Portraits 3 minutes 15 octobre 2023

La famille Haeberlin, gardienne du temple de la cuisine alsacienne et française !

Quand on parle de cuisine alsacienne, difficile de ne pas évoquer la famille Haeberlin. Triplement étoilée pendant plus de 50 ans l’auberge familiale, monument de la cuisine du pays des cigognes, a vu passer les générations et s’est installée comme l’une des plus belles tables françaises. Discrets, les Haeberlin font pourtant partie des plus grands ambassadeurs de la gastronomie française. Rencontre avec Marc, le fils, aux commandes des cuisines depuis plus de 40 ans.

Tout débute là où l'histoire continue aujourd’hui de s’écrire : sur les rives de l'Ill, dans un petit village du nom d'Illhaeusern. C’est dans ce lieu, à 15 minutes de Colmar, qu’en 1878 les arrières grand-parents de Marc Haeberlin ouvrent l’Auberge De l’Arbre Vert, en parallèle de leur exploitation agricole. Totalement détruite pendant la seconde guerre mondiale, l’auberge va devenir L’Auberge de l’Ill, suite à sa reconstruction après le conflit. « On a changé le nom parce que mon oncle disait que dans tous les villages on trouvait des auberges du cheval blanc, de l'aigle noir, de l'arbre vert, donc il a voulu quelque chose de plus identifiable » détaille le chef. A sa tête l’oncle Jean-Pierre donc, qui s’occupera de la salle, et Paul, le père, qui enfilera la toque blanche !


D’auberge à restaurant étoilé

Avec cette réouverture, c’est une montée en gamme qui commence à s’opérer et qui, dès 1953, est récompensée par une première étoile au Guide MICHELIN rapidement suivie d’une deuxième (1957) puis finalement d’une troisième en 1967. Une consécration tout autant qu’un motif de stress pour Paul Haeberlin. « Mon père avait peur que notre clientèle habituelle disparaisse, mais en réalité ça n’a jamais eu lieu. Il faut se dire qu’à l’époque dans les années 1970, il y avait encore des choses très simples sur les cartes comme des potages ou des melons au porto par exemple ».

De son côté Marc Haeberlin, âgé d’une dizaine d’années, donne déjà volontiers des coups de main en cuisine, pour éplucher des légumes ou pour vider des poissons. « A l’époque les brigades étaient beaucoup plus réduites, mon père avait un second et quelques apprentis c’est tout. Aujourd’hui on est quasiment 25 ».

Photo : Auberge de l'Ill
Photo : Auberge de l'Ill

Mais ça n’est qu’en 1976 après des passages chez d’autres grands noms de la gastronomie comme Bocuse, Lasserre ou Troisgros que le fiston va « rentrer au bercail » et intégrer la brigade en tant que commis, (« il n’y avait pas de passe-droit, ça se faisait comme ça dans toutes les autres maisons ») avant que, petit à petit, Marc prenne les rênes de la cuisine. Il devient par là même la 4ème génération de Haeberlin à s’installer derrière les fourneaux. C’est donc une véritable histoire de transmission familiale qui s’écrit année après année à L’Auberge de L’Ill, mais pas uniquement en cuisine, puisqu’aujourd’hui on retrouve des ramifications de l’arbre généalogique à tous les étages. « Ma sœur est en salle, ma nièce et ma fille dans l’administratif, mon beau-frère gère l’hôtel dans le parc… bref, il y a toujours un Haeberlin quelque part ».

Héritage et transmissions

« Même mes petits-enfants qui ont entre 11 et 4 ans veulent déjà faire de la cuisine » s’amuse le chef. La transmission toujours donc, à l’image de l’héritage reçu de son père par Marc lui-même : des recettes devenues emblématiques au fil des années. « J’ai toujours tenu à garder des plats de mon père comme la mousseline de grenouille qui a plus de 50 maintenant, le saumon soufflé ou la truffe sous la cendre. Ce sont des plats mythiques et les gens viennent en partie pour ça. Je ne peux pas les enlever de la carte, ni même les transformer. J’ai essayé de modifier la mousseline par exemple mais ça a été une révolution pour la clientèle, les gens qui ont l’habitude de la manger viennent chercher le plat comme ils l’ont toujours connu, c’est comme si on essayait de modifier le saumon à l’oseille de chez Troisgros. Ce sont des plats qui font partie de l’histoire de la cuisine et qu’il faut garder. » Comme un symbole de cette tradition, le buste de Paul Haeberlin trône dans la cuisine et semble veiller sur son héritage à chaque service. « Je veux garder la tradition de la cuisine française et je suis tout particulièrement attentif à la qualité des accords mets et vins, surtout avec la magnifique région viticole où l’on vit. »

Saumon soufflé / Photo : P. Morgenro
Saumon soufflé / Photo : P. Morgenro

La région alsacienne s’impose comme une source inépuisable de jeu pour celui qui aime tout particulièrement travailler les gibiers. Mais le chef ne s’interdit pas de proposer avant tout les produits qui vont faire plaisir à ses clients et à lui-même : « J’aime préparer la sole ou le homard par exemple, mais ce que j’aime surtout c’est de mélanger les produits nobles avec des produits plus populaires, comme l’alliance entre la truffe et la pomme de terre par exemple. ».

La carte du restaurant se lit comme un miroir de la personnalité du chef, un homme exigeant mais empli d’humilité, un digne ambassadeur de la cuisine de sa région et de son pays mais aussi le fier représentant de cette famille qui depuis plus de 150 ans s’est mise au service de sa clientèle qu’elle soit locale ou internationale.

Mousseline de grenouilles / Photo : T. Duval
Mousseline de grenouilles / Photo : T. Duval

La mousseline de grenouilles de Paul Haeberlin

Ingrédients pour 6 personnes

2 kg cuisses de grenouilles
200 g de chair de brochet
2 blancs d’œuf
½ litre de crème
150 g de beurre
½ bouteille de Riesling
4 échalotes
500 g d’épinards
1 gousse d’ail
1 cuillère de roux
ciboulette
sel et poivre
½ citron

Dans une sauteuse, faire suer au beurre les échalotes hachées, mettre la moitié des grenouilles, mouiller avec la ½ bouteille de Riesling, saler et poivrer et laisser mijoter à couvert durant 3 minutes. Puis réserver les cuisses ; garder le fond et le faire réduire de moitié.

Mousse

Passer au hachoir grille fine la chair de brochet ainsi que la chair de l’autre moitié des grenouilles désossées à cru. Saler et poivrer. Mixer avec deux blancs d’œuf. Ajouter peu à peu le même volume de crème.
Dès que la mousse est homogène, la sortir du mixer et la réserver au froid.

Désosser les cuisses de grenouilles cuites et les garder en réserve.

Beurrer 8 moules à ramequins. Mettre la mousse dans une poche à douille ronde et masquer les parois des moules. Remplir le creux avec les cuisses de grenouilles cuites et recouvrir avec une couche de farce.

Placer les ramequins dans un bain-marie et faire cuire au four durant 15 minutes à 180°.

Sauce

Lier le fond de cuisson réduit avec la cuillère de roux et faire bouillir. Ajouter un bol de crème et monter la sauce avec le beurre restant. Ajouter ½ jus de citron, saler, poivrer et rectifier l’assaisonnement.

Démouler les ramequins sur un plat garni avec les épinards en branches cuits à l’anglaise et réchauffés au beurre.

Napper les mousselines avec la sauce et parsemer de la ciboulette finement coupée.

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