Restaurants 4 minutes 15 juillet 2024

Le Bib du mois : L'Epine, à Azay-le-Rideau

Célèbre pour son château éponyme, la petite commune d'Azay-le-Rideau, en région Centre-Val de Loire, abrite aussi un Bib gourmand remarquable. Niché dans une ancienne école de 1866 donnant sur une grande terrasse arborée, cette pépite bien dans son époque aligne mobilier design et œuvres de street art. Au piano, un jeune chef sublime les produits locaux, tandis que la cave réunit une sélection exceptionnelle de vins.


Rassurez-vous : pas d'épine dans votre assiette, chez L'Epine ! Mais un hommage au prunellier sauvage, cet arbuste épineux qui peuple les haies sauvages des campagnes... L'Epine Noire, comme on l'appelle dans ce coin d'Azay-le-Rideau, « servait traditionnellement à faire un apéritif local », nous explique le chef Sébastien Bruzeau. Gamin, il bravait les griffes acérées des ronces et aubépines, pour ramasser avec son grand-père de quoi concocter le breuvage ancestral. Un mélange de vin et d'eau-de-vie en macération, qui permet d'extraire naturellement les arômes de jeunes pousses du prunellier sauvage. Et que l'on retrouve bien sûr à la carte et dans certains plats du restaurant !

Un duo rapidement repéré par nos inspecteurs

Avec sa compagne Wendy Hoffmann, Sébastien Bruzeau s'est installé en juin 2021 dans cette ancienne école de 1866, en plein centre de la ville, sur la place de la République. Plafond aux poutres apparentes, grandes ouvertures donnant sur une jolie terrasse arborée, œuvres d’art contemporain... Le lieu détonne. Et n'a pas échappé aux radars de nos inspecteurs, qui l'ont récompensé en 2023 d'un Bib gourmand.
Au menu ? Une cuisine créative puisant dans la fine fleur de produits locaux, agrémentée de touches exotiques inspirées par leurs nombreux voyages et expériences professionnelles. Sans oublier, côté cave, pas moins de 350 références pointues.

350 références de vin, dont La Romanée-Conti, la Coulée de Serrant...   

On déniche chez L'Epine les plus beaux flacons du Val de Loire : Domaine Didier Dagueneau, Philippe Alliet, La Coulée de Serrant, le superbe monopole de Nicolas Joly... Mais pas que : les champagnes de Selosse, les bourgogne délicats de Fanny Sabre ou du Domaine Prieuré Roch, les condrieu vibrants de minéralité d'André Perret... Et même la Romanée-Conti ! « J'ai la chance d'avoir pu tisser une relation de confiance sur plus de dix ans avec des vignerons réputés intouchables, qui m'ont ouvert des allocations », se félicite Sébastien. Egalement aux manettes du bar à vins Le Q de Bouteille, à quelques rues de là, le jeune chef tient à « ne pas faire de grosses marges, pour que les clients puissent se faire plaisir à table ». Avis aux amateurs de chenin d'Azay-le-Rideau : L'Epine réunit des vieux millésimes de 1962 à 1992, vendus à prix plus que raisonnables, « de 36 à 92 € » la bouteille. 

L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale
L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale

Quel est le plat le plus emblématique de votre cuisine ?

Je n’en ai pas réellement, car j’utilise uniquement des produits de saison. On change les trois quarts de la carte toutes les semaines. Mais on a quand même un amuse-bouche signature depuis deux ans, que nos clients plébiscitent : un crémeux de shiitake bio de la Cave des Figuiers voisine, à Cinq-Mars-la-Pile (20 minutes en voiture, NDLR), sauce soja blanche et furikaké wasabi — un condiment utilisé dans la cuisine japonaise, que l'on saupoudre sur les plats. Chaque village au Japon possède son propre mélange de furikaké. Le nôtre est à base de billes de wasabi, d'algues nori séchées et de sésame.

Wendy et Sébastien Bruzeau © Detrez Marion / Studio Massale
Wendy et Sébastien Bruzeau © Detrez Marion / Studio Massale

Quelle est la fourchette de prix à laquelle les clients peuvent s'attendre ?

Je propose une formule déjeuner à 35 € comprenant entrée et plat, ou plat et dessert. Et midi et soir, trois menus (entrée, plat et dessert) à 40 €, 55 € et 80 €. Le dernier étant une dégustation à l’aveugle.

Restaurant L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale
Restaurant L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale

Quel est le meilleur moment pour venir manger chez vous ?

Peut-être quand il fait beau, car nous avons la chance d’avoir une jolie terrasse. Sinon, l’hiver reste ma saison préférée, avec les champignons et le gibier, que j’ai beaucoup de plaisir à travailler.

L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale
L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale

Quelle est l'idée à l'origine du restaurant ?

Ma femme Wendy et moi sommes natifs de Touraine, mais nous avons beaucoup voyagé dans les dix années qui ont suivi notre formation au CFA de Tours, elle en salle, et moi en cuisine. Après L’Auberge du XIIème siècle (Une Etoile, à Saché, NDLR), j'ai passé six-sept ans à Paris chez Senderens (Lucas Carton) et Prunier. On a également travaillé ensemble pour une clientèle privée VIP comme Pierre Bergé, qu'on a suivi dans ses propriétés de Tanger et Marrakech. Au bout d'un moment, avec ma compagne, on a eu envie de revenir aux sources. Un local en plein centre d'Azay était à vendre. J'ai eu l'idée de ce nom en clin d'oeil à l'apéro familial que prenaient nos pères et oncles. Avec cette envie aussi de remettre au goût du jour un alcool tourangeau modeste, qui dit ancrage local, terroir. 



La façade du restaurant L'Epine, à Azay-le-Rideau © Detrez Marion / Studio Massale
La façade du restaurant L'Epine, à Azay-le-Rideau © Detrez Marion / Studio Massale

Comment décririez-vous votre approche des produits et de la cuisine ?

Je travaille le plus localement possible, et en transformant le produit moi-même. C'est du bon sens paysan : je suis fils d'éleveur, j'achète mes vaches entières, sur pied. Découpe, maturation, fumage... On fait tout nous-mêmes dans la cuisine du restaurant. C'est un sacré travail d'équipe ! Pour une vache (entre 400 et 450 kg net de chair),  il faut compter entre 15 jours et trois semaines de dépeçage et conditionnement. 

J’utilise de plus en plus le végétal aussi. Depuis deux ans, j’ai appris l’art de la cueillette sauvage. Je récolte des fleurs d’acacia que je travaille en beignet, de l’ail des ours, une variété d’origan sauvage qui n’existe qu’à Azay, de l’ortie… Cueillis tous les jours ou tous les deux jours à dix, vingt kilomètres d’ici. Certaines herbes se retrouvent dans nos cocktails. On entretient aussi un bout de jardin derrière la cuisine avec nos aromates essentiels, de la feuille d’huître notamment, au goût très iodé, qui s’est très bien acclimatée ici !

L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale
L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale

Comment avez-vous conçu un menu qui soit à la fois intéressant et d'un bon rapport qualité-prix ?

En faisant énormément de choses par nous-mêmes, en transformant le produit. Outre la pratique régulière de la cueillette sauvage, depuis un an et demi par exemple on produit avec mes employés et mon père qui vient aider, nos propres poires tapées maison — une vieille spécialité de Touraine qui permet de consommer des poires en toutes saisons. Les « pouères » (poires en vieux parlé tourangeau) sont épluchées, posées sur des claies, queue en bas, puis placées plusieurs jours dans un four à bois, dans le respect de la tradition. Une fois sèches, on les « tape » : on les aplatit à l’aide d’un instrument spécifique, la « platissoire ». On épluche ainsi 400 kg de poires et pommes qu’on sèche. Les clients adorent, on en vend même en petits sachets au restaurant, sous vide ! Avec mon père, on produit aussi notre propre variété d’épine, L’Epine de René, que vous pouvez retrouver à la carte du restaurant.

© L'Epine (Azay-le-Rideau)
© L'Epine (Azay-le-Rideau)

Comment faites-vous pour maintenir votre niveau d'exigence face à l'augmentation du coût des ingrédients ?

On fait attention, on surveille les prix. On limite les intermédiaires, on achète en ultra local et en direct producteur. Sur les produits carnés comme le bœuf ou l’agneau, on commande des bêtes entières. La farine et le safran sont produits à 20 km du restaurant par ma cousine, le Chant de Blé à Saint-Epain.

Quelles sont vos initiatives anti gaspi au restaurant ?

Depuis le début je refuse le polystyrène. J’ai même changé de fournisseur car le précédent ne pouvait pas me livrer en bacs plastiques réutilisables. Mes fournisseurs de fruits et légumes me livrent en cageots et repartent avec. On utilise l’intégralité du produit. Jusqu'à la queue de vache, que je fais cuire très longuement dans un bouillon, pour obtenir une qualité de chair la plus tendre et grasse qui soit.

 L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale
L'Epine © Detrez Marion / Studio Massale

Découvrez L'Epine et d'autres belles tables de Centre-Val de Loire.
Retrouvez l’ensemble des Bib Gourmand de la sélection.


Photo de Une : Restaurant L'Epine (Azay-le-Rideau) © ADT Touraine / JC Coutand

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