Actualités 1 minute 10 avril 2020

Le quotidien des chefs confinés : Arnaud Faye

Contraints par les ordres de confinement, les chefs, habitués à vivre à toute allure, se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd’hui, Arnaud Faye, chef à La Chèvre d'Or, à Èze (06).

La fermeture a été d’une brutalité totale. J’ai appris la décision gouvernementale par ma femme, par un message What’s app en plein service le samedi soir. C’est dur, car nous venions seulement de lancer la saison après plusieurs mois de fermeture. Durant ce laps de temps, j’avais constitué une équipe, additionné des profils, un peu comme un sélectionneur qui choisit ses joueurs dans l’idée de jouer une Coupe du monde de football. Je sentais que l’alchimie se faisait, que l’équipe était cohérente, compétente et motivée. Et stop. Tout s’arrête d’un coup. Ma première réaction a été de préserver ma brigade. L’humain est la base de nos métiers, donc hors de question que je les abandonne….

“Je garde toujours le lien avec mon équipe. Elle me manque.”

J’ai pensé à tous les gens avec qui je travaille au quotidien, mes producteurs, mes fournisseurs, c’est vraiment compliqué. Après je vais être honnête, je ne suis pas chef propriétaire, donc je n’ai pas l’épée de Damoclès au-dessus la tête que peuvent avoir certains de mes confrères… Comme je suis fermé l’hiver, je suis retourné dans l’état de réflexion dans lequel je baigne habituellement durant cette période. J’ai été coupé dans mon élan, mais je continue à profiter de ma femme et de mes enfants. Je me suis lancé un défi cette année, celui de faire mon premier triathlon, alors je commence l’entraînement à la maison avec mon vélo connecté. Je ne suis pas malheureux, je me repose, mais je garde toujours le lien avec mon équipe… Elle me manque.

Ces derniers temps, je réfléchissais à la réorientation de ma cuisine. J’ai été séduit par le discours de Yannick Alleno sur la concentration des goûts. Mon but est de trouver l’équilibre idéal pour sublimer la puissance aromatique de mes plats. « Le goût, le goût, rien que le goût ». Je voudrais qu’avec une seule bouchée, sur une fourchette ou une cuillère, le client prenne une claque. De plaisir. Je travaille sur des projets, et des idées de cuisine sur un produit que j’adore, l’agneau de Sisteron, sur le lapin également (que j’aime marier avec le poulpe)… Et avant la fermeture, je finalisais un plat gorgé de soleil, intense, un triptyque langoustines/basilic/courgettes…

“Le terme French Touch n'est pas galvaudé”

La situation actuelle me renvoie à mes racines. Je suis Auvergnat, donc naturellement attaché à la terre. Je pense que le terme de « French Touch » n’est pas galvaudé : oublions la mondialisation et ses travers et recentrons-nous sur nos atouts : une agriculture et une industrie de très haut niveau… Je pense sincèrement à mes collègues qui prennent la crise de plein fouet. De mon côté, je reviendrai avec une envie décuplée… 

Arnaud Faye est le chef du restaurant La Chèvre d'Or, à Èze (06).

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