Gastronomie durable 2 minutes 31 août 2020

Pour une gastronomie durable : Jérôme Jaegle, chef de L'Alchémille

En 2020, le Guide Michelin met en avant les chefs engagés dans une gastronomie durable. Aujourd'hui, Jérôme Jaegle, chef de L'Alchémille à Kaysersberg (Alsace).

Si l’on devait dresser le portrait d’un chef foncièrement connecté à la nature, il aurait assurément les traits de Jérôme Jaegle. Ce quarantenaire, passé par des maisons comme celles de Christian Têtedoie à Lyon, Jean-Yves Schillinger à Colmar ou La Table d'Olivier Nasti à Kaysersberg, est connu pour son amour du jardin et de la cueillette sauvage. Cette connexion à la nature ne se fait pas seulement dans un sous-bois ou dans l'une de ses parcelles nichée à 650 m d’altitude, elle se vit et se ressent à travers des expériences qu'il a menées pour capter l’énergie de la nature. "Pour ressentir l’énergie de la terre, il faut s’y confronter. Pour comprendre les influences de la lune, il faut le vivre." Cela passe par une nuit passée à même le sol, à la belle étoile, une partie de pêche en solitaire, la lecture d’ouvrages sur les plantes loin de tout, ou la remémoration de ce milieu rural dans lequel on a évolué et les sensations qu’il a généré : "Ces expériences mises bout à bout m’ont permis de dessiner la colonne vertébrale de ma cuisine, du végétal, du local."

Le Cèpe ©Lucas Muller - Aji Studio
Le Cèpe ©Lucas Muller - Aji Studio

Et parce que cette connexion à la nature peut ne pas suffire, Jérôme Jaegle a aussi essayé de comprendre ses clients, ou une partie d’entre eux : "Je me suis nourri pendant six mois selon les préceptes du végétarisme. Je voulais comprendre ce que cela apportait à mon corps. J’ai rapidement perdu du poids, je me sentais mieux physiquement, j’avais l’esprit plus clair, et pourtant, je suis un vrai viandard." Il en résulte une cuisine qui prend forme au gré des trésors fournis par un talus, une haie, une lisière, une forêt, un fossé, ses jardins. Une cuisine qui doit créer des sensations : "J’ai vécu ces moments en symbiose avec la terre", explique-t-il. "Je les refais vivre dans l’assiette et je sens en discutant avec mes clients que systématiquement, ça leur rappelle un souvenir, un moment, une histoire."

©Lucas Muller - Aji Studio
©Lucas Muller - Aji Studio

Quel message essayez-vous de faire passer en indiquant que les chefs doivent se reconnecter avec leur terroir ?
Pendant des décennies, et personne ne s’en offusquait, les chefs travaillaient des produits qui avaient parcouru des centaines ou des milliers de kilomètres. Aujourd’hui, ce n’est plus envisageable. Chacun doit se reconnecter à son terroir et cuisiner ce qu’il a à portée de mains. Quand je suis en Bretagne, je ne mange pas de choucroute et quand je suis en Alsace, je ne commande pas un plateau de fruits de mer. Tout le monde sait que notre planète est en danger. Il faut donc commencer par réduire notre impact et ça passe par un recentrage sur le local.

Epinard, Cèpe de conservation, Canard fumé ©Lucas Muller - Aji Studio
Epinard, Cèpe de conservation, Canard fumé ©Lucas Muller - Aji Studio

Le jardin fait partie de ce recentrage ?
Oui, pour ceux qui ont la chance d’en avoir un ! Mais je suis conscient que tous les chefs n’ont pas une parcelle pour en créer un, d’où l’intérêt de s’appuyer sur un réseau de maraîchers locaux pour éviter de faire venir des fruits ou des légumes de l’autre bout du pays. Quand je me suis installé ici en 2015, je savais que le jardin serait au cœur de ma cuisine. Je ne l’ai pas pensé, cultivé pour m’acheter une conscience. Je l’ai fait parce que je suis habité par cette volonté de défendre un territoire et de contribuer, à ma petite échelle, à réduire mon empreinte carbone.

Chou rave, Chanterelle, Jus de fermentation ©Lucas Muller - Aji Studio
Chou rave, Chanterelle, Jus de fermentation ©Lucas Muller - Aji Studio

Cela reste un investissement conséquent.
Évidemment ! Mais vu la situation, chacun doit s’investir et ne pas attendre que le voisin le fasse pour deux. J’agrandis mon jardin d’année en année, parce que des anciens du village me proposent des parcelles, mais en même temps, je crée de l’emploi et je sensibilise mes équipes et mes clients. C’est un investissement en temps et en argent mais si vous saviez le bonheur que l’on récolte en retour... Cela mérite amplement tout cet engagement.

Jérôme Jaegle est le chef de L'Alchémille, à Kaysersberg.

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