Actualités 2 minutes 13 mai 2021

Réouverture, cuisine de demain, souvenirs d'enfance : Bruno Verjus passe à Table !

A l’heure de l’ouverture des terrasses, Bruno Verjus a préféré planter une forêt dans d’anciens bacs à gel hydroalcoolique – pour le symbole. Depuis quelques jours, il promène sa verve de dandy dans tous les médias pour évoquer son livre, "L’art de nourrir", fraîchement sorti chez Flammarion. Nous l’avons rencontré.

Rue de Prague, dans le 12 ème arrondissement parisien, on ne voit plus qu’elle : la terrasse de Bruno Verjus, ou plutôt… sa forêt ! Un enchevêtrement d’arbres, de fougères et de plantes, où prospèrent désormais champignons (comestibles !) et ail des ours, qui font le bonheur des promeneurs solitaires. Il l’appelle Brocéliande, en toute simplicité. Il est vrai qu’il y a du druide en lui, un peu Merlin, volontiers taquin, fou amoureux des mots et des produits. Interview en toute liberté.

Pas de terrasse chez Table, mais une promenade en forêt
BV. "Brocéliande, c’est mon jardin à moi, ma contribution à la végétalisation de Paris. De même que la forêt imaginée par Chrétien de Troyes était un écrin de nature au cœur de la Bretagne, ma petite Brocéliande purifie l’air du douzième arrondissement ! J’ouvrirai Table tranquillement, fin juin. Entre-temps, je médite. Un jour, les gens se rendront compte que le COVID aura été une époque étonnante. Imaginez donc : la pandémie a poussé des milliers de personnes à s’interroger sur elles-mêmes. A prendre le temps. Ces choses-là n’arrivent qu’une seule fois dans une existence ! Sentez-vous cette furieuse urgence de vivre ? Ne laissons pas passer cette chance inouïe de renaître à soi-même. Nous nous devons d'être encore plus vivants, précisément en hommage à ceux qui ont perdu la vie au cours de cette année".

Lieu jaune de ligne, myosotis aquatique, bouillon froid infusé, huile de cosse de petits pois ©Table
Lieu jaune de ligne, myosotis aquatique, bouillon froid infusé, huile de cosse de petits pois ©Table

Six semaines en Grèce à cuisiner la Méditerranée
"J’ai toujours cuisiné l’Atlantique (homard de l’île d’Yeu, Saint-Jacques de plongée) très peu la méditerranée. Alors, je suis parti six semaines en Grèce, à Agios Dimitrios dans le Magne (Péloponnèse). J’ai remonté des cigales de mer depuis des casiers plongés à 160 mètres de profondeur : une fois glissée sous les braises, quel bonheur absolu ! Anémone de mer, petits encornets… Il y a tout là-bas. Parfois, je m’en allais cueillir des asperges sauvages dans les oliveraies, sur lesquelles je déposais une lame de boutargue, et hop, voilà une petite assiette végétale digne d’être servie à Table ! Je passais le reste de la journée dans le plus simple appareil, sur ma terrasse en compagnie d’une vingtaine de chats du quartier. J’appartenais à une autre espèce, mais on était tous des animaux : on s’est adoptés. Dès que je m’habillais, ils s’éloignaient. Peut-être que l’homme a commencé à détruire la planète dès qu’il s’est habillé. Il a quitté l’harmonie. Le jour où je suis parti, mes chats sont venus me saluer, les uns après les autres. J’ai été très ému".

“Je suis un homme qui aime à en nourrir !”

Un produit, c’est l’alliance sacrée d’une matière et d’un caractère
"Enfant, partout, le produit m’entourait et m’attirait. Un tour dans le potager et je me composais d’instinct ma propre jardinière de légumes. Je parle bien de produits et non pas d’ingrédients. Chez moi, ils jouent le premier rôle, ce ne sont pas des figurants ! Dans mes assiettes, que ce soit de la lotte, de l’agneau, ou une volaille, le produit s’impose au centre. Pas de zigouigouis qui distraient du fondamental et tentent de faire oublier le crime de lèse-majesté : l’absence de générosité !"

Des artichauts en guise de pinceaux, émulsion agrume et huile d'olive ©Table
Des artichauts en guise de pinceaux, émulsion agrume et huile d'olive ©Table

L’Art De Nourrir, c’est mon ADN
"Et le titre de mon ouvrage... A l’origine, je suis un cuisinier amateur qui s’interrogeait sur l’espace réduit offert par une cuisine d’appartement. Aujourd’hui, je suis devenu un chef qui prône la beauté du geste, comme l’expression d’une harmonie intérieure. A Table, je traque l’inutile pour atteindre une chorégraphie naturelle, intuitive - une esthétique de l’efficacité. Tout cela au service du goût et du bonheur de mes convives. Cet art de nourrir est en mutation. Qu’on le veuille ou non, nous entrons dans un monde nouveau. Je ne parle pas des concepts à la mode comme le locavorisme (et d’ailleurs que serait le locavorisme appliqué au sens strict à Paris, manger des tomates qui ont poussé sur les toits en zinc ?), non, je pense à la définition même de « cuisiner ». Un peu d’humilité peut-être, devant l’inconnu, serait sagesse. Comme ces matins où tu te réveilles à l’aube, près de l’océan, pour t’en aller nager au loin… Face à un univers gigantesque, tu prends conscience de ta petitesse. Et la seule question à l’horizon devient : « Jusqu’où puis-je aller ? ». Cette question guide désormais toute mon existence".

L'Art de Nourrir vient de paraître chez Flammarion ©Flammarion
L'Art de Nourrir vient de paraître chez Flammarion ©Flammarion
Cuisinier autodidacte et libre penseur, Bruno Verjus estime que "la façon dont on se nourrit décide du monde dans lequel on vit". Il est le chef patron de Table, situé dans le douzième arrondissement de Paris. 

Illustration de l'article © Maison by Dehesa

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