Quoi de plus normal pour un fils d’éleveurs de veaux sous la mère, installés dans le Béarn, que d’être obsédé par la culture du (bon) produit ? Après avoir pensé reprendre l’exploitation familiale, Louis de Vicari choisit l’école Ferrandi comme premier tremplin, en 2015, avant le tournant du Bocuse d’Or en 2018, pour lequel il officie en tant que commis pour l’équipe de France. « Une aventure aussi forte humainement que culinairement parlant. Après huit à neuf mois d’entraînement, on est censé être performant sur la mécanique d’envoi, la régularité et la précision. C’est extrêmement formateur ».
L’apprentissage se poursuit dans des maisons étoilées, chez Yoann Chapuis, à Tournus, en Bourgogne, et lors d’une saison aux Flocons de Sel, à Megève. Avant LA révélation, l’embauche au Pré Catelan : « J’avais une envie totale de travailler avec Frédéric Anton. Je l’ai contacté par Instagram et les choses se sont faites simplement et rapidement. J’ai appris en septembre 2021 qu’une place était disponible, et j’ai eu la chance d’intégrer la brigade de ce maître de la régularité et de la perfection. Immédiatement, j'ai appris à jouer sur les équilibres entre le gras, le sucre et l’acidité ». Bienvenue dans le monde fermé des maisons triplement étoilées où l’extrême exigence rythme le quotidien…
« Pour mes débuts, j’ai été bien challengé en travaillant sur une proposition de panacotta de langoustines, avec un consommé de volaille, préparée comme une poule au pot. On bouillit, on réduit, on cherche en permanence la bonne texture, le goût idéal, avec au sommet un carpaccio de langoustines, grains de poivre. C’est un travail d’orfèvre ! ».
Début 2023, l’aventure culinaire du chef prend un tournant décisif. Au Bistrot Flaubert, le charismatique Flavio Lucarini quitte la cuisine pour prendre les rênes du nouveau restaurant Hémicycle. La place conviée de chef se libère et elle est proposée à Louis de Vicari. « Ma première place de chef », sourit-il. « Une vraie belle opportunité dans un endroit chaleureux, qui ressemble à une bonbonnière et où les attentes sont fortes pour les adeptes d’une cuisine assez inventive, voire un peu rock n’roll, qui contraste avec le clacissisme du lieu ».
C'est un euphémisme de dire que le lieu est facilement séduisant : tables en marbre, étagères en bois où trônent de belles bouteilles (et une collection de Guides MICHELIN) et lustres Art nouveau entretiennent un cadre attrayant au charme légèrement suranné.
« Mes premiers réflexes ont été de me dire : sois toi-même et en même temps, j'ai repris mes notes et synthétisé toutes les idées que j’avais pu accumuler. J’ai commencé à travailler sur les propositions au déjeuner avant de me pencher sur le menu en 8 temps au dîner ». Depuis quelques mois, la cuisine de Louis de Vicari s’affirme, fortement marquée par les jus et les sauces. La dernière en date, est celle qui nappe le plat d’actualité phare, le lièvre à la royale.
« Je travaille sur le gras, l’acidité, les sucres naturels. J’ai pu lancer, depuis mon arrivée, quelques plats, qui ont, je pense, plu à la clientèle, comme la réduction de bouillabaisse, comme un jus, sur une fleur de courgette farcie, ou la seiche, sauce marinière crémée qui apporte le gras, avec une infusion au réglisse qui donne l’illusion du sucre… ».
Et à l’heure d’une sensibilisation accrue sur les pertes et déchets alimentaires, le chef adopte un discours offensif : « On a évidemment la responsabilité d’assurer un minimum de pertes en valorisant au mieux le produit et en réalisant des économies de prix. Je pense que c’est devenu un réflexe de cuisiniers, et surtout pour les chefs entrepreneurs… ».
Le Bistrot Flaubert, un endroit parisien à découvrir et Louis de Vicari, un talent brut à suivre…
Hero Image : Bistrot Flaubert © Maëlle Saliou