"Pour faire la cuisine de demain, il faut connaître le passé" déclare ce chef dont le restaurant occupe à Narbonne un ancien oratoire du 7e s., là même où l’abbé de Saint-Crescent offrait le gîte et le coucher aux pèlerins sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il revendique une cuisine d'auteur où rien n'est écrit à l'avance mais qui puise dans la palette des produits languedociens. Il les connaît depuis qu'enfant, il pêchait dans les étangs de Leucate ou pendant qu'il se promenait sur le massif de la Clappe, étourdi par les effluves de thym et de romarin sauvages. À Top Chef, il a choisit de faire plancher les candidats sur un produit naturel très présent dans sa cuisine, l'algue.
Qu’est-ce que vous présentez à l’occasion de cet épisode de la saison 2021 de Top Chef ?
J’avais envie de mettre en avant l’algue, dans toute sa complexité : tout le monde ne cuisine pas les algues. À charge pour les candidats de m’étonner avec elles. Pour préparer l’émission, M6 et moi avons évoqué les produits qui me touchent le plus et nous sommes tombés d’accord sur celui-ci.
On associe plus volontiers les algues à l’Atlantique, or vous êtes un chef de Narbonne…
Il y a peut-être une diversité moindre dans la Méditerranée mais nous avons de belles choses, avec un caractère probablement plus iodé. Les goûts sont moins lisses.
Qui ramasse vos algues ?
Je travaille beaucoup avec les salins de Gruissan qui mettent en culture la salicorne ; sinon, je collabore avec de nombreux petits pêcheurs qui ramassent des algues sur les étangs de Bages et de l’Ayrolle, voire un peu plus loin sur l’étang de Leucate. Ces étangs peu profonds constituent un milieu idéal pour les algues. La nouvelle génération de pêcheurs s’y intéresse à nouveau – l’algue qui faisait auparavant partie intégrante de la culture des anciens.
Quels usages en faites-vous dans votre cuisine ?
J’utilise très régulièrement la laitue de mer et le wakamé. J’en tire aussi parti comme liant naturel pour enlever les matières grasses dans les sauces – longues réductions ou jus courts. J’ai banni tous les corps gras de mes sauces (comme le beurre), et c’est aussi une manière d’éviter les allergènes pour les personnes qui y sont sensibles, notamment ceux qui sont allergiques aux produits laitiers. Je me sers aussi des algues pour les aromatisations vapeur, sur mes poissons par exemple. Je les emploie en poudre, séchées, déshydratées, pour colorer les sauces également.
Vous êtes très proches de vos producteurs, et un adepte depuis toujours des circuits courts. Où en est cet écosystème qui nourrit toute votre cuisine ?
Depuis les débuts de la pandémie, j’ai noué de nouveaux contacts avec toute une nouvelle génération de pêcheurs, d’éleveurs et de maraîchers qui ont envie de faire différent, à la fois de nouveaux produits et de nouvelles méthodes…
Quel est votre état d’esprit actuel, alors que la restauration est toujours plongée dans l’incertitude ?
Jusqu’à très récemment, j’étais toujours dans un esprit combatif : nous nous sommes investis sur différentes plateformes (avec comme point de chute mon bistrot La Cave à manger). J'ai servi de point relais aux fournisseurs qui me tiennent à cœur, notamment pour les légumes qui risquaient de périr, surtout pendant le premier confinement. Et puis, avec le couvre-feu de 18h, on a senti un net ralentissement, les gens se sont tournés vers la grande distribution. On a donc changé notre fusil d’épaule en proposant désormais des plats rapides à emporter et réchauffer chez soi.
Copyright photo © Gustave Le Petit Gastronome