Gastronomie durable 2 minutes 09 mars 2020

Pour une gastronomie durable : Julien Allano, chef du Clair de la Plume

En 2020, le Guide MICHELIN met en avant les chefs engagés pour une gastronomie durable. Ici, Julien Allano, chef du Clair de la Plume à Grignan (Drôme), raconte sa prise de conscience progressive des enjeux durables et la réduction de son empreinte carbone grâce à l'utilisation de produits locaux.

La première chose qui interpelle lorsque l’on prend place dans la salle du Clair de la Plume, outre sa beauté, c’est la citation systématique à la carte de tous les producteurs qui travaillent pour Julien Allano. Ce qui étonne ensuite, c’est l’indication du nombre de kilomètres qui séparent le chef de son producteur. Les pigeons de la Lance de M. Durand sont élevés à 12 kilomètres, les lapins de M. Ribot à 22, les asperges blanches de M. Rozel poussent à 7 km, quand les olives noires parcourent 20 km avant d’arriver en cuisine. Cette démarche de proximité, Julien Allano l’a entamée il y a déjà quelques années, mais il souhaite aujourd’hui aller au bout de sa pensée. Exemple parfait : il a banni la viande de bœuf de sa carte, pour la simple raison que la Drôme n’est pas une terre d’élevage. L’Angus, la Simmental ou la Limousine ont disparu des menus et Julien Allano s’est recentré sur les viandes blanches locales comme le lapin et la volaille. Cette volonté s’explique aussi par son souhait de perdre du poids à titre personnel en rééquilibrant sa nourriture ; cette prise de conscience sur l’importance d’être bien dans son corps a abouti à imaginer une cuisine plus digeste, avec davantage de légumes et moins de protéines. L'idée n'est pas de mettre ses clients au régime, mais plutôt de leur proposer une cuisine saine et construite autour des produits régionaux.

La Pintade de M. Edmond, l'aile et la cuisse, tarte qui n'est pas au chocolat ©Alain Maigre
La Pintade de M. Edmond, l'aile et la cuisse, tarte qui n'est pas au chocolat ©Alain Maigre

Depuis votre arrivée en 2013, vous n’avez cessé de recentrer vos plats sur le patrimoine local.
Cela s’est fait malgré tout en plusieurs étapes. Au départ, j’ai proposé une cuisine plutôt générique qui ressemblait à ce que je savais faire, ce que j’avais appris à Sauveterre-de-Rouergue, à Vaison-la-Romaine, en Avignon ou à Ajaccio. J’ai vite compris que j’avais autour de moi un patrimoine d’une richesse que je ne soupçonnais pas et j’ai senti qu’il fallait défendre le travail de ces producteurs. Mais surtout, j’avais mûri et j’étais prêt à aller défendre mes convictions en salle auprès des clients dont certains ne comprennent pas toujours pourquoi il n’y a pas de homard ou de langoustine. C’est frustrant pour eux, ça l’a été pour moi au départ mais aujourd’hui, ce que je compose est logique et en harmonie avec mes principes.

©Alain_Maigre
©Alain_Maigre

Pensez-vous être arrivé au bout de votre démarche kilométrique ?
Non, il reste quelques produits que j’aimerais trouver localement comme le foie gras ou les noisettes. Deux solutions s’offrent à moi. Soit je les raye de ma carte comme je l’ai fait avec le bœuf par exemple ; pour le moment, je ne m’y résous pas, notamment parce que je trouve le travail de ces producteurs gersois à la hauteur de mes attentes. Mais en prenant un peu plus de temps, en continuant de sillonner la Drôme et les départements voisins, je vais sans doute les trouver. Après, il faudra aussi que les produits soient de qualité. C’est là éventuellement que le problème peut se poser mais je trouve qu’en quelques années, j’ai largement contribué à réduire l’empreinte carbone de mes approvisionnements tout en proposant des produits de haut vol.

Cédric Perret et Julien Allano ©Alain Maigre
Cédric Perret et Julien Allano ©Alain Maigre

Vous formez un duo complice avec votre pâtissier, Cédric Perret. Est-il dans la même démarche que vous ?
Totalement, mais je sais que pour lui, c’est plus compliqué. Difficile, certaines saisons, de se passer totalement de fruits qui ne poussent pas ici. Nous sommes sur une terre de fruits d’été mais quand vient l’hiver, c’est plus compliqué – pour les agrumes ou le chocolat, par exemple. Dans l’esprit de beaucoup de clients, ne pas proposer de desserts avec du chocolat, même en expliquant la démarche, ça reste compliqué. Il faut du temps, de la pédagogie.


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