Actualités 1 minute 01 mai 2020

Le quotidien des chefs confinés : Édouard Loubet

Contraints par les ordres de confinement, les chefs se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd'hui, Édouard Loubet, chef de la Bastide de Capelongue.

"Je n’avais pas vraiment envie de rouvrir : cela faisait 15 jours que j’avais pris conscience de ce qui se passait, en Chine et ailleurs. Je me suis dit : je vais ouvrir pour rien. Mais finalement, je me suis lancé malgré mon pressentiment : c’était une manière de réveiller notre village du Luberon qui somnole en cette période creuse, et de nous préparer pour Pâques…

J’ai ouvert l’hôtel, puis le restaurant, rempli les frigos, mis les équipes en place, et j’ai appris la nouvelle en plein service grâce à mes clients qui étaient sur leur téléphone. J’avoue que j’ai été très contrarié. Que le gouvernement ne nous ait pas prévenu en amont alors que le confinement était déjà dans l’air partout, et que les hommes politiques le réclamaient… Bref, le lundi, tout était fermé, toutes les équipes reparties en chômage technique, et moi, je filais dans ma voiture rejoindre mon épouse et mes enfants en montagne où nous sommes toujours confinés.

Nous avons beaucoup de chance : nous sommes en altitude, on fait l’école buissonnière, on joue à Robin Crusoé, on coupe du bois, on fait des barrages sur la rivière, on voit la neige progressivement remonter, les crocus et les violettes sortir, on entretient nos terres… ce qu’on n’a pas vraiment fait depuis dix ans, tellement nous sommes accaparés par nos maisons. Et surtout, on profite d’une vie de famille qu’on ne connaît pas habituellement. Vivre à plein temps avec nos enfants, c’est quand même un point positif.

“Comme disait mon grand-père, le bœuf est lent, mais la Terre est patiente”

On profite aussi de ce temps pour développer encore plus l’activité agricole sur nos sites – quitte à donner ou à vendre cet excédent de fruits, de légumes et d’herbes. Certes, cette crise nous renforce dans nos positions locavores mais je ne suis pas un ayatollah : la gastronomie française est faite de très beaux produits qui viennent d’un peu partout. Dans le Vaucluse, nous sommes très bien servis par un climat et un terroir exceptionnels. La production dure près de dix mois et nous permet de changer notre carte cinq à six fois. Nous, le locavorisme, on le pratique depuis toujours dans nos établissements, qu’il s’agisse de nos poules et de nos lapins, de compost ou de permaculture – mais dorénavant, je vais sans doute communiquer un peu plus sur le sujet. À l’avenir, nous serons peut-être un peu plus "fermier", tout en restant dans l’exigence de l’excellence.

La meilleure des choses, c’est de ne pas s’affoler et de ne pas courir dans tous les sens comme je vois beaucoup de chefs le faire autour de moi. L’important, c’est d’être fin prêt quand ça va redémarrer. J’espère que les hommes politiques vont consulter l’ensemble de la profession et édicter des règles adaptées à tous les établissements, et pas seulement aux grands groupes. Mais je suis confiant. En Corse, des incendies terribles ravagent le maquis, et quand on revient huit mois après, la nature reverdit. Comme disait mon grand-père, le bœuf est lent, mais la Terre est patiente."

Edouard Loubet est le chef de la Bastide de Capelongue, à Bonnieux.

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