étoilée en France] qui elle, cuisinait beaucoup de viandes et de plats en sauce. Donc quand j’ai commencé à cuisiner les légumes, je n’allais pas braiser une tomate par exemple, j’ai vraiment voulu réfléchir à comment je pouvais mettre au maximum en valeur chaque ingrédient. J’essaie plutôt de comprendre et de m’interroger sur la beauté des choses plutôt que d’imposer ma volonté. Pour moi, aujourd’hui, au-delà de faire de la cuisine végétale, je fais vraiment une cuisine de la nature ».

Nadia Sammut / Photo Florian Domergue
Nadia Sammut / Photo Florian Domergue
Astuce de chef

« Une recette de base dans ma cuisine, c’est vraiment la galette de pois chiches parce qu'elle va me servir de support pour plein d’autres éléments. Donc dans un premier temps on fait un mélange farine de pois chiches et eau, en quantité équivalente, avec un peu de fleur de sel et d’huile d’olive qui va nous donner une pâte qui ressemble un peu à un pancake et qu’on va venir faire dorer à la poêle. Une fois qu’on a cette base, on peut faire plein de choses. Par exemple, on peut se préparer une crème végétale en émulsifiant de la crème d’amande avec de l’huile d’olive et les herbes que j’ai sous la main. Ensuite on pourra venir déposer les légumes que l’on souhaite, préférablement « de saison », selon ce dont on a envie ce jour-là. »

Claire Valle, ONA, Arès

Inspiration

« En fait moi j’ai vraiment découvert la cuisine végétale au début des années 2010 quand je suis partie en Thaïlande pendant un an. C’est un pays luxuriant où on trouve de tout dans les énormes marchés, que ce soit des légumes, des fruits, des racines, des épices. Et surtout, je me suis rendue compte qu'il y avait une juxtaposition de plusieurs communautés en Thaïlande : l'une qui mange de la viande même si ça reste en quantité limitée, et l’autre qui est végétarienne, voire végétalienne, en raison de sa religion, pour la plupart le bouddhisme. C’est aussi en Thaïlande que j’ai découvert le tofu, le tempeh ou le seitan, des alternatives à la viande. Moi qui avait travaillé en Suisse, j’étais plutôt lait de vache et fromage ! Et tout ça a fait que quand je suis rentrée en France et que je suis retournée en cuisine j’ai compris que je ne voulais plus faire la cuisine que je faisais avant, c’était plus du tout mon truc, donc j’ai décidé d’ouvrir mon propre restaurant végétal ».

Claire Vallée / Photo Mary Laetitia Gerval
Claire Vallée / Photo Mary Laetitia Gerval
Astuce de chef 

« Il y a plein de choses marrantes à faire dans la cuisine végétale, par exemple on peut préparer un seitan bourguignon. Le seitan en gros c’est un aliment fabriqué à partir de gluten de blé qui va pouvoir remplacer la viande dans différentes préparations, notamment des plats en sauce. Donc en fait il suffit de suivre les étapes d’un bourguignon classique mais on va remplacer le bœuf par notre seitan, qu’on peut faire mariner, avec du vin rouge notamment, avant, si on le souhaite. Dans l’idée on peut faire la même chose avec des bolognaises ou des lasagnes par exemple ».

Adrien Zedda, Culina Hortus, Lyon

Inspiration
« La cuisine végétale est vraiment apparue dans ma cuisine après mon expérience en Australie, au Royal Mail Hôtel, un restaurant qui était en totale autonomie sur la partie végétale grâce à un énorme potager. Je me suis retrouvé là bas un peu par hasard, j’avais envie de voyager, j’avais déjà eu quelques brèves expériences à l’étranger et du coup quand on m’a proposé cette place de sous chef, j’ai quitté mon poste de chef à St-Etienne et je suis parti. Le fait qu’il y ait un potager a vraiment été un moteur dans ma décision ! Ce qui est fou c’est qu’on avait vraiment les mains dans la terre. Il y avait 3 jardiniers qui travaillaient à temps plein pour le restaurant et nous, tous les soirs, on allait au potager pour faire une liste des produits dont on avait besoin selon notre poste. Puis le lendemain matin on allait récolter ce qui était sur cette liste. De fait, le végétal avait une place prépondérante dans notre cuisine et quand je suis revenu en France, à Lyon, j’ai rencontré Thomas avec qui on a ouvert Culina Hortus avec la volonté d’offrir une cuisine gastronomique et végétale ! Et depuis je me rends compte chaque jour que cette cuisine n’a presque pas de limite, on est toujours dans la créativité ».

Adrien Zedda / Photo : Agence MIN
Adrien Zedda / Photo : Agence MIN
Astuce de chef

« J’ai une recette que j’aime beaucoup, qui est très simple mais qui demande un peu de temps. Je l’ai préparée pour l’ouverture du restaurant et c’est devenu un classique de notre menu. Pour faire simple, c’est du céleri rave qu’on va faire confire pendant 12h. D’abord on épluche le céleri en gardant les peaux de côté. Ensuite on va le laquer avec un peu de sauce soja, un peu de miel, et un peu d’ail noir si vous en avez sous la main. Une fois que le céleri est bien badigeonné, il n'y a plus qu’à le mettre dans un plat de cuisson avec un fond d’eau, environ au 1/4 du céleri), et couvrir le tout avec un papier aluminium. Comptez 12h au four à 110°. A la sortie du four, on obtient un céleri un peu caramélisé et confit avec une texture hyper fondante qu’on va pouvoir ensuite utiliser de différentes façons, que ce soit en purée ou en tranche poêlée par exemple ».

Hero Image : La Chassagnette.

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