Qu’ est-ce que le luxe aujourd’hui ? L’amour du territoire, d’excellents ingrédients, la créativité, le zéro déchet et... le sur-mesure. Autant de mots clés que le chef Heinz Beck a toujours mis en pratique au cours de son parcours qui lui a valu trois étoiles MICHELIN en 2005.
Heinz Beck n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers : on est habitué à le voir bouger inlassablement, parcourir le monde et ouvrir de nouveaux restaurants qui sont ensuite récompensés par des étoiles au Guide MICHELIN. C’est ce qu’il a accompli au Portugal avec le Gusto by Heinz Beck, en Toscane avec le Castello di Fighine et à Taormina avec le St. George by Heinz Beck, où le restaurant a obtenu deux étoiles.
Jamais satisfait, comme tous ceux qui cherchent à aller toujours plus loin, ce chef, allemand de naissance mais italien d’adoption, écrit aujourd’hui un nouveau chapitre dans l’histoire de La Pergola, ce restaurant doté d’une vue spectaculaire sur Rome depuis le toit de l’hôtel Rome Cavalieri. Ce lieu intemporel est gravé dans les souvenirs les plus chers et les plus précieux de gourmets du monde entier : des demandes et des anniversaires de mariage, des célébrations particulières et des moments de joie inoubliables ont eu lieu à sa table.
C’est pourquoi le choix de « tout changer » est courageux : on risque de déplaire aux plus traditionalistes, à ceux qui n’aiment pas que le temps vienne ébranler leurs certitudes bien ancrées. Cela n’a pas été le cas avec le changement de décor de : « Ma plus grande satisfaction vient de ce que me disent mes clients de longue date », confie le chef Heinz Beck. « Ils sont fascinés par le nouveau look du restaurant et me disent que le résultat a dépassé leurs attentes et qu’ils se préparent à se fabriquer de nouveaux souvenirs avec moi. Ils ne pouvaient pas me faire de plus beau compliment. »
« La rénovation et le relooking ne sont pas le fruit du hasard », explique le chef : « Pour moi, même les dates ont une signification précise : nous avons ouvert le 1er août 1994 à Rome, il y a 30 ans, et 30 ans après, nous avons décidé de donner une nouvelle vie au restaurant pour qu’il soit prêt à affronter les 30 prochaines années. Il faut parfois une rupture nette pour aller de l’avant et atteindre de nouveaux sommets. C’est notre façon de rester jeunes ! »
En regardant le bilan accompli, impossible de ne pas penser aux Étoiles MICHELIN : « Avoir trois Étoiles MICHELIN, c’est comme remporter l’or aux Jeux olympiques pour un athlète », souligne M. Beck. C’est le rêve de tout chef cuisinier. Chaque année est un nouveau défi à relever pour offrir le meilleur service possible – de l’accueil à la cuisine – afin que la précieuse récompense soit continuellement reconfirmée.
Mais venons-en à la nouvelle esthétique de La Pergola. Oubliez les couleurs claires, froides, impersonnelles et éblouissantes de certains restaurants : la nouvelle Pergola joue sur les tons rouge-brique, donnant l’impression d’être enveloppé d’une discrète étreinte chaleureuse lors d’un coucher de soleil estival.
« Chacun de nos projets est unique et celui-ci a été réalisé sur mesure pour le chef Heinz Beck et le Rome Cavalieri », expliquent les designers et architectes, Patrick Jouin et Sanjit Manku. « Chaque nouvelle œuvre est comme une chorégraphie. Ces moments et ces expériences inextricablement liés forment un tout équilibré, en parfaite harmonie avec nos intuitions. À un espace correspond un certain type d’objets, de matériaux et, surtout, de personnes. Sur place, y seront écrites des histoires, gravés des souvenirs, peut-être pour toujours. Nous essayons de donner à chaque lieu ce petit quelque chose en plus qui rend ces moments uniques et précieux ».
La collaboration avec le monde de l’art fait de ce restaurant un lieu encore plus luxueux : les espaces sont agrémentés de peintures et de tapisseries qui mettent en valeur les vases Gallé de la collection Rome Cavalieri.
« Je vais vous révéler ce qui a motivé ma vision », souligne Beck. « Nous vivons dans un monde où nous sommes souvent confrontés à des espaces et des objets mal entretenus, bon marché et presque toujours produits en série. Nous achetons un objet et des centaines, voire des milliers, d’autres personnes auront exactement le même. Pour moi, le vrai luxe, c’est le sur-mesure : chaque détail du nouveau restaurant La Pergola est fait sur mesure, unique, original. Il ne se trouve qu’ici et nulle part ailleurs. »
« Les détails ont été élaborés avec les designers Jouin et Manku. Les objets et les meubles ont été créés en exclusivité pour nous par des artisans italiens ; ce sont des pièces uniques. Au restaurant, avec ce nouveau décor, il règne désormais une belle harmonie et un sentiment de bien-être. Voilà les points clés de ma philosophie. À La Pergola, la nouvelle expérience vécue se caractérise par des couleurs chaudes, un cadre accueillant, des lignes épurées, un éclairage parfait et réglé au millimètre, ainsi qu’une vue magnifique sur Rome, qui, elle, ne changera jamais », plaisante Heinz Beck.
L’attention aux détails est extrême et va jusqu’aux chariots de service, créés sur mesure et spécialement conçus pour assurer une cohérence totale avec le reste des équipements. « Chaque pièce est unique et dialogue avec les autres pour se compléter », explique le chef.
La même quête de beauté se retrouve dans l’assiette : « Les nouvelles propositions sont très inspirées par la nature », poursuit M. Beck. Mes fournisseurs pratiquent l’agriculture biologique, biodynamique et régénératrice. L’esthétique doit toujours être liée au bien-être, à un apport nutritionnel équilibré et à la digestibilité. Je ne cesserai jamais de rappeler la chose suivante : mon but, c’est que l’hôte qui s’assoit à ma table se lève serein, léger et comblé, tant physiquement que moralement ».
Parmi les plats les plus intéressants, celui consacré à la durabilité est baptisé « 0,01% ». « Les êtres humains ne représentent que 0,01 % de la biomasse mondiale, mais nous l’oublions souvent », explique Heinz Beck. « La nature, quant à elle, est très puissante et peut récupérer très rapidement ce que l’homme laisse sans surveillance. L’inspiration pour ce plat vient de l’observation des pavés romains, dénommé « sanpietrini », que l’on trouve parfois abandonnés sur le bord de la route. S’ils y restent un certain temps, un œil attentif remarquera que la nature commence à les parer de verdure. La nature reprend toujours son espace. Ce plat est un appel à la durabilité ».
Le plat « 0,01% » se décompose comme suit : à la base, une huile de basilic, puis un carpaccio de tomates recouvert d’une sauce aux graines de basilic, pour rappeler la couleur du sol dans une optique d’anti-gaspillage total. Sur cette base, le chef pose le sanpietrino, composé d’une mayonnaise sans œuf, d’une crème au basilic et d’un nuage de tomates blanches, ainsi que de tomates sautées et réduites pour donner de l’intensité au plat. Le sanpietrino est entouré d’une coquille à base d’eau de tomate, de purée de céleri et de charbon de bois lyophilisé. Sa particularité est que la croûte a une structure solide, mais elle est si fine que, dès la première bouchée, elle fond littéralement en bouche et disparaît.
Un plat complexe, à la fois agréable et essentiel, comme le veut Beck.
« Aujourd’hui, le bien-être à table est crucial, car il détermine les sentiments et les sensations que le convive éprouve pendant et après le dîner », explique le chef. « Depuis des années, mon approche est holistique : ceux qui franchissent le seuil de La Pergola doivent entrer dans un espace magique. Plus la personne se sent bien, plus elle gardera un souvenir durable de son expérience avec nous. Nous avons des clients qui réservent ici pour célébrer les occasions les plus importantes de leur vie : nous les voyons arriver pour une demande en mariage, un premier enfant, un anniversaire de mariage, une fête. Il est de notre responsabilité de veiller à ce que chaque détail soit parfait, notre objectif est de les aider à construire de nouveaux souvenirs heureux. Quoi de plus beau ? ».
Un autre plat témoigne de l’engagement en faveur de la durabilité ; il s’agit de l’« Agneau sur l’antique voie Appienne » (L'Agnello sull'Antica Via Appia). Une fois de plus, le chef Beck rend hommage à la ville qu’il aime et n’a jamais quittée.
« C’est un plat qui met en valeur le légume et, une fois de plus, esthétique et bien-être se mêlent de manière inédite. Cela commence par l’activation des légumineuses, ce qui signifie que la graine recommence à produire de l’énergie vitale et des micronutriments. Je crée ensuite un rectangle pressé de légumineuses germo-activées qui, lorsqu’on le regarde, ressemble à la surface de la Via Appia Antica, qui part de Rome et va vers le sud. J’ajoute une série de germes et d’herbes pour compléter le plat ».
Aux côtés du végétal se trouve le deuxième protagoniste de ce plat, l’agneau, ingrédient typique de la cuisine romaine, ici travaillé avec des techniques de haute cuisine. « Je voulais faire revivre la tradition ancestrale de la transhumance », explique Heinz Beck. La selle d’agneau est d’abord cuite au barbecue pour intensifier sa saveur et lui donner un goût de feu et de braise, puis la cuisson se finit au four et avant de laisser reposer à 60 degrés dans le four d’attente, afin que les jus restent à l’intérieur et que les fibres se détendent et s’assouplissent. Enfin, nous procédons au glaçage de la viande avec le fond d’agneau, toujours dans un souci de prévention du gaspillage.
Parmi les entrées du nouveau menu figurent la sériole marinée au citron avec aubergines et amandes, la viande de buffle affinée en croûte d’épinards avec scorzonera (sorte de salsifis noir), le ris de veau avec blettes fumées et noisettes, et le foie gras de canard avec compote de cerises. Nous poursuivons avec les premiers plats, tels que les Tortellini aux deux pestos et aux crustacés, les spaghettis à l’eau de tomate, aux praires et à la sauce au basilic et au persil, et le risotto aux amandes, aux oignons mûrs et à la boutargue.
Les plats principaux comprennent le turbot sur une jardinière de permaculture, le rouget avec textures de poivrons, le pigeon avec un cœur de poireau grillé et une crème de pop-corn, et le filet de veau sur une variation de tomates et de basilic. Nous vous recommandons de ne pas manquer de goûter aux fromages du magnifique chariot « sur mesure ».
Certains plats emblématiques figurent toujours sur la carte, comme le Fagottelli « La Pergola » et la Fleur de courge enrobée de pâte à frire sur une base de crustacés et de safran accompagnée de caviar. « Notre recherche est continue, sachant que nous créons environ 60 nouveaux plats par an. Il est donc également important de conserver certains plats historiques sur la carte sur une longue période, sans quoi ils ne pourraient pas devenir des classiques », explique M. Beck.
Le design peut changer, mais la vision de Heinz Beck reste la même : mettre en valeur le plus simple des ingrédients, (re)trouver la légèreté et le goût, maîtriser des gestes donnant naissance à un met élégant. Fondant en bouche, il deviendra alors un souvenir indélébile. La nouvelle Pergola ne perd rien de son héritage.
En couverture : La Pergola, intérieur avec vue
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