Restaurants 2 minutes 19 juin 2020

"Les gens ont soif de bonheur" : Laurent Petit raconte son Bon Menu

Lancée par le Guide MICHELIN, l'opération Le Bon Menu permet aux chefs de mettre en valeur les producteurs locaux et d'offrir des repas aux personnels soignants. Nous avons demandé à Laurent Petit (Le Clos des Sens, Annecy) de nous raconter son menu dans le détail. Visite guidée.

Il y a plusieurs types de clients : ceux qui sont prudents et ceux qui sont gourmands. En salle, nous parvenons à les faire rire même avec le masque, le sourire dans les yeux, ça existe ! Pour mon Bon Menu, j’ai repris mes plats fétiches, et ajouté le nom du producteur. Parmi eux, mon pêcheur historique, Vincent Coly, mon agrumiculteur génial, Niels Rodin… Et toujours les mêmes exigences : le goût, la saisonnalité, le local.

Envolée de champignons de Paris. Le mot "saisonnalité" est tellement à la mode qu’il a été alpagué par la grande distribution. Ces champignons de Paris ont été cueillis le matin même dans la champignonnière. La saisonnalité, c’est la distance qui sépare la cueillette de la dégustation.

L'Écrevisse. L’écrevisse et moi, c’est une vieille histoire d’amour… vingt-huit ans que je la travaille au corps. Le plus important, c’est le crémeux des têtes, le cervelet, qui offre toute l’onctuosité au plat. Je décline donc cette l’écrevisse en quatre ou cinq plats, servie avec des condiments de carotte confite, en tartare (de queue d’écrevisse), avec de la fleur de roquette du jardin, en thé d’écrevisse… Mes écrevisses méritent bien une telle attention !

La féra. ©Matthieu Cellard
La féra. ©Matthieu Cellard

La Féra. Ah ! Voilà la féra du Léman de mon pêcheur Vincent Coly, avec lequel je travaille depuis quinze ans, un passionné comme je les aime, qui a hélas de plus en plus de mal à exercer son métier… A cette féra magnifique, j’adjoins les agrumes de mon "agrumiculteur" Niels Rodin, un cérébral, reconverti dans la culture des agrumes sous serre froide (le monsieur descend tout de même d’Auguste Rodin). Et dans cet agrume, j’utilise tout, la chair, le zeste, le ziste (la peau blanchâtre située sous le zeste) pour aller chatouiller l’amer, la bête noire des enfants et de beaucoup d’adultes. Et j’observe leurs réactions. C’est souvent : "Je t’aime, moi non plus". La féra est cuite sous la salamandre dans sa propre eau de végétation. Cette cuisson a la vertu de souligner la chair délicate, à peine rosée, très humide du poisson. C’est un plat à la fois très simple et assez intellectuel.

“"Placer le végétal au centre du propos, l’église au centre du village"”
Le fenouil. ©Matthieu Cellard
Le fenouil. ©Matthieu Cellard

Le Fenouil. C’est l’un de mes plats fétiches. Il y a six ans, pour la première fois, j’osais placer le végétal au centre du propos, l’église au centre du village. Il s’agit du fenouil de mon jardin, traité en cuisson comme un bœuf bourguignon, si bien et si longtemps que le légume devient soyeux, confit, croquant. C’est ce que j’appelle "l’art de la simplexité" : un plat très simple, lisible, un produit commun qui parle au commun des mortels… mais qui demande, en amont, une grande technicité.

Le Brochet. Le brochet, c’est la tradition, la mémoire collective, un produit carnassier, qui offre une grande longueur en bouche. Je le sers, associé à un sabayon au beurre brûlé (on va brûler le beurre à 180°C, pour retrouver ce goût de crème brûlée). On lève les filets de brochet (qui représentent 30% du poisson), une opération de miniaturiste avec ces arêtes en Y, que je fais cuire à basse température pour les finir au barbecue.

Le sorbet tomme blanche. En guise de pré-dessert, une préparation très peu sucrée, à base de reblochon du matin (de moins de 24h), avec de la confiture de cynorhodon, l’églantine de rosier sauvage qu’on appeler aussi le gratte-cul.

Tarte fine chicorée. ©Matthieu Cellard
Tarte fine chicorée. ©Matthieu Cellard

Tarte fine à la chicorée maison. Mon dessert signature depuis cinq ans. C’est un dessert imaginé à partir de la racine d’endive, quelque chose de très évanescent. Une coque meringuée, chauffée très fort, avec de jolis amers.


Une opération solidaire

Lorsqu’une réservation d’un "BON Menu" est effectuée sur le site du Guide MICHELIN, les clients et les chefs font un geste solidaire. En effet, 10% du montant de ce menu seront utilisés par les restaurateurs pour offrir, avec une association dédiée à la solidarité envers les soignants, des tables pour 2 personnes dans leurs établissements. Les clients ont par ailleurs la possibilité d’offrir directement un "BON Menu" aux soignants via le site du Guide MICHELIN en faisant un don au restaurant partenaire de leur choix.


Illustration de l'article : ©Matthieu Cellard

Restaurants

Articles qui pourraient vous intéresser