L’Étoile verte
Tugdual Debéthune : "J’ai ressenti une immense fierté à l’annonce de cette Étoile Verte. Toute ma vie, j’ai toujours été très proche de la nature, c’est une récompense qui encourage la restauration à aller dans le bon sens. J’étais aussi fier que pour l’étoile MICHELIN."“Le métier de cuisinier consiste à prendre soin du paysage”
La prise de conscience écologique
"Elle est surtout liée à mon métier, à mes rencontres avec les grands chefs (Marc Haeberlin et Michel Bras, notamment) : j’ai pris conscience avec eux que le métier de cuisinier consiste à prendre soin du paysage, notamment un paysage de produits. Tout ça est lié à ma vie, à mes lectures, mais aussi à l’éducation de ma fille et à son métier d’anthropologue qui a passé plusieurs années au sein d’une tribu nomade au Tibet. Je me sens toujours plus proche de l’environnement à mesure que la planète se trouve souillée par les humains. J’essaye de projeter tout ça sur le restaurant Holen."L’arboretum
"À l’intérieur de mon terrain (mon "arboretum", qui comporte de nombreux chênes, l’arbre breton emblématique, celui des druides), je ne fais pas pousser de légumes mais de nombreuses herbacées qu’on ne trouve pas forcément ailleurs sur les marchés. Elles vont apporter à ma cuisine des arômes différents : tanaisie, menthe balsamique, giroflée sauvage, lierre terrestre… J’aime le contact avec la terre. Et c’est un lieu où le vivant se plaît, comme l’attestent les crapauds, couleuvres et autres hérissons que j’y croise."Les producteurs
"J’utilise les légumes de Gildas Macon qui cultive en bio à côté de Dol-de-Bretagne. Ce maraîcher met un point d’honneur à ne jamais faire transiter ces légumes par un frigo ! Je travaille également avec Annie Bertin, mais aussi avec Pierre-Jean et Éric Bocels qui sont établis à Parcé, à côté de Rennes. Agneau et veau viennent de Belle-Île ; mes volailles, canettes et canards sont issus de l’élevage de Paul Renault. Je ne travaille pas trop le bœuf. Quant à mes poissons, ils viennent exclusivement de la pêche de ligne chez Patrice (Finistère Marée) au marché de Sainte-Thérèse ; jamais je n’achèterai du poisson pêché au gros chalut ! En cuisine, ce parti-pris implique une gymnastique différente : je n’ai pas toujours ce que je souhaite. Je ne cuisine que des coquilles Saint-Jacques de plongée. Enfin, il faut savoir que je ne me fais pas livrer : je vais chercher moi-même toute la matière dans des boîtes ou des caissons isothermes (pour le poisson) afin d’éviter les emballages inutiles et les déchets plastiques."L’entreprise Holen
"J’essaye – je dis bien j’essaye – de faire en sorte que chaque personne dans le restaurant s’approprie l’entreprise Holen. Il faut que mes collaborateurs se sentent concernés par l’entreprise, elle ne se réduit pas à ma seule personne. Je veux que ces derniers se sentent bien, et que les clients ressentent le travail de l'équipe. Cela étant dit, ma femme est anesthésiste : elle fait un travail bien plus dur que le nôtre, physiquement et psychologiquement."Le hygge
"Ma femme et moi nous sommes très attirés par l’Europe du nord et la Scandinavie, par sa lumière notamment. C’est aussi une littérature que j’apprécie beaucoup. Je me sens très proche de chefs scandinaves, comme René Redzepi (Noma) notamment, qui sont à mes yeux de véritables précurseurs. J’ai donc décidé d’intégrer le hygge, cette "philosophie" danoise du bien-être, à la fois dans mon travail de cuisinier et dans ma vie privée. Le hygge, c’est du bouddhisme à la nordique : un mélange de compassion et de bienveillance, éviter d’être dans le stress et plutôt dans le partage. Du fait de son métier, ma femme en avait grandement besoin aussi."Copyright photo © Atelier Sésame/Holen ; Franck Hamel/ Holen
Tugdual Debéthune est le chef du restaurant Holen, à Rennes.