Restaurants 2 minutes 21 juillet 2020

"En dix ans, tout a changé"

Xavier Beaudiment, chef du Pré, à Clermont-Ferrand, nous a raconté sa philosophie de travail, basée sur une relation très proche avec les productrices et producteurs du Puy-de-Dôme.

Tout d'abord, comment avez-vous vécu la sortie de confinement et la réouverture ?
La reprise s'est très bien passée. On ne s'est jamais déconnecté de la clientèle locale, ils sont revenus en masse nous soutenir, nous aider. Les deux premières semaines ont été fortes émotionnellement. Beaucoup de monde est venu, on a reçu beaucoup de messages. On a fait un bon mois de juin, un bon mois de juillet, on a des gros travaux en cours qui seront finis en septembre. Je suis heureux d'avoir pris, il y a dix ans, la décision de travailler la terre et le terroir : aujourd'hui, ça prend tout son sens. La crise nous encourage à continuer dans cette voie-là.

Qu'est-ce qui vous guide dans le choix des produits que vous cuisinez ?
J'ai des relations fortes avec de nombreux producteurs. A la fois les anciens, dont plusieurs sont des amis, et les plus jeunes qui se lancent. Je n'hésite pas à les aiguiller, à les emmener vers les produits dont j'ai besoin. Ça marche mieux avec les jeunes ! Les anciens, c'est en général plus compliqué, il faut suivre ce qu'ils font. Je les comprends : quand on a essayé plein de choses et que ça n'a pas marché, on se lasse. Ce sont mes amis mais si je leur dis "tu pourrais baisser les quantités, faire ceci ou cela, faire mieux", ils n'ont plus forcément envie. J'ai trois maraîchers, dont un va partir à la retraite, ça me fait un peu peur. Mais il y a une vague de jeunes qui se lancent, c'est encourageant. J'essaie de les aider au maximum. Je pense que c'est notre rôle.

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Dans cette mécanique, le Guide Michelin est un acteur important. L'avoir à nos côtés, c'est comme un label de qualité. Ça donne du crédit à notre travail, et à celui des producteurs. Je prends l'exemple de Léa Fargeas, qui nous fournit les œufs : pour elle, l'avantage est de pouvoir dire 'je vends dans tel restaurant', ça lui donne une crédibilité, ça lui permet de vendre plus et de se développer. On est comme une marche pour eux. On a tous besoin, à un moment, de quelqu'un. Nous, on a besoin du Guide Michelin, il nous adoube dans notre recherche de qualité, ça nous permet d'aller plus loin dans cette démarche.

Le chef Xavier Beaudiment. ©Ludovic Combe
Le chef Xavier Beaudiment. ©Ludovic Combe

Justement, y a-t-il des limites dans votre démarche "locavore" ?
C'est comme dans tout, il ne faut pas être jusqu'au-boutiste. Tout ce qui est extrême est dangereux. Il y a une époque où j'ai joué le jeu à fond, jusqu'à arrêter le chocolat, la vanille… C'est allé trop loin. Il faut garder la notion de plaisir, autant pour le client que pour le chef. Ma règle est simple : tout ce qui pousse ici, je ne le prends pas ailleurs. Ensuite, je m'autorise certains produits comme l'huître pendant deux mois, ou la Saint-Jacques en hiver. J'ai arrêté complètement les langoustines.

Côté client, trouvez-vous que les mentalités ont changé sur le sujet ?
Oui, c'est incomparable. Il y a dix ans, on avait déjà un chariot de fromages exclusivement auvergnats et on avait eu énormément de critiques de gens qui réclamaient des fromages venus d'ailleurs. Depuis, la notion de local s'est imposée. Il y a aussi une nouvelle curiosité au sujet des producteurs. Les gens qui commandent un Bon Menu, par exemple, nous posent beaucoup de questions sur l'origine des produits. C'est assez récent. La crise du coronavirus a aussi bougé les lignes : pendant le confinement, les gens ont découvert les fermes autour de chez eux, ont entrevu la possibilité d'acheter différemment. Est-ce que ça va durer ? Je n'en sais rien. Les gens ont ouvert les yeux, c'est un premier pas.

Xavier Beaudiment est le chef du restaurant Le Pré - Xavier Beaudiment, à Clermont-Ferrand. Illustration de l'article : ©Ludovic Combe.

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