La Table, pour l’amour de la Loire
Au sud d’Orléans, La Table, une étoile MICHELIN, est le fruit d’une collaboration entre Christophe Hay, chantre des poissons de la Loire, et Loïs Bée. Avant de rejoindre les bords de Loire, ce dernier a fait ses classes auprès d’Emmanuel Renaut à Flocons de Sel, où il a pu s’initier à la préparation de l’omble chevalier et autres espèces lacustres. Aujourd’hui, ce natif de l'Orléanais ayant passé son enfance en Sologne propose une cuisine ligérienne de saison, délicatement travaillée, qui privilégie toujours les circuits courts et la durabilité. Si une partie des légumes et des herbes est fournie par le potager de Fleur de Loire – l’établissement doublement étoilé de Christophe Hay à Blois –, les poissons d’eau douce sont pêchés non loin de La Table, sur le cours de la Loire. C’est Bruno Gabris, pêcheur attitré du restaurant, qui sillonne le fleuve en toutes saisons pour l’approvisionner.
« En général, j’essaye de lui acheter toute sa pêche afin qu’il n’ait à se soucier ni de la logistique ni de l’intendance. Il me propose une dizaine d’espèces différentes, ce qui me permet de rester créatif », explique Loïs Bée. Le jeune chef aime par exemple travailler le barbot de Loire, qui se pêche au filet dérivant. Très fondante, sa chair est intéressante mais nécessite un gros travail de préparation, à réaliser entièrement au couteau. « Pour moi, c’est le poisson le plus fondant de la Loire ! » s’enthousiasme Loïs Bée. Il concède également un intérêt pour le mulet, espèce remontant la Loire pour pondre ses œufs. De quoi préparer une excellente poutargue, assez différente de celles de Méditerranée. Jamais à court d’idées, il s’amuse aussi à faire son propre caviar à partir des œufs de l’aspe, ou des rollmops avec du chevesne ou du hotu plongés dans du vinaigre d’Orléans. Côté étangs, il aime travailler l’esturgeon de Sologne, qu’il « affine » 15 jours dans l’eau claire avant de le servir avec son caviar, un pressé de blettes et du chou pak choï. Un répertoire quasi inépuisable !
Maison Medard, un trésor du Berry
Face aux collines du Sancerrois, Julien Medard offre une riche expérience gastronomique, essentiellement centrée sur le terroir local. Aux fourneaux depuis ses 14 ans et fils de cuisinier, il a tracé son chemin seul, en autodidacte. Petit-fils d’agriculteur, il se dit sensible à la durabilité depuis toujours, et n’a pas attendu que ce sujet devienne à la mode pour s’en préoccuper. Il a ainsi mis près de quatre ans à sourcer les produits qu’il utilise dans son restaurant, se constituant un fabuleux carnet d’adresses d’agriculteurs, maraîchers, herboristes, éleveurs, pêcheurs et pisciculteurs. S’il utilise aussi du poisson de l’Atlantique – un mareyeur de Bretagne lui livre les prises de petits bateaux –, il aime aussi cuisiner les espèces d’eau douce de la région, notamment l’esturgeon. « Je le prépare fumé, rôti, en rillettes… Il me permet aussi de réaliser de très bon jus avec les arrêtes, que je torréfie dans un second temps ». Le chef de Maison Medard apprécie aussi l’esturgeon accompagné de son caviar, avec une sauce au beurre blanc « généreuse mais avec du peps ».
Pour préparer ce poisson qu’un pêcheur de Sologne lui fournit, Julien Médard a ses propres astuces : « l’esturgeon possède une chair plutôt grasse. Il peut donc être intéressant de le snacker légèrement, il se tient très bien. Cela dit, j’aime aussi le cuisiner en gravlax ! ». En attendant, le plat de poisson d’eau douce le plus emblématique de son établissement reste l’esturgeon au sel, fumé puis rôti, servi avec un risotto de panais et une émulsion siphonnée de beurre blanc et jus d’arrêtes, accompagné de quelques noisettes locales et d’une salade d’herbes. Loin de se limiter à l’esturgeon, le chef travaille aussi le brochet, le sandre, la truite ou le black bass, sorte de perche qu’il sert fumée, en bouchées apéritives. Pour les accords mets et vins, les crus locaux offrent de belles expressions, en particulier le sancerre blanc. Ayant noué un partenariat avec Berry Province, le chef s’impose comme un véritable ambassadeur de la région et de ses producteurs locaux. Un engagement à saluer.
L'Auberge des Templiers, quand l’Alsace s’invite en Sologne
Cet ancien relais de poste du 17e siècle possède toutes les caractéristiques de la vraie demeure solognote avec sa jolie façade à colombages et ses briques roses. Ouvert depuis des lustres, L'Auberge des Templiers a vu passer du beau monde, comme Mistinguett ou Maurice Chevalier. Son excellent restaurant a lui aussi conservé son délicieux décor ancien dominé par des poutres en chêne massif, le tout face un magnifique parc planté d’arbres centenaires. En cuisine, place à la jeunesse ! C’est le chef Kevin Stroh, passé par la brigade de Jérôme Shilling, qui officie désormais dans cet établissement familial. Natif d’Alsace, où il a fait son apprentissage avec Éric Westermann, il a trouvé en Sologne un terroir qui le stimule énormément. « Au final, il y a pas mal de points communs entre le Val de Loire et l’Alsace. Une forte culture de la chasse, une pisciculture très présente, un certain goût pour la discrétion… ».
Ainsi, il aime travailler la truite saumonée locale, servie généralement comme mise en bouche. « Je prépare la truite en la faisant mariner dans le citron et je la sers avec un croustillant de pomme de terre très réconfortant, au goût légèrement sucré. Le tout est ensuite recouvert de bibeleskæs, une sorte de fromage blanc à l’ail et ciboulette originaire d’Alsace ». Le chef aime aussi utiliser le caviar de Sologne, qu’il trouve d’une qualité remarquable. « Pour les plats chauds, je choisis plutôt le baerii que l’osciètre car il est moins salé et plus fondant ». Il a par exemple pris l’habitude de l’inclure dans l’un de ses plats fétiches, un tartare végétal de betterave crapaudine et œuf parfait condimenté au caviar. Une alternative au steak tartare qui fait mouche à chaque service ! Quant au sandre à la grenobloise, c’est un plat qui apparaît aussi régulièrement au menu. À l’Auberge des Templiers, Kevin Stroh a réussi à conserver son identité tout en s’appropriant les produits locaux. Parfois réticents à l’idée de manger du poisson d’eau douce, les clients ressortent toujours de chez lui agréablement surpris par leur expérience.
Arbore & Sens, pour se reconnecter avec la nature
Originaire de Chinon, le chef Clément Dumont a ouvert à Loches le restaurant de ses rêves. Amoureux du terroir local, il a tout fait pour revenir en Centre-Val-de-Loire : le pari est plus que réussi. La philosophie d’Arbore & Sens ? Se (re)connecter avec la nature. Cela passe par le décor, qui incite à la relaxation et au lâcher prise, mais aussi par la cuisine, qui propose un itinéraire sensoriel où le végétal joue bien souvent les premiers rôles. Pour le reste, un seul mot d’ordre : valoriser le territoire et ses richesses. Dans cette région surnommée « le jardin de la France », il était normal de créer un grand potager pour alimenter le restaurant. C’est Mayliss, sa belle-sœur, qui s’occupe de ce petit jardin d’Eden fournissant une bonne partie des légumes et des herbes utilisées en cuisine. Parmi eux, des ingrédients à la maturité sensible comme la fleur de courgette ou les tomates, mais aussi quelques raretés comme les crosnes ou l’oca, qui stimulent la créativité du chef.
Et le poisson dans tout ça ? Il s’invite très souvent au menu. Côté mer, Clément Dumont travaille avec un mareyeur de confiance : merlans, bars, maigres ou langoustines arrivent vivants dans ses cuisines. Côté terre, il aime accommoder les poissons d’eau douce, notamment le silure de Loire. « C’est un poisson qui peut en effrayer certains mais il est très intéressant. Sa chair est assez molle et sa cuisson délicate. J’utilise de l’huile fumée pour le confire et lui donner une texture différente ». Poisson assez gras, il le prépare aussi à la manière d’une brandade, accompagné de copeaux de champignons et de cerf séché, pour un accord « chasse et pêche » du plus bel effet. Le sandre de Loire est quant à lui légèrement poché dans un bouillon de barigoule. Un plat fin et délicat, arrosé d’un jus de cuisson monté au beurre et servi avec des petits pois frais. Le chef confie : « Je n’ai pas de pêcheur attitré sur la Loire alors ce n’est pas toujours simple de trouver du bon poisson d’eau douce. Mais lorsque j’en débusque, je saute sur l’occasion ! ». Une bonne idée car les clients en redemandent.
Hero Image : Bruno Gabris et Loïs Bée sur la Loire © La Table