Actualités 1 minute 08 mai 2020

Le quotidien des chefs confinés : Fabrice Idiart

Contraints par les ordres de confinement, les chefs se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd'hui, Fabrice Idiart, chef du Moulin d'Alotz, au Pays basque.

"Juste avant l'annonce de la fermeture des restaurants, je revenais de vacances en Thaïlande avec ma famille ; là-bas, déjà, on sentait la situation sanitaire se tendre, mais je dois dire que j'étais encore dans ma bulle, l'esprit léger, optimiste. C'est dans ma nature. Quand on a appris la nouvelle, ça a été une grosse douche froide. J'avais rempli les frigos de beaux produits, notamment caviar, truffe… Je les ai distribués à l'équipe. J'étais dans une phase de bouillonnement, avec des projets de réaménagement, de changement de l'esprit de nos menus, tout s'est arrêté net. Pendant deux jours j'étais très mal, abattu, avec peur de l'inconnu.

Puis je suis entré dans une autre phase. J'ai appris à vivre une autre vie. Ma fille est contente de me voir tous les jours. J'ai commencé à profiter du temps sans regarder l'heure, sans menus à créer : ça a été dix jours relaxants. Puis j'ai été rattrapé par les questions et par des problèmes très concrets, finances de la maison, salaires de l'équipe, chômage partiel, d'autant que nous n'avons eu droit à aucune aide particulière. Mais dans l'ensemble, je mesure la chance que nous avons d'être en famille, chez nous, avec de l'espace et la possibilité de se balader.

“Au sujet de la réouverture, une chose est sûre : l'état d'esprit sera différent...”

Pour ce qui est de l'avenir, difficile d'anticiper quoi que ce soit. Je me tiens prêt à rouvrir dès que l'occasion se présente. Est-ce qu'il faudra réaménager la salle, garder des distances ? Est-ce qu'il faudra assurer le service avec des masques ? Ça promet d'être perturbant… Ce qui est sûr, c'est que l'état d'esprit sera différent. J'aimerais qu'on arrive à garder ce qui fait l'essence du Pays basque, un esprit de partage, avec des plats conviviaux. Culinairement, je n'ai pas prévu de changer de partition : c'est la meilleure façon de s'emmêler les pinceaux. Je cuisine au feeling, je vais continuer comme ça. Nous avons une clientèle plutôt locale, avec un bon pouvoir d'achat, je suis sûr qu'ils voudront retrouver chez nous ce qu'ils ont laissé en partant.

Cette crise est sûrement l'occasion de nous interroger. Moi-même, je me sens bousculé. Je regarde le paysage, le climat, les fleurs sauvages qui n'ont jamais été aussi belles : on doit faire attention à préserver tout cela. Il y a le sentiment qu'il faudrait aller moins vite, être moins impatients, s'interroger sur ce qu'on met dans son panier de courses. Sans aucune prétention, j'ai grandi dans la culture du local, des traditions, de la saisonnalité, des produits de chez nous. Pour moi, c'est une évidence. On ne peut pas faire n'importe quoi, on ne pas être capricieux à vouloir tout, tout le temps. Mais je trouve quand même que ça a bien évolué, certaines grandes surfaces font des efforts, proposent davantage de produits locaux, de viandes locales, etc. Il faut être exigeant, mais quand les gens vont dans la bonne direction, il faut savoir le reconnaître.

Je suis optimiste pour la reprise : on sait déjà que les Français resteront en France, et je suis sûr qu'ils auront besoin de sortir, de lien social, ils voudront redécouvrir leur région, profiter de jolis hôtels et de bons restaurants. A nous de nous tenir prêts jusque-là, et de garder le bon état d'esprit. Quand on est mal dans sa tête, on ne peut pas offrir le meilleur dans l'assiette..."

Fabrice Idiart est le chef du Moulin d'Alotz, à Arcangues.

Illustration : ©Seb Abes/Moulin d'Alotz

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