Actualités 1 minute 25 mars 2020

Le quotidien des chefs confinés : Michel Troisgros

Contraints par les ordres de confinement, les chefs, habitués à vivre à toute allure, se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd’hui, Michel Troisgros, chef du Bois sans Feuilles, à Ouches.

"On hiberne, comme les escargots pendant les jours froids. On jardine un peu, à tour de rôle, pour ne pas se croiser : on se fait des signes de loin pour se passer le relais ! Il va falloir s'y habituer, on n'a pas le choix. Pour éviter de propager le virus, la fermeture des restaurants était indispensable. Notre métier consiste à accueillir, à recevoir à table, c'est incompatible avec la circulation d'un tel virus. On pense au risque pour nous, pour nos clients. Avant même que le décret gouvernemental tombe, on avait pris la décision de fermer. Psychologiquement, on avait un petit coup d'avance.

On sous-estime peut-être encore ce virus. J'ai le sentiment personnel d'être encore un peu naïf, un peu léger avec ça. Il y a un contraste saisissant entre ce qu'on nous impose d'être, avec cette menace latente, et ce qu'on voit dehors, le fleurissement magnifique de notre campagne sous nos yeux. C'est presque indécent, décalé, c'est très curieux.

“Toujours plus de voyages, toujours plus de biens, de consommation... On peut voir cette épidémie comme un signal de nous calmer un peu.”

Cette situation est tellement inédite qu'elle est difficile à décrire. D'un point de vue économique, l'impact va dépendre de la durée de confinement et de la façon dont le gouvernement va épauler les entreprises. Nous, entrepreneurs, on peut tenir quelque temps. Certains, les plus petits, auront davantage besoin d'aide que d'autres. Je pense en particulier aux producteurs, maraîchers, pêcheurs, bouchers, commerçants, charcutiers… Comment se passera la reprise ensuite ? Je n'en sais rien du tout. On s'adaptera. J'ai lu que les grandes surfaces commençaient à manquer de produits importés, qu'ils se tournent déjà vers les ressources du territoire. Est-ce que c'est pas quelque chose qui peut s'installer pour de bon ? C'est une note d'espoir.

Ça fait quelques années qu'on sent un malaise latent. Quelque chose qui ne tourne pas rond sur la planète. Est-ce qu'on a pris des mauvais chemins, les uns et les autres ? L'excès de tout est peut-être un mal dont il faut guérir. Toujours plus de voyages, toujours plus de biens, de consommation... On peut voir cette épidémie comme un signal de nous calmer un peu. Est-ce qu'on va retomber dans ces travers aussitôt le virus passé ? En tout cas ça nous oblige à y réfléchir. Si tout cela peut nous aider à être un peu moins égoïstes, un peu plus modestes, ce sera un bienfait".

Michel Troisgros est le chef du restaurant Troisgros - Le Bois sans Feuilles, à Ouches.

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