
Une entrée discrète vers la baie
« Rien que l’arrivée au Coquillage est intrigante. En retrait de Cancale, on emprunte un chemin qui traverse quelques bois, avec cette impression de s’aventurer dans une propriété privée, arborée et fleurie. On fait finalement face à un manoir préservé, qui domine la lande, on se croirait presque dans une Angleterre fantasmée à la Emily Brontë.
La vue sur la baie du Mont-Saint-Michel est absolument exceptionnelle, et on se sent comme seul au monde : la mer est seulement à quelques dizaines de mètres, et les embruns parfument l’air de ce début de soirée.
Je suis accueilli par la maîtresse de maison, Marine Roellinger, avec sourire et gentillesse, et je découvre l’intérieur de ce manoir de 1920. Face à moi, c’est une enfilade de petits salons, avec une ambiance intimiste et chaleureuse. Les boiseries sont d’époque, le parquet, ancien, a du cachet et cette vue enchanteresse est toujours là, grâce à des bow-windows qui respectent l’identité du lieu. Justement, cette vue, je décide de l’immortaliser avant toute autre chose, et l’équipe en salle me propose même d’être pris en photo. On me laisse profiter de ce cadre idyllique avant que la nuit tombe, et cette quiétude est des plus agréables.
On m’installe et je découvre cette mise de table très originale et en même temps, tellement en phase avec le lieu : l’assiette est en argile extraite de la plage, le ramasse-miettes est un couteau de mer, les miettes sont recueillies dans une coquille d’huître… La mer est omniprésente sans pour autant tomber dans le kitsch. On m’indique que le repas peut se déguster intégralement à la pince, ça peut être déroutant, mais je suis prêt à embarquer et naviguer dans l’univers culinaire si singulier d’Hugo Roellinger. »

Le discret ballet de l’équipe de salle
« En salle, on ressent l’énergie de cette jeune équipe, passionnée et sincère. Il y a vraiment cette envie de porter la vision culinaire du chef : les plats sont clairement bien expliqués, détaillés, mais tout en humilité, sans cérémonial ni emphase superflus. À l’image du chef, discret mais attentif. Je me sens également bien accompagné dans le choix des vins par le sommelier, Gaylord Goulette. Plus tard, la directrice de salle Valentine Roy me servira une assiette de fromages avec un soin tout particulier. Ils sont présentés avec passion, et dressés telle une œuvre d’art dans l’assiette.»

Des plats aux intitulés oniriques
« C’est un menu unique qui est proposé, Au gré du vent et de la lune, en 12 services, un sacré voyage en perspective ! Le service est parfaitement mené, tant dans la gestion du temps que des portions… Mais c’est tellement bon qu’on en voudrait plus !
Au fil de ce voyage culinaire, je découvre des conceptions d’assiettes et de plats toutes différentes les unes des autres, des visuels engagés, chacun à leur manière, des préparations toujours variées et ce jusqu’aux températures de service. Chaque découverte est un émerveillement et on aimerait franchement que cela ne se termine jamais.
De nombreux plats m’ont marqué ce soir-là, j’en garde le souvenir d’un voyage merveilleux en sensations, parfums et sensibilité. Hugo Roellinger propose une cuisine intimement personnelle, unique en son genre. »
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Chemin des Douaniers
« Comme une balade sur le chemin des douaniers, ici, l’araignée de mer est marinée au vinaigre de sureau, et associée à un mélange d’herbes sauvages, puis travaillée en morceaux plus ou moins épais et en émietté. Au centre de cette préparation, je découvre un jaune d’œuf cuit lentement durant 20 minutes au vinaigre de cidre, confit et bien coulant. Le serveur vient le recouvrir d’une sauce riche en saveurs, à base de corail d’araignée de mer et d’herbes de saisons. Je sens ces notes végétales nuancées et fraîches de fenouil sauvage, sureau et aiguille de pin. »
Bois de Cassis
« On m’apporte cette fois une noix de Saint-Jacques. Je vois immédiatement qu’elle est de superbe qualité et fraîcheur, promesse de délicates notes suaves et délicates. Elle est recouverte d’une fine gelée brune de rose et de sarrasin qui est complétée de copeaux de feuille d’algue. Un sirop de cèpe et de beurre noisette, odorant et nappant en diable vient compléter ce séduisant ensemble. À la dégustation, le caviar d’Aquitaine affiné 6 mois roule agréablement sur ma langue, rivalisant de subtilité avec ce fameux bois de cassis que l’on retrouve en poivre mais aussi en huile. »

Le plat signature : Histoires de homard
« Vient le plat signature du chef, et quel plat ! Voici le homard bleu breton en deux services. Dans une feuille de chou à l’étuvée au grué de cacao (ces éclats de fèves de cacao au goût particulièrement intense), je découvre sa chair. Elle est parfaite, nacrée, ferme, et déposée sur un condiment de tomate et mangue séchées, fruité et sapide. La sauce qui l’accompagne a une personnalité percutante, mêlant cacao, vin de Xérès et piment doux du Mexique, impeccablement dosé. Je me réjouis de découvrir les pinces du homard, grillées au feu de bois (ce parfum !), en ragoût, escortées d’œufs de truite. La sauce est d’une complexité rare, et surtout pertinente : crémeuse, on y retrouve de la poudre d’un poivre noir lacto-fermenté, des piquillos séchés et un mélange d’épices d’Afrique de l’Ouest. Au palais, je perçois clous de girofle, graines de paradis, cumin et piment. C’est une escale d’une profondeur impressionnante, à la fois épicée, fumée, relevée et iodée, le tout avec douceur et justesse. »
Laminaria Digitata
« Pour mon plus grand plaisir, les desserts ne seront pas en reste, et le chef a su y insuffler son univers de corsaire, maestro des épices et poète-voyageur. Les sens en éveil, je suis prêt à découvrir ce classique du Coquillage. Dans une coquille Saint-Jacques, je retrouve une crème glacée à l’algue laminaire (laminaria digitata). Elle est recouverte de noix de Saint-Jacques séchée d’un an d’âge et râpée, de grains de caviar d’Aquitaine d’un mois d’affinage, et de lanières d’algue kombu confite. Dans le fond de la précieuse coquille, j’ai la surprise de découvrir une poudre de miso à la noisette, pour l’umami. Sur le papier le mélange semble inattendu, et pourtant… Avec ce caramel fumé qui vient faire fondre la glace, les notes crémées se mêlent au salin, à l’iode, l’harmonie est parfaite. Avec ce dessert de cuisinier, Hugo Roellinger conjugue audace et élégance à tous les temps. »
« Chaque plat me donne la sensation de tourner les pages d’un carnet d’explorateur, riche de voyages, de parfums et saveurs. »

Les conseils des Inspectrices et Inspecteurs
Le Coquillage n’est pas une table classique. Son cœur bat de la personnalité d’Hugo Roellinger, dont la sensibilité et la vision, singulière par sa poésie et son lyrisme humble irriguent ce manoir. Si les intitulés sont rêveurs et abstraits, cette cuisine ne fait pas appel à l'intellect pour être appréciée, elle parle aux sens et se donne immédiatement, sans épate. L’apparente simplicité recèle une réelle subtilité dans les harmonies de saveurs.
Le charme du lieu, c’est aussi cette vue somptueuse sur la baie du Mont-Saint-Michel, alors n’hésitez pas à demander une table près de la baie vitrée pour en profiter allègrement.
Enfin, le Château Richeux (2-Clefs MICHELIN) vous accueillera pour prolonger l’expérience. Le Coquillage et le Château font tous deux partie des Maisons de Bricourt. Cet hôtel au charme confidentiel de seulement 13 chambres surplombe la baie, offrant un horizon aussi sauvage qu’élégant.
