Gastronomie durable 2 minutes 08 mars 2021

Pour une gastronomie durable : Mathieu Pérou

Pour accompagner les chefs dans leur engagement durable, le Guide MICHELIN a créé l'Étoile Verte. Aujourd'hui, nous donnons la parole à Mathieu Pérou, chef du Manoir de la Régate (Nantes), qui a obtenu la distinction en 2021.

Sensibilisé très jeune à la cueillette sauvage et au jardin potager par son grand-père – qui ne mettait jamais les pieds dans un supermarché ! – Mathieu Pérou ne fait que reproduire ce qu’il a appris à ses côtés. "Ce que je fais, je le fais par pur bon sens. Quand on reprend un restaurant à 24 ans, on compte ses sous, on fait attention à ce que l’on achète, on essaie de supprimer les intermédiaires pour réaliser des économies." Ce que Mathieu a fait, c’est réduire la voilure de ses fournisseurs et surtout, recentrer ses achats sur un périmètre très restreint : "En cuisine, c’est une gymnastique, on sait que l’on va devoir se passer de certains produits qui viennent de trop loin et qu’en salle, il va falloir expliquer la démarche, mais le jeu en vaut la chandelle." Il l’avoue, le confinement lui a aussi ouvert les yeux par rapport à la détresse de certains producteurs comme son pêcheur de poissons d’eau douce : "Ca a été un déclic. J’ai arrêté les poissons de mer pour ne proposer que des poissons d’eau douce parce que Gilles, mon pêcheur, avait des difficultés." Cela nécessite pour le chef et ses équipes de passer beaucoup de temps à ôter les arêtes des carpes, des brèmes, des brochets ou des perches mais quand le restaurant est à deux pas de l’Erdre, il y a une logique qui s’impose.

Anguille de l'Erdre, mogettes à la bretonne et Saam Jang ©Paul Stefanaggi
Anguille de l'Erdre, mogettes à la bretonne et Saam Jang ©Paul Stefanaggi

Même chose pour les produits de la crèmerie, qu’il aperçoit presque de son restaurant, ou du maraîchage en biodynamie et en permaculture assuré par deux passionnés à quelques centaines de mètres de la cuisine : "L’avantage de recentrer ses achats sur un périmètre restreint, c’est que les producteurs parlent entre eux et viennent à moi plus facilement pour me présenter des produits que je n’aurais jamais trouvé tout seul." Et pour que le cercle soit vertueux, il gère ses déchets de façon à redonner aux différents producteurs ce dont ils ont besoin pour enrichir leurs terres. Il remplit aussi le compost mis à disposition par la ville pour enrichir les terres des jardins urbains. Bientôt, sur un terrain en friches, propriété de la ville à côté du restaurant, il pourra mettre en place un potager pour y faire pousser des fleurs, des tomates ou des fraises, de façon à être autosuffisant en légumes dans un périmètre inférieur à un kilomètre. Toute cela lui a valu, en plus de l’Étoile Verte MICHELIN obtenue en octobre 2020, le label éco-responsable Green Food.

A LIRE AUSSI : Les nouvelles Étoiles Vertes 2021 en France

Pigeonneau de la famille Terrien, petits pois des jardins de Boisbonne et fleurs de sureaux sauvages ©Paul Stefanaggi
Pigeonneau de la famille Terrien, petits pois des jardins de Boisbonne et fleurs de sureaux sauvages ©Paul Stefanaggi

Chez vous, la gastronomie durable passe essentiellement par un sourcing de producteurs locaux. Comment avez-vous développé votre réseau ?
Quand je suis arrivé il y a 4 ans pour prendre le relais de mon père, il avait déjà mis en place depuis plusieurs années un approvisionnement en produits locaux, notamment pour la viande et le maraîchage : la région nantaise est une terre de maraîchage. Je n’ai fait que poursuivre son travail mais en recentrant encore plus le "sourcing" sur un plus petit périmètre, en abandonnant par exemple les poissons de l’océan pour me rapprocher d’un pêcheur sur l’Erdre et ne proposer que des poissons d’eau douce à ma clientèle.

Cèpes de Carquefou, Foie gras, noisettes et jus de viande ©Paul Stefanaggi
Cèpes de Carquefou, Foie gras, noisettes et jus de viande ©Paul Stefanaggi

Est-ce que cette volonté de réduire le périmètre d’approvisionnement vous est naturelle, ou est-ce une prise de conscience récente ?
J’ai connu le pire et le meilleur dans ma courte vie professionnelle. En France, j’ai eu la chance de travailler chez Thierry Drapeau en Vendée et chez les frères Ibarboure à Bidart dans les Pyrénées-Atlantiques. Ces chefs étaient déjà très en avance sur l’écologie, sur la gestion des déchets, sur le développement de potagers. C’est là que la prise de conscience nait. En revanche, en Australie où je suis resté plus de deux ans, c’est tout l’inverse. Si j’ai beaucoup appris sur le plan professionnel, j’ai aussi été effaré par le gaspillage alimentaire. Alors quand vous revenez en France, vous vous jurez de ne pas faire les mêmes erreurs.

Restaurant Le Manoir de la Régate ©Paul Stefanaggi
Restaurant Le Manoir de la Régate ©Paul Stefanaggi

Est-ce que vous sentez vos équipes solidaires vis-à-vis de vos décisions en faveur d’une gastronomie plus écologique ?
J’ai 28 ans, mon second en a 24 et le reste de l’équipe est âgée de 16 à 22 ans. L’écologie en restauration n’est pas leur priorité mais ils comprennent tout de suite les enjeux et prennent le pli dès que je prends une décision. Il ne faut pas de longs discours pour les convaincre : ils font partie d’une génération sensible à l’état de la planète. Une fois qu’ils sont impliqués, ils vont au bout des choses.

Mathieu Pérou est le chef du Manoir de la Régate, à Nantes.

Photo d'illustration : ©Paul Stefanaggi


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