Gastronomie durable 2 minutes 07 janvier 2021

Pour une gastronomie durable : Bruno Verjus

Le Guide MICHELIN met en avant les chefs engagés pour une gastronomie plus durable. Aujourd'hui, nous donnons la parole à Bruno Verjus, chef de Table - Bruno Verjus, à Paris.

"La façon dont on se nourrit décide du monde dans lequel on vit". Cette phrase de Bruno Verjus pourrait faire l’objet d’un sujet à l’épreuve philosophie du baccalauréat. C’est de ce postulat devenu maxime que Bruno Verjus a eu l’idée de son restaurant, après avoir vécu mille vies. Grand érudit du produit, ce chef a toujours eu à cœur de défendre celles et ceux qui, de jour comme de nuit, nourrissent les hommes. Pour lui, le restaurant est un lieu de culture où l’on vient boire et manger pour se faire plaisir mais aussi pour apprendre : "À table, pour peu que l’on soit un peu ouvert d’esprit, on apprend l’histoire, la géographie, la géologie, la culture, le commerce. Le restaurant, on y vient pour se faire plaisir en apprenant par le rapport aux autres, qu’il soit le voisin de table, le sommelier, le chef que je suis ou un producteur de passage qui vient livrer."

©Bruno Verjus
©Bruno Verjus

Sa cuisine, il la qualifie de belle, tendre, cohérente et vertueuse : "Parce qu’elle est le témoin de nos terroirs et de l’énergie qui s’en dégage." Bruno Verjus est un poète, qui par cette défense du produit, contribue chaque jour à rendre la gastronomie plus durable. "Je fais partie, et mes clients aussi, d’un écosystème que je me dois de préserver en étant à la disposition de tous ces producteurs, pêcheurs, cueilleurs, éleveurs." Sa cuisine leur est ouverte et il aime sublimer leur travail. Pas de chichis, pas de froufrous, comme il aime à le rappeler mais des saveurs franches, nettes, parfois brutes. Retour au postulat de départ : "En venant chez moi, en goûtant une Saint-Jacques de plongée, un lieu jaune de l’île d’Yeu, des endives de pleine terre, une rémoulade de cresson de fontaine, mes clients décident du monde dans lequel ils veulent vivre." Un monde de résistance face à des modèles industriels qui, de plus en plus, dérangent. Un monde solidaire où le client par sa venue contribue à faire vivre un métier, une filière, un homme, une femme, un couple. En soutenant le travail de Bruno Verjus, et le travail des producteurs, les gourmets et gourmands de passage à Table véhiculent une maxime, mais surtout, se l’approprient. C’est tout ce que souhaitait Bruno à l’ouverture de son restaurant.

Le sang de la terre, betterave crapaudine, lichen grillé ©Bruno Verjus
Le sang de la terre, betterave crapaudine, lichen grillé ©Bruno Verjus

Vous jonglez avec de nombreux fournisseurs par type de produit. Pourquoi cette gymnastique ?
Si vous avez un seul producteur d’asperges, de petits pois, de fraises ou de tomates, vous lui imposez votre système. C’est lui qui va devoir se plier à vos attentes, vos commandes en produisant l’exacte quantité de vos besoins. Je pars du principe que ces producteurs ont leur propre écosystème qu’il ne faut pas bouleverser. Je préfère leur dire "envoyez-moi ce que vous avez" plutôt que "envoyez-moi ce que je veux ». Par conséquent, j’ai 5 producteurs de petits pois, 7 pour les asperges, 6 pour les tomates et je prends ce qu’ils ont à me proposer à tel moment de la saison. À moi d’orienter ma cuisine en fonction de ce que je reçois.

Nager à pleine bouche, chipiron mi-cru, mi-cuit ©Bruno Verjus
Nager à pleine bouche, chipiron mi-cru, mi-cuit ©Bruno Verjus

Est-ce plus compliqué pour un chef installé à Paris d’incarner une gastronomie durable ?
Contrairement aux idées reçues, je pense qu’un chef à Paris a plus de facilités à défendre une gastronomie durable parce que la capitale répond à un système de centralisation. Tout passe par Paris. Il est parfois plus cher de se faire livrer du poisson quand on habite à quelques dizaines de kilomètres de la mer que de recevoir le même poisson à Paris. Nous sommes certes sur un terroir, l’Ile-de-France qui est plus riche que l’on ne le pense sur le plan culinaire et agricole mais en réalité, nous sommes au centre de tous les territoires et pouvons ainsi proposer le meilleur des produits pour créer une grande cuisine qui sur le plan environnemental se défend plutôt bien.

Sous les feuilles, millefeuille de truffe et céleri rave ©Bruno Verjus
Sous les feuilles, millefeuille de truffe et céleri rave ©Bruno Verjus

Vous bannissez les productions qui utilisent des pesticides, est-ce à dire que votre cuisine est bio ?
Je ne dirais pas que je travaille essentiellement en bio mais plutôt que ma cuisine est issue d’une agriculture sauvage. Il y a d’une part les poissons sauvages issus de pêche responsable, il y a d’autre part la cueillette qui englobe les champignons, les fleurs, les fruits, les plantes, mais il y a surtout cette volonté de défendre une production de variétés anciennes. Ca n’est pas de la nostalgie, c’est un souhait de soutenir un pan de notre agriculture qui aurait pu s’éteindre. Je pense aux farines issues de blés de variétés anciennes comme le blé rouge de Bordeaux ou le Barbu du Roussillon, les huiles naturelles de moulin comme celles de Leblanc en Bourgogne ou les races rares de volailles de Frédéric Ménager à la Ferme de la Ruchotte. Tous ces produits, c’est l’énergie du vivant, le sauvage, celui que je défends.

Bruno Verjus est le chef de Table - Bruno Verjus, à Paris.

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