Et si la solution pour générer moins de transports, moins de contenants et réduire son empreinte carbone était l’achat groupé ? Le chef, Julien Lemarié, depuis son arrivée à Rennes en 2012 mais surtout depuis l’ouverture de son restaurant Ima (qui signifie "maintenant" en japonais) en 2017 est un fervent défenseur de cette idée. "On a la chance, dans la capitale bretonne et dans les environs, de bien s’entendre entre chefs de cuisine, alors on achète à plusieurs des bêtes entières et on se les partage." L’idée a commencé avec les agrumes de chez Bachès dans les Pyrénées-Orientales. Chaque chef dans son coin passait commande via un grossiste. Ils ont alors pris contact avec le producteur en direct pour mutualiser les frais de transport, puis ont fait de même avec le tofu produit au Mans. Parmi ces chefs, Sylvain Guillemot de l’Auberge du Pont d’Acigné à Noyal-sur-Vilaine, Virginie Giboire du restaurant Racines à Rennes, ou encore le patron de l’Arsouille avant qu’il ne vende. "Récemment, nous avons acheté une vache de race Pie Noir chez Nicolas Supiot. L’abattage et la découpe sont assurés par un abattoir de la région rennaise et après, on tire au sort notre panier. À chacun en cuisine de se débrouiller avec les morceaux qu’il a récupérés."
Pour Julien, c’est l’assurance de réaliser de substantielles économies, de mettre moins de camionnettes sur les routes et de remettre l’humain au centre de la cuisine : "On parle davantage avec les producteurs et entre chefs, c’est l’occasion de se voir et de se partager les dernières bonnes adresses d’artisans ou de producteurs que chacun a déniché." Et des bonnes adresses, Julien en a pléthore autour de Rennes : "Je ne m’interdis pas de travailler des agrumes ou des ananas quand c’est la saison mais pour le reste, les produits sont issus d’un périmètre d’à peine 100km autour de mon restaurant." Il reconnaît une chance que beaucoup de ses confrères n’ont pas, la tenue du marché de la place des Lices, à Rennes, considéré comme l’un des plus beaux marchés de France, qu’il fréquente avec ses équipes. "Il y a tout sur ce marché. Tous les producteurs régionaux sont là. On achète, on prend sur place et on revient au restaurant à pied." Une empreinte carbone bien maîtrisée...
Avez-vous toujours été sensible à l’écologie et à une cuisine responsable ?
Je vous mentirais si je vous disais oui. J’ai toujours été réceptif aux gestes que chacun de nous fait, le tri des journaux, des cartons, du verre, mais mon passé de cuisinier dans différents palaces dans le monde entier ne parle pas pour moi. Que ce soit en Angleterre, au Japon ou à Singapour, je dois avouer que j’étais quelque peu déconnecté de la saisonnalité. Quand je suis rentré en France, j’ai vraiment pris conscience de l’urgence à agir. La façon dont je source, dont je cuisine, dont je recycle s’est imposée à moi assez rapidement.
D'après vous, quels sont les postes à privilégier pour être mieux ancré dans une gastronomie durable ?
Privilégier les approvisionnements locaux, respecter les saisons, trier ses déchets sont des actions qui se mettent en place, qui sont visibles et dont l’impact est mesurable. Mais à côté de cela, il y a des postes que l’on ne voit pas au quotidien comme la gestion de l’eau et de l’électricité. Il faut constamment avec les équipes faire des piqûres de rappel sur la consommation. Tout le monde a le sentiment que c’est "offert", or par des petits gestes du quotidien, on peut apprendre à mieux gérer sa consommation et donc son budget. Il existe, notamment pour l’électricité, des solutions dans des établissements comme le nôtre avec des détecteurs de présence. Ca évite à chacun de laisser les lumières allumées et donc de réduire sa facture.
On vous sait impliqué dans l’association R’Durable, suivez-vous d’autres mouvements qui pourraient vous faire progresser ?
Sur ce sujet de la gastronomie durable, on fait avec nos connaissances et une certaine logique mais il reste beaucoup à faire ou à découvrir. Je lis, je regarde ce que proposent des labels comme Ecotable ou Green Food, qui ont des solutions que nous n’avions pas envisagé parce que nous avons la tête dans le guidon toute la journée et que l’on passe à côté de certains conseils. Je sais qu’ils sont très compétents sur les réduction des dépenses d’énergies ou sur les produits d’entretien même si à titre personnel, je travaille avec Aquama©, un détergent et désinfectant 100% naturel par hydrolyse. Ce sont des innovations capitales pour la santé de nos collaborateurs et ces labels sont importants pour nous ouvrir les yeux ou éveiller les consciences.
Julien Lemarié est le chef de Ima, à Rennes.