Gastronomie durable 2 minutes 06 janvier 2021

Pour une gastronomie durable : Yoann Conte

Le Guide MICHELIN met en avant les chefs engagés au quotidien pour une gastronomie plus durable. Aujourd'hui, nous relayons la parole de Yoann Conte, chef du restaurant Yoann Conte, sur le lac d'Annecy.

Ce ne sont pas seulement les deux confinements qui ont poussé Yoann Conte à revoir son offre de restauration, mais ils ont accéléré les choses et permettent aujourd’hui au chef d’être en accord avec lui-même, avec passion et pas avec raison. Yoann Conte a décidé d’être heureux, de se réinventer pour continuer à "faire du manger", comme il aime à le dire. L’état de la planète, la quête perpétuelle de l’excellence, le diktat des demandes particulières et parfois farfelues, l’excessivité n’ont plus de sens pour ce chef qui a pris conscience que tout allait trop vite et qu’il était au cœur d’un tourbillon dans lequel il avait pour habitude de tout accepter : "Il faut revenir à une philosophie du manger plus douce, plus lente, plus en phase avec le jardin, la nature, les éleveurs, les producteurs."

Ormeaux Haliotis de Sylvain Huchette, Bouillon d'une Barigoule ©Stéphane Riss
Ormeaux Haliotis de Sylvain Huchette, Bouillon d'une Barigoule ©Stéphane Riss

Yoann Conte veut désormais se faire plaisir, donner du plaisir "pourquoi pas avec un simple plat de féra et de pommes de terre dans une réinterprétation du hareng pommes à l’huile." Et s’il faut aller discuter en salle avec quelqu’un qui s’interrogerait sur ce plat dans une maison de ce standing, il ira à sa rencontre parce qu’aujourd’hui, "le bien manger passe par la pédagogie et par le civisme." Il l’avoue, il s’est peut être égaré par le passé mais désormais, cette nouvelle construction culinaire lui a fait retrouver la joie, la vie, le plaisir du partage avec ses équipes, ses clients, ses fournisseurs.

La Pasnaille dans tous ses états ©Stéphane Riss
La Pasnaille dans tous ses états ©Stéphane Riss

Ce retour à un rythme plus lent lui laisse du temps pour étudier son jardin, d’admirer son champ d’oseille qui a résisté aux premières neiges comme ses menthes et ses kiwis. Il lit, se renseigne, étudie pour mieux comprendre l’emplacement de chaque variété, pour réaliser des composts d’herbes, pour faire la chasse aux pucerons. Pour autant, Yoann Conte ne renie pas ce qu’il a été : "c’était une partie de ma vie, de ma construction personnelle. Aujourd’hui, j’aspire à toujours travailler dans l’excellence mais sans tomber dans l’excès, c’est ma thérapie."

Restaurant Yoann Conte ©Anthony Cottarel
Restaurant Yoann Conte ©Anthony Cottarel

Vous répétez régulièrement que la restauration a été trop longtemps dans l’excès. Qu’entendez-vous par là ?
Attention, il n’y a pas que la restauration qui a été dans l’excès mais les chefs, et je m’inclus dedans, ont leur part de responsabilité sur l’état de la nature qui nous entoure. Nous avons participé au gâchis alimentaire. Nous avons fait travailler des producteurs à contre-courant de la nature ou des saisons. Tout le monde veut tout à n’importe quel moment. Ce n’est pas envisageable. Il faut apprendre aujourd’hui à ralentir. Il faut que la prise de conscience soit plus globale pour porter ses fruits. Je salue tous mes confrères qui se sont engagés dans cette voie. C’est vital pour nos enfants, nos petits-enfants.

Yoann Conte ©Julie Limont
Yoann Conte ©Julie Limont

Comment est-ce que cela se concrétise dans votre maison ?
Au restaurant gastronomique, je réduis le nombre de couverts à 11 tables soit 30 couverts maximum et j’ai décidé de proposer à ma clientèle des plats que je prépare en fonction de ce que j’ai à l’instant T. Je ne veux plus être tributaire de menus ou d’une carte qui m’oblige à trouver impérativement le produit parce qu’il est dans l’intitulé. Je m’appuie sur un catalogue d’une trentaine de créations épurées pour aller chercher la quintessence du goût de produits qui resteront d’excellence. Et puis au bistrot, Le Roc, qui sera ouvert 7 jours sur 7, je pourrai travailler les bas morceaux comme le jarret de veau, les joues de cochon ou une épaule d’agneau.

Langoustines toutes en gourmandises, laquées d'épices, salpicon de légumes acidulés ©Stéphane Riss
Langoustines toutes en gourmandises, laquées d'épices, salpicon de légumes acidulés ©Stéphane Riss

Cette offre complémentaire, c’est une façon de réduire le gâchis alimentaire ?
Totalement. Avant, auprès de mon fournisseur de viande, je ne réclamais que les carrés d’agneau par exemple. À lui de se débrouiller pour vendre le reste. Aujourd’hui, je veux pouvoir travailler la bête entière, ce qui au passage me permet d’agrandir mon cercle de fournisseurs locaux. Quelques morceaux d’excellence pour la table gastronomique et les autres morceaux, qui n’en sont pas moins nobles, pour le bistrot. Cette façon de travailler me permet d’être en phase avec moi-même, de retrouver un équilibre, de retrouver mon rôle premier, celui d’aubergiste qui fait à manger pour le client de passage… avec ce qu’il a sous la main.

Yoann Conte est le chef du restaurant Yoann Conte, à Veyrier-du-Lac.

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