Restaurants 4 minutes 27 janvier 2025

Épicure : Arnaud Faye, une révolution de velours au cœur du Bristol

Arnaud Faye, chef exécutif du restaurant triplement Étoilé Épicure et directeur des cuisines du Bristol, incarne le nouveau visage de ce palace parisien unique au monde. Il maîtrise aussi bien l'art de diriger une brigade nombreuse que celui de réinventer en douceur la cuisine d’une table célèbre.

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Une nouvelle tête pour les cuisines du Bristol

L’art de la brigade selon Arnaud Faye

Palace mythique ouvert en 1925, comportant plus de suites que de chambres, offrant une piscine en teck légendaire avec vue sur Paris, hôtel favori de Woody Allen, doté d’un véritable moulin pour faire ses propres farines, d’une table triplement Étoilée, Le Bristol cumule les superlatifs et les légendes.

Ses (nombreuses) cuisines sont au diapason. La brigade d’Épicure comporte en effet 40 cuisiniers répartis en deux équipes, l’une pour le déjeuner, l’autre pour le dîner. Sa gestion demande une organisation millimétrée. « La brigade est évidemment très structurée : un premier sous-chef, un deuxième, un troisième, et des chefs de partie qui supervisent les postes. Mais tout est pensé – y compris géographiquement – pour encourager l’entraide et la fluidité, que ce soit entre les postes ou avec la salle. Moi-même, je joue les bouche-trous en cas de coup de bourre » explique Arnaud Faye, arrivé au printemps dernier pour succéder à Éric Frechon. Cette gestion colossale s’appuie toujours sur l’un des piliers de la maison, le chef Franck Leroy, mémoire vivante du Bristol, arrivé avant même Éric Frechon.

© Maki Manoukian/Épicure
© Maki Manoukian/Épicure

L'art zen de diriger : échanges et harmonie au cœur des cuisines

Depuis son bureau vitré au milieu des cuisines, Arnaud Faye cultive la proximité avec ses équipes : « Je fais passer les messages avec des échanges quotidiens, en laissant mes collaborateurs cogiter sur les nouvelles cartes. L’objectif est de faire travailler la tête, pas seulement les mains. Cette approche participative permet de fédérer et de stimuler la créativité ». Malgré les contraintes d’une grande brigade, il veille à maintenir une ambiance de travail saine et positive : « C’est comme pour un sportif de haut niveau : l’hygiène de vie et l’équilibre personnel jouent un rôle crucial dans la performance et la qualité du travail. »

© Maki Manoukian/Épicure
© Maki Manoukian/Épicure

Le Bristol, une institution historique et vivante

Le chef voit son rôle comme celui d’un ambassadeur de la gastronomie et de l’art de vivre à la française : « Mon objectif est de maintenir une excellence typiquement française avec une touche parisienne inimitable ». Il se réjouit d’ailleurs de l’incroyable « coup de boost » produit par les Jeux Olympiques l’été dernier. En tant que directeur des cuisines du Bristol, Arnaud Faye supervise l’ensemble des points de vente : le room service, le Café Antonia, la brasserie Étoilée 114 Faubourg, et bien sûr Épicure, la table triplement Étoilée. Il a évidemment mis son empreinte sur toutes les assiettes : « Nous avons déjà changé cinq ou six fois les cartes pour coller aux saisons et dynamiser l’offre ».

Rouget de méditerranée © Thomas Dhellemmes/Épicure
Rouget de méditerranée © Thomas Dhellemmes/Épicure

Arnaud Faye, « épicier en chef » d’un palace

Carrefour gastronomique stratégique depuis le Moyen-Âge, Paris offre sur un plateau doré une richesse incomparable de produits. Le chef les sélectionne lui-même avec soin et fidélité : « Je travaille toujours avec de petits producteurs avec lesquels j’ai parfois noué un lien depuis de longues années. Certains ont même été surpris que je me souvienne d’eux quand j’ai pris mon poste ici ». Avec une modestie non feinte, il se définit même comme « l’épicier en chef ».

Une révolution de velours

Arnaud Faye, héritier discret de la légende

Comment succéder au grand chef Éric Frechon ? La réponse est aussi simple qu’évidente : en douceur ! Pétri d’excellence culinaire à la française, forgé à la discipline des palaces (d'Espadon au Ritz en passant par La Chèvre d’Or à Eze), Arnaud Faye inaugure à Épicure sa vision contemporaine de la haute gastronomie, ancrée dans le respect du produit et de l’humain. Son parcours, marqué par des étapes prestigieuses et un goût pour le défi et la compétition, reflète une personnalité ambitieuse et zen, passionnée et attachée à ses racines.

© Maki Manoukian / Épicure
© Maki Manoukian / Épicure

Un chef formé par les concours et l’exigence

« Je suis un homme de concours  », confie Arnaud Faye, soulignant l'importance des défis dans sa carrière. Le chef, également Meilleur Ouvrier de France en 2019, a forgé son style et sa rigueur à travers des compétitions comme le Bocuse d’Or et ce fameux MOF, qu’il a préparé 4 fois. Un accomplissement qu’il considère comme un hommage aux mentors qui l’ont guidé : « C’était aussi une manière de rendre ce que j’avais reçu, de transmettre à mon tour  ».

MOF 2019, Champion du monde de pizza 2024, et coach pour ses équipes

Ces concours sont, pour lui, une école de discipline et de précision. Mais son engagement ne s’arrête pas là : « Je continue d’accompagner mes équipes. Rien que l’année dernière, deux de mes collaborateurs ont remporté des concours. Cela booste leur confiance et fait avancer la brigade ». Au-delà des compétitions, y compris sportives (l’homme est triathlète), Arnaud Faye est aussi champion du monde… de pizza, une facette surprenante. Goût du défi certes, mais aussi du « fun » !

Une cuisine lisible, concentrée sur le goût

La cuisine d’Arnaud Faye se revendique « classique contemporaine », une définition qu’il assume fièrement : « Pour moi, classique ne veut pas dire ennuyeux. C’est une cuisine lisible, centrée sur le produit, avec une recherche d’intensité et de pureté dans les goûts. J'aime aller à l'essentiel : un produit, une garniture, une sauce. Pas besoin de 36 mélanges. Je me suis guéri de cette pente qui a pu parfois être la mienne par le passé. L’idée, c’est que le client comprenne ce qu’il mange. » Le tourteau de Bretagne, sarrasin et salicorne, mayonnaise légère au corail, est l’un des plats marquants d’Arnaud Faye, une recette qui évolue au fil des saisons, tout comme la langoustine, accompagnée tour à tour de fenouil et de mandarine, de moelle de bœuf et de cresson. Des assiettes qui témoignent de cette recherche de l’épure et de la fraîcheur.

© Georges Rouzeau/Michelin
© Georges Rouzeau/Michelin

L'alchimie des saveurs : tradition et innovation cachée

Il pousse ses créations en travaillant sur l’intensité et la profondeur des goûts, avec une attention particulière pour les jus et les sauces, qu’il compare à des vins : « Il faut une attaque, un milieu de bouche et une longueur. Chaque sauce est travaillée comme une symphonie de saveurs ». Le chef intègre (évidemment !) toutes les techniques modernes, comme la cryoconcentration, l’extraction et la lyophilisation, pour extraire et sublimer les saveurs. « Mais ces innovations doivent rester invisibles aux clients. Elles servent le goût, pas la démonstration technique. Le client n’est pas là pour deviner ce qui est dans notre tête ».

Un chef façonné par ses racines

Originaire d'Auvergne, Arnaud Faye puise son amour des produits dans son enfance : « Mon grand-père, ancien mineur de Brassac-les-Mines, avait un potager. J'ai grandi en ramassant des légumes avec lui. De merveilleux souvenirs ! Cette connexion avec la terre a profondément marqué ma cuisine ». À la carte d’Épicure, il travaille d’ailleurs le lapin ; un produit « modeste » mais qui a le mérite immense à ses yeux de lui évoquer ce temps passé avec son grand-père.

Turbot du Finistère © Thomas Dhellemmes/Épicure
Turbot du Finistère © Thomas Dhellemmes/Épicure

Aux sources de la vocation : inspirations et maîtres de la gastronomie

Plus tard, pensionnaire du lycée hôtelier de la Chaise-Dieu, le futur cuisinier évoque son éveil à la gastronomie grâce au livre La quête des étoiles de Bernard Loiseau qu’il feuillette au fond de son lit. L’ouvrage, parmi d’autres, lui a donné l’ambition d’un jour atteindre les sommets de la cuisine française, de voir du pays, de décrocher des étoiles. Cadeau de la providence, il travaillera plusieurs années aux côtés de Patrick Bertron, le second de Bernard Loiseau. Antoine Westermann (à l’époque du Buerehiesel) et Jean-Georges Klein (l’Arnsbourg) l’ont également marqué : « Ces expériences m’ont appris à respecter le produit et à chercher l’excellence. Je me souviens avoir écossé avec le chef Westermann 50 kg de petits pois ».

Homard bleu de la Côte d’Opale © Thomas Dhellemme/Épicure
Homard bleu de la Côte d’Opale © Thomas Dhellemme/Épicure

Un repas à Épicure : Un moment proustien, hors du temps… retrouvé

Alors que Le Bristol célèbre bientôt son centenaire, Arnaud Faye s'inscrit dans la continuité de cette institution tout en y apportant son style au velours savoureux. Pour lui, un repas parfait « c’est celui qui fait oublier tout ce qui se passe à l’extérieur. Si le client se sent transporté, si le temps semble s’arrêter, même pour un instant, alors le pari est gagné. ».

Familier du Ritz, Marcel Proust n’a jamais fréquenté le Bristol, ouvert en 1925, trois ans après la mort de l'écrivain. Pourtant, tout à coup, c’est bien son fantôme et sa quête du temps perdu et retrouvé dans la sensation qui planent sous les ors du Bristol…

Hero Image : Tourteau © Georges Rouzeau/Michelin

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