Son léger accent italien trahit une origine piémontaise. Gabriele Ferri est un ancien de Pierre Gagnaire à Châtelaillon-Plage, également passé par La Tour d'Argent à Paris. Tombé amoureux de l'île d'Oléron, cette jeune toque pratique un sourcing local exemplaire, mettant en avant maraîchers et pêcheurs. Inauguré en février 2023, son établissement, à demi dissimulé dans une ruelle, non loin du marché, enthousiasme locaux et touristes. Bravo !
Si vous avez besoin d'une piqûre de rappel, sachez que la distinction Bib Gourmand est décernée aux restaurants qui proposent des repas complets à des prix raisonnables. Et si tous sont uniques et que le "prix" varie d'un pays à l'autre, la norme de qualité reste la même.
C'est pourquoi, chaque mois, nous mettons en avant une adresse de notre sélection : où aller, que commander, le meilleur moment pour s'y arrêter. Qu'il s'agisse d'un ancien presbytère normand transformé en gastro-pub locavore par un Anglais, d'un bistrot parisien à la cuisine canaille tenu par un truculent chef limousin, en passant par un ancien relais de chasse dans le Pas-de-Calais, notre sélection de Bib Gourmand saura vous satisfaire, vous et votre porte-monnaie.
Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?
C'est sans doute ce dessert, qu'on appelé « La mer et la terre », à base d’algues de l’île d’Oléron et de chocolat Valrhona (une ganache montée). Il varie tous les mois : on change l'insert et les fruits en fonction du retour du marché. Il n'y a pas longtemps, il était à la framboise. Là il est au melon d’Oléron –une ganache au chocolat Valrhona Dulcey et aux algues, cœur melon, croquant ivoire et coco, sorbet melon/limoncello.
Notre signature, c'est vraiment ce travail tout en subtilité autour de l'iode. On travaille avec Lumi'Algues, des jeunes qui se sont installés l'an dernier sur l'île, et cultivent en 100% local : laitue de mer, algues nori ou kombu, salicorne...
Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?
On a la formule « En deux vagues » à 34 € (entrée/plat ou plat/dessert), servie uniquement du mardi au vendredi midi. Et trois menus : « En trois vagues » à 42 € (entrée/plat/dessert); « En quatre vagues » à 52 € (deux entrées, plat et dessert au choix); et « En cinq vagues » à 60 € (hors suppléments). Ce dernier est servi pour l’ensemble de la table, avec dernière commande à 13h15 et 21h15.
Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?
Je ne pense pas qu'il n'y ait de moment meilleur qu'un autre, ça dépend de ce que les gens aiment comme produits. La meilleure saison pour moi c'est celle du gibier, en automne – je suis Piémontais, né dans les montagnes transalpines : le lièvre à la royale en civet, ou le colvert de chasse, ce sont mes souvenirs d’enfance ! Mais l'été c'est bien aussi, c'est là qu’on a les fruits et légumes les plus intéressants : courgettes, framboises, poivrons... Tout est sourcé localement, on travaille avec deux maraîchers.
Quelle est l'idée à l'origine du restaurant ?
Le Sillage, c'est cette trace qu'imprime le bateau sur les flots quand il ramène le poisson. Ce lien de la mer à la terre. Comme notre dessert-signature ! Sans ma femme, je ne me serai pas lancé dans l’ouverture d'un restaurant en propre. Avec Marie-Nolwenn, au début, on cherchait au Pays basque. J'ai travaillé là-bas quatre ans, c'est là qu'on s’est mariés... Mais contre toute attente, on a eu un vrai coup de cœur il y a deux ans pour ce restaurant à reprendre sur l'île d'Oléron. On a aimé ce côté sauvage, le fait qu'on soit entourés par la mer... Auparavant, on avait travaillé ensemble un an à Belle-Île-en-Mer, où il n'y a pas de pont pour relier au continent (donc très dur en hiver, avec moins de bateaux pour faire la liaison !) Oléron, ça reste relié à la terre. En une heure et quart, vous êtes a La Rochelle.
Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?
Notre carte change tous les mois. C’est une cuisine plutôt instinctive : je crée quelque chose en fonction de ce que mon maraîcher a, généralement ça marche immédiatement, je rectifie juste un peu. La saisonnalité est clé, et on évite les produits qui viennent de loin. Il y a toujours un ingrédient italien – j’adore les noisettes du Piémont, la pistache de Bronte, les alcools italiens comme la grappa que j'incorpore au jus de pigeon. Un pigeon de Pornic, élevé à côté de la mer !
Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?
Le plus important, c'est d'éviter le gaspillage alimentaire et de ne rien jeter, en transformant au maximum le produit, en récupérant tout. Notre lotte en ce moment est pochée et rôtie, puis avec l’arête on fait une sauce civet, qui mijote avec des tomates, du vin rouge. Acheter local coûte moins cher. Certains produits comme les algues ne sont pas très chers. Si on sait comment les utiliser, les transformer, les algues, c'est super intéressant, des canapés aux mignardises !
Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?
C'est un investissement personnel au quotidien : avec ma femme on fait attention à tout, on suit le cours des produits, tous les jours... Quand on est chef, si on ne sait pas gérer ses stocks et son personnel, on met la clé sous la porte. Il y a beaucoup de stratégie, de calculs, de gestion, pour pouvoir proposer un tartare de thon de ligne magnifique dans un menu à 42 €. Ne proposer que des produits moins nobles ce n'est pas forcément notre truc. On équilibre. Certains mois, on a des saint-pierre, du bar.
Quelles sont vos initiatives anti gaspi au restaurant ?
On a une petite cuisine, pas beaucoup de stockage... On commande en flux tendu, pour deux jours maximum. Sauf pour les poissons, où là j'ai la chance de pouvoir commander tous les jours grâce aux pêcheurs locaux. Je suis livré du mardi au samedi en poissons frais. Et puis on upcycle, on transforme ! Si on utilise des abricots et miel dans une pavlova et qu’il reste des abricots non utilisés, on fait un chutney, un sorbet etc pour ne pas perdre le produit.
Photo de Une : La Mer et la Terre exotique © Kevin Gayrin
Découvrez Sillage et d'autres belles tables du département Charente-Maritime.
Retrouvez l’ensemble des Bib Gourmand de la sélection.