Actualités 3 minutes 10 juillet 2023

Hommage au chef Serge Vieira

A l'heure des derniers adieux au chef Serge Vieira, décédé le samedi 1er juillet à l'âge de 46 ans, le Guide MICHELIN lui rend hommage. Retour sur un parcours hors norme et sur un entretien passionné avec ce chef autodidacte et talentueux, réalisé en 2020 à l’occasion de la remise de l’Etoile Verte MICHELIN pour la démarche éco-responsable de son restaurant.

Natif de Clermont-Ferrand, d'une famille d'origine portugaise, et installé à Chaudes-Aigues, dans le Cantal, depuis 2009, Serge Vieira aimait dire qu’il vivait sur le plus grand volcan d’Europe. Pour autant, celui qui décrocha le Bocuse d’Or 2005 – à seulement 27 ans (!) – ne cherchait pas à défendre une cuisine locavore mais une cuisine issue de terroirs qui se complètent : "J’ai toujours vanté et mis en avant ma région et ses richesses, mais je ne prône pas le 100% local." Serge Vieira le rappelait, il avait la chance inouïe d’être à un carrefour de territoires comme ceux de la Haute-Loire, de la Lozère, de l’Aveyron ou du Lot : "Dans ce périmètre qui m’est offert, j’ai des producteurs et des éleveurs incroyables, des marchés de qualité." Il préférait donc qualifier son approvisionnement de 100% Français en soulignant qu’en dehors du poisson issu de Méditerranée, le reste de ses produits était choisi dans ce fameux carrefour. Au restaurant, pas de mangue, pas de banane, pas d’ananas, pas de fruit de la passion, qui parcourent trop de kilomètres, mais des mûres ou des myrtilles en saison pour composer un dessert dont la durée de vie n'excédait pas quelques jours à la carte : "Se recentrer sur un territoire, c’est accepter de délaisser certains produits, mais c’est pour le bien de la planète et ça oblige le chef que je suis à repenser régulièrement mes deux menus".

Serve Vieira qui avait effectué son apprentissage et ses gammes dans des maisons de renom (Marc Meneau, Dominique Robert, Régis Marcon) avait obtenu pour son restaurant auvergnat une première Etoile en 2010 puis glané la seconde deux années plus tard. S'il présidait depuis plusieurs années l’équipe de France du Bocuse d’Or, il mettait toute son énergie à assurer, jour après jour, l'excellence de sa maison, tenue avec son épouse Marie-Aude, rencontrée au Château de Marçay à Chinon.

Voici ce que les inspecteurs, conquis, avaient pensé de leurs derniers repas : "Des assiettes élégantes, avec beaucoup de travail mais toujours très lisibles, aux saveurs marquées et parfois nuancées de notes végétales et herbacées. Une technique sûre, des cuissons au cordeau, des sauces profondes, lisses et soyeuses. Nous nous rappelons de cette truite fario très légèrement fumée pour en respecter la chair délicate, disposée sur une gelée de livèche dissimulant elle-même une crème de ziste (blanc d'agrume), cet agneau d’Allaiton travaillé avec différentes parties et différentes cuissons (le filet parfaitement rosé à la peau dorée et croustillante, un cromesquis des pieds, la panoufle fondante et savoureuse…) accompagné de petits pois frais et en raviole, tranché par un jus d’agneau parfumé à la sarriette."

©Pierre Soissons
©Pierre Soissons

A l’occasion de l’attribution en 2020 de l’Etoile Verte MICHELIN, pour saluer la démarche éco-responsable du restaurant, Serge Vieira nous avait accordé quelques mots. Nous repartageons avec vous le résumé de cet échange passionné et inspiré. 

Pour résumer, Serge Vieira prend ce qu’il y a quand il y en a. Est-ce par peur du manque qu’il a eu envie de créer un potager ? "Pas du tout ! J’ai profité du confinement pour aménager 300 m2 de potager. Au départ, c’était une occupation ludique. Aujourd’hui, ça peut devenir pratique mais avec une production de 2 melons sur l’année, ça ne risque pas de venir concurrencer l’offre de mes producteurs." Tout ne pousse pas à Chaudes-Aigues, si ce n’est la menthe-ananas, l’agastache, la verveine et quelques fruits rouges nourris grâce au compost maison : "Pour les herbes aromatiques, vous pouvez souligner que je suis locavore..."

Suprême de cannette fermière rôti, ruban de navet au raifort et haricots "petit riz" ©Pierre Soissons
Suprême de cannette fermière rôti, ruban de navet au raifort et haricots "petit riz" ©Pierre Soissons

Vous dites que la gastronomie responsable passe par les échanges entre chefs. Expliquez-nous.
Nous devons tous, et ce quel que soit notre type de restauration, mettre en œuvre de bonnes pratiques écologiques au sein de nos établissements. Seulement, il n’y a pas de mode d’emploi. Chacun fait comme il peut avec ses moyens, ses difficultés, mais c’est déjà ça. Cependant, si nous voulons aller plus loin, il faut impérativement regarder ce que font les confrères, échanger avec eux, les appeler, discuter, comprendre leur mode de fonctionnement et essayer de l’appliquer chez soi. Les chefs doivent s’entraider.

©Pierre Soissons
©Pierre Soissons

Quel serait votre discours si un confrère venait à vous demander des conseils ?
En fonction des investissements qu’il est prêt à faire, je lui parlerai de compost pour commencer, parce que ce n’est pas un investissement lourd et s’il ne peut pas l’utiliser, qu’il le donne à un maraîcher, aux jardiniers de son village, à ses voisins. Il y a aussi le tri sélectif que l’on peut encore améliorer mais surtout, il y a la sensibilisation des équipes. C’est par elles que tout se met en place. Une brigade sensibilisée et convaincue, ce sont des gestes qui deviennent automatiques ensuite au restaurant mais aussi dans les foyers du personnel puis de leurs enfants. Le respect de l’environnement passe par une chaîne humaine.

Vaporeux de pommes de terre, mousserons, herbes des prés et Salers vieux ©Pierre Soissons
Vaporeux de pommes de terre, mousserons, herbes des prés et Salers vieux ©Pierre Soissons

Composteurs, déshydrateurs, compacteurs sont de plus en présents. Quels sont, selon vous, les prochains chantiers à privilégier ?
Il faut déclarer la guerre au plastique. Là encore, c’est toute une chaine de sensibilisation qu’il faut mettre en place. Nous voulons moins de plastique dans nos établissements, c’est un fait, mais beaucoup de produits que nous nous faisons livrer en contiennent. C’est donc en amont qu’il faut intervenir pour sensibiliser les producteurs et les fournisseurs.

Serge Vieira

€€€€ · Cuisine créative
Deux étoiles MICHELIN : une cuisine d’exception. Vaut le détour !
Le Couffour, Chaudes-Aigues

Actualités

Articles qui pourraient vous intéresser