Gastronomie durable 2 minutes 25 octobre 2023

La viande est-elle durable ? 5 chefs européens nous répondent

Le développement durable est au centre des préoccupations des chefs, un sujet que chacun interprète à sa manière. Nous nous sommes posés la question : la viande est-elle durable ? Cinq chefs de restaurants récompensés par une Etoile Verte à travers l'Europe nous partagent leur vision.

Emile van der Staak – De Nieuwe Winkel, Nimègue, Pays-Bas

« La production de viande, en particulier à l’échelle industrielle, a de lourds impacts sur notre planète : déforestation, consommation d’eau très importante, émissions de gaz à effet de serre, perturbation de la biodiversité... Mais sachez qu'elle a moins d’impact que la production bio, qui surexploite les terres. Question bien-être animal, c'est évidemment beaucoup mieux. Mais les "vaches biologiques" émettent deux fois plus d’azote que leurs cousines issues de l’élevage traditionnel. »

« Cela dépend aussi du contexte. Vous pouvez dire qu’élever un cochon dans votre jardin, en le nourrissant uniquement de vos restes et de vos arbres fruitiers, est une approche durable. Mais si tout le monde veut produire de cette manière, nous aurons besoin d’encore plus de terres. Et le bétail nourri à l’herbe occupe déjà à l'heure actuelle 26 % de la superficie terrestre mondiale ! C'est énorme. Par conséquent, ma conclusion est que non, la viande n’est pas durable. »

©DNW/De Nieuwe Winkel
©DNW/De Nieuwe Winkel

Giorgio Servetto – Vignamare, Andora, Italie

« Oui, nous considérons que la viande est durable, mais seulement si elle est produite dans le cadre d’un système respectueux de l’environnement, et qu'elle est consommée de manière responsable. Ici, nous élevons et prenons soin des animaux en priorisant leur bien-être. Notre approche de l’agriculture et de l’élevage non intensifs a beaucoup en commun avec les méthodes utilisées par les exploitations agricoles dans le passé. Cette approche se reflète également dans nos menus, dans lesquels les quantités de protéines animales sont limitées. »

©Vignamare
©Vignamare

Matthias Gfrörer – Gutsküche, Tangstedt, Allemagne

« En principe, tout est durable si vous le gérez de la bonne manière. Les animaux bien soignés et élevés à leur rythme sont durables. Il y a des étendues de terre en Allemagne qui ont même besoin de bétail pour prospérer, car le pâturage aide parfois à équilibrer l’écosystème. Je n'aime pas l’idée de blâmer les animaux pour le changement climatique. Nous devons juste dire adieu à l’élevage industriel et manger moins de viande. C’est de cela qu’il s’agit. Nous concernant, notre menu principal est végétarien depuis plus de deux ans, ce qui ne veut pas dire que vous ne pouvez pas manger de viande ou de poisson. Dans le menu des plats d’accompagnement, vous trouverez des viandes, volailles et fruits de mer élevés de manière traditionnelle. En les appelant « plats d’accompagnement », nous sensibilisons nos clients. »

Gutsküche ©Sven Schomburg
Gutsküche ©Sven Schomburg

Oriol Rovira Prat – Els Casals, Sagàs, Espagne

« Pour moi, il faut nuancer sa réponse. Il me semble injustifié de mettre le changement climatique sur le dos de l’élevage bovin. L’élevage extensif peut nous offrir plus de solutions que de problèmes, s’il est appliqué de manière équilibrée, à petite échelle, et non agressive. En Méditerranée, par exemple, l'élevage permet de contrôler les feux de forêt et de d'équilibrer le paysage.

« Épuiser les ressources naturelles pour s'enrichir, ça ce n'est pas durable. C’est pourquoi ici nous misons sur des exploitations familiales, plus petites, locales, et respectueuses de la terre. En bref, la viande est durable si nous parvenons à empêcher la cupidité humaine de prendre le dessus, et si les régions les plus riches et les plus puissantes du monde cessent de jeter 30 % de la nourriture produite. »

Oriol Rovira ©Els Casals
Oriol Rovira ©Els Casals

Sam Buckley – Where The Light Gets In, Stockport, Royaume-Uni

« L’accroissement de la population a conduit à l’industrialisation de la production alimentaire dans certaines parties du monde. Mais les méthodes industrielles mettent nos écosystèmes en danger. Pour produire toujours plus de récoltes, elles ne prennent pas en compte les phénomènes naturels : les conditions météorologiques, les populations d’insectes, les maladies... Pourtant, malheureusement, la question alimentaire a été largement ignorée et de grandes parties du monde sont toujours sujettes à la malnutrition. »

« La production industrielle de viande joue un rôle important dans l’affaiblissement de notre planète, mais elle n’est pas la seule coupable. Toute la production industrielle et la surconsommation sont concernées. Le cycle naturel « manger et être mangé » permet par ailleurs à la planète de se réguler. On pourrait alors dire que notre rôle est inhérent à la nature. Si nous pouvons apprendre à pêcher, à élever et à abattre nos animaux dans des systèmes locaux, avec peu d’apport technologique, alors je pense qu’un régime modéré de viande est à la fois naturel et durable. »

Sam Buckley ©Where The Light Gets In
Sam Buckley ©Where The Light Gets In

Image d'illustration : Tero © Fauvarque Capucine

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