
C’est dans cet esprit d’entraide qu’il a lancé Naturaliste : "Les confinements mettent à mal les producteurs parce que si nous, nous sommes à l’arrêt, la nature ne l’est pas." Le concept de naturalité développé au Plaza Athénée s’est téléporté au restaurant Aux Lyonnais autour d’une carte courte où le végétal reste le maitre mot de la cuisine. Les circuits courts sont ainsi préservés et le chef et ses équipes restent en mouvement. "Je ne pouvais pas abandonner mes producteurs. Ces gens travaillent toute l’année pour nous livrer la quintessence du goût. Quand je vois ce que certains gagnent, ça me révolte et nous nous devions d’être à leurs côtés puisqu’ils le sont pour nous toute l’année." Entre deux cartes, Romain poursuit ses découvertes comme ce fromage "sans nom", une tomme de vache façon gouda produite par Géraldine dans le Nord ou encore ces cacahuètes françaises... "Je suis ouvert à toutes les propositions mais pour valoriser notre incroyable agriculture, il faut aussi que les producteurs n’hésitent pas à venir à notre rencontre ou que les chefs se refilent les bonnes adresses." L’avenir d’une génération d’agriculteurs impliquée dans un monde meilleur en dépend.

Vous expliquez souvent que la cuisine que vous faites aujourd’hui est le reflet de l’environnement dans lequel vous avez grandi. Expliquez-nous.
Je suis un enfant de la campagne. J’ai grandi dans un petit village de 200 habitants en Haute-Saône où, en dehors de l’école, je passais mon temps dehors. Je vivais dans la nature avec mes parents et mes grands-parents. C’est dans cet environnement, dans cette famille que j’ai goûté ou cuisiné des produits que l’on retrouve aujourd’hui dans ma cuisine comme les pétales de rose, le "poil à gratter" ou les nèfles.

Est-ce que ça été toujours le cas ?
Absolument pas. Quand j’étais jeune cuisinier, mon objectif était de maîtriser les savoirs et ma génération n’était pas sensibilisée au gaspillage. Si l’on devait travailler un agneau, notre souci c’était d’apprendre à le préparer, le cuire et le présenter. Les déchets engendrés, ce n’était pas notre problème. La prise de conscience est plus tardive.

La vôtre remonte à quand ?
Au milieu des années 2000, lorsque je travaillais au Spoon, à l’ile Maurice. Pour la première fois, je pouvais avoir des contacts avec mes fournisseurs. Je pouvais mettre un prénom sur un produit qui arrivait en cuisine. Il y avait les coquillages et les poulpes de Victor, les cœurs de palmier de Jean-Marc ou les poulardes de Béatrice. J’avais la possibilité d’aller les voir sur leur lieu de travail. Cette relation de proximité avec les gens de la terre et de la mer m’ont aidé à comprendre l’importance du relationnel. Un fournisseur avec qui vous entretenez de bonnes relations aura toujours envie de travailler pour vous et de donner le meilleur de lui-même. Aujourd’hui, dans les cuisines du Plaza Athénée, je reste à l’écoute de mes fournisseurs, je vais les voir, je les écoute. Ils sont le socle de ma cuisine.
Romain Meder est le chef du restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée, à Paris.
Illustration de l'article : ©Stéphane de Bourgies