Restaurants 4 minutes 11 décembre 2024

Le Bib du Mois : Art'Zain, à Irissarry (Pays basque)

Artzain signifie « berger » en basque – hommage du chef Henri Amestoy à son père. À la fois Bib gourmand et Étoile Verte MICHELIN, ce restaurant à 20 minutes d'Hasparren, dans le département des Pyrénées-Atlantiques (Nouvelle-Aquitaine) mérite le détour. Bizi Euskal Herria !

L'adresse circule de bouche à oreille, connue d'une poignée de becs fins bien rencardés. Pour rejoindre Art'zain, il faut s'écarter des grands axes, mettre le cap sur Irissarry, authentique village basque de 913 âmes. C'est ici, à une heure de Saint-Jean-de-Luz et de Biarritz, loin des hordes de touristes, que planque l'un des deux seuls restaurants de France cumulant à ce jour le titre de Bib gourmand et celui d'Étoile Verte MICHELIN

« Nos client sont à 95% des locaux », confirme Henri Amestoy, chef et propriétaire de la bâtisse. Avec son épouse Alexandra (en salle), il a eu le coup de cœur en juillet 2016 pour cette ancienne grange alors en ruines, qu'ils décident de retaper, en conservant l'esprit rustique. D'épaisses poutres et des murs de pierre traditionnels, habilement mariés à un mobilier contemporain (l'artisan basque Alki) en font aujourd'hui un cocon chaleureux d'une cinquantaine de couverts, avec belle hauteur sous plafond. 

De Tom Cruise... à une bourgade de 913 âmes !

« Originaire du coin, après deux ans à l'Ecole hôtelière de Biarritz, j'ai bourlingué dix-sept ans de maison en maison — la plupart aujourd’hui disparues », raconte Henri. Dans le Beaujolais, au Château de Bagnols (l'un des plus beaux château-hôtel de l'Hexagone), ou au Carlton à Cannes, il croise « toutes les stars du monde, de Tom Cruise à Hillary Clinton ». Mais ce fils de berger qui a grandi en milieu rural n'a qu'un rêve : revenir s'installer au pays natal, pour travailler les produits des Landes.

Une carte courte, de saison, qui change toutes les six semaines, plus locavore-tu-meurs : « Nos fournisseurs sont tous installés dans un périmètre réduit autour du restaurant. Nous confions nos déchets organiques à nos poules ou aux cochons du voisin. » A son frère, il achète de la Sasi Ardi, une très ancienne variété de brebis qu'on trouve encore sur les deux versants du Pays basque. Laissée dans la nature en complète liberté toute l’année, rustique, cette « brebis de broussaille » dont il ne subsiste qu'environ 2000 bêtes aujourd'hui, se nourrit de la végétation arbustive de montagne. Et serait à l’origine des races ovines Manech actuelles. Autant de trésors endémiques qu'il convient de sauvegarder. Tout comme le vin local : « Fan d'Irouleguy, je défends des petits producteurs  locaux qui travaillent dans une démarche respectueuse des sols, mais morflent avec le climat. » 

Le chef Henri Amestoy, facétieux © Art'Zain (Irissarry)
Le chef Henri Amestoy, facétieux © Art'Zain (Irissarry)

Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?

Je n’ai pas de plat emblématique, ma carte changeant tous les mois environ. Je suis très sensible aux saisons. Et n’aime pas refaire la même chose !

© Art'Zain
© Art'Zain

Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?

À la carte, compter 36 € par personne. Je propose chaque mois trois entrées aux choix, deux poissons, deux viandes, deux desserts. J'ai également deux menus : un à 36 € (entrée, plat de poisson ou viande, douceurs) et un 49 € (deux entrées, un poisson, une viande, un dessert).

© Art'Zain
© Art'Zain

Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?

C'est le client qui décide quand c'est le meilleur moment pour manger ! (rires) Moi je donne le même amour du mercredi au dimanche. Comme je dis souvent, chaque jour est une nouvelle pièce de théâtre qui se joue. C’est la saison qui dicte mes plats... Certains étés, la tomate a trois semaines de retard. Eh bien on l'attend. Bon, si je devais choisir moi, je choisirais le printemps, en grand fan de l’ail des ours ! Mon maraîcher-cueilleur est à 500 mètres du resto. Je le travaille par exemple en entrée, servi en flan, avec une glace à l’ail des ours.

© Art'Zain
© Art'Zain

Quelle est l'idée à l'origine du restaurant ?

Art'Zain, c'est l'art : l'art de recevoir, de bien faire. Mais c'est aussi un jeu de mots : en langue basque, artzain — prononcer « artt-seine », comme le fleuve ! — signifie « celui qui garde les moutons ». C'est un composé avec art-, une racine liée à ardi, « mouton ». Et -zain, « gardien » ou « celui qui veille ». Mon père était berger, j'ai voulu rendre hommage à mes racines. Je suis né et j'ai gandi dans un milieu rural. J'y suis très attaché.


© Art'zain
© Art'zain

Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?

Comme je vous disais, chez moi, c’est le produit qui parle d’abord. Je fonctionne à l'instinct, je compose avec ce que la nature a à m'offrir. Ce n’est jamais pareil d’une année à l’autre. Je me fournis auprès d'artisans producteurs situés dans un rayon de 10 à 15 km autour du restaurant. Tout est hyper-local... Jusqu'au yuzu, qui pousse figurez-vous en plein air, à 10 km de là !

Les déchets organiques sont donnés aux poules voisines - DR : Zachariah Smith / Unsplash
Les déchets organiques sont donnés aux poules voisines - DR : Zachariah Smith / Unsplash

Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?

Je n'achète pas de produits nobles, homard, foie gras, caviar... Je me régale à créer des plats avec des bons produits du coin. Comme ce plat à base de hareng et saucisson grillé de porc local, servi tiède, avec filaments de courge spaghetti et châtaignes fraîches par-dessus. Ou ce velouté de châtaigne, courges, langue de veau et bleu (fromage). Cela m'oblige à être créatif.


© Art'zain
© Art'zain

Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?

J'habite juste à côté de mon maraîcher. Littéralement : il est à 50 m de chez moi ! Ce qui me permet de lui acheter la stricte quantité dont j’ai besoin, sans forcément devoir commander un cageot entier. Je travaille sans stock, à la demande. Certains jours, en cuisine, il me manque une botte de persil, ou de poireaux ? Qu’à cela ne tienne : je n’ai qu’à faire quelques pas pour me fournir.

Le produit est ramassé de la terre et déposé directement au restaurant. Mes légumes ne connaissent pas le réfrigérateur ! Avec ce maraîcher, on travaille main dans la main. Il me dit les produits qu'il va avoir dans les quatre, six semaines à venir. Et je commence à imaginer mon prochain menu.

Pour le reste, c’est du bon sens : un produit qui a beaucoup augmenté, je vais arrêter de le travailler, et chercher autre chose. Mais de toutes façons, comme je ne travaille pas de produits nobles je n’ai pas de problème. Et puis, j’ai la chance avec mon épouse d’avoir un grand jardin avec des arbres fruitiers : pommes, pêches, mirabelles, mûres… Que je récolte et utilise en saison.

© Art'Zain
© Art'Zain

Quelles sont vos initiatives anti gaspi au restaurant ?

On a supprimé les sacs poubelle, remplacés par deux simples seaux : un pour les déchets organiques, un autre pour le recyclage. Les déchets organiques, je les donne à mes poules ou au voisin, qui a trois cochons. Cela représente tout de même huit seaux de cinq litres par semaine ! Que des pluches, de pommes de terre essentiellement, des os et carcasses que j'aurais préalablement utilisés en bouillon ou en jus... Je récupère le pain non utilisé, j'en fais un amuse-bouche façon pudding salé. Comme tout vient en direct, on n'a pas vraiment d’emballage... Ou alors recyclable. On récupère tout, jusque’à l’eau des carafes et celle utilisée pour laver les légumes, qu’on garde pour arroser nos plantes !


Photo de Une : © Art'Zain


Découvrez Art'Zain et d'autres tables autour de Biarritz ou Saint-Jean-de-Luz.

Retrouvez l’ensemble des Bib Gourmand de la sélection.


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