Actualités 1 minute 23 avril 2020

Le quotidien des chefs confinés : Glenn Viel

Contraints par les ordres de confinement, les chefs se retrouvent au chômage technique. Nous leur avons demandé comment ils occupaient leur temps libre. Aujourd'hui, Glenn Viel, chef de l'Oustau de Baumanière, qui a décroché trois étoiles dans le Guide MICHELIN 2020.

"Quand on y pense, la troisième étoile est tombée un mois avant la fermeture ! C’est dingue. Pour la première fois depuis que je suis là, notre reprise avait été "bizarre" cette année, un peu compliquée. Un ou deux gars de la brigade ne sont pas restés ou ne sont pas venus – trop de pression, soi-disant. Une première ! Il y a pourtant une très bonne ambiance chez nous, avec musique tous les matins... Je dois quand même reconnaître que cette troisième étoile, elle m’a fait ruminer, elle m’a pris chaque seconde dans ma tête pendant mes vacances, y compris sous la douche, j’en ai chialé ! J’avais du mal à y croire. J’ai pensé notamment à tous les gens qui n’étaient plus là pour en profiter. Ces trois étoiles, il a fallu les gérer, les dompter.

“Une semaine après l’ouverture, les automatismes étaient de retour… et il a fallu fermer aussitôt.”

Une semaine après l’ouverture, c’était bon, les automatismes étaient de retour… et pourtant, il a fallu fermer aussitôt : c’est comme ça. En ce moment, je travaille déjà à la stratégie de réouverture de l’Oustau de Baumanière. Peut-être allons-nous proposer un seul menu – c’est une hypothèse – afin de travailler plus facilement des produits en rotation régulière. Même si je préfère évidemment la carte, tellement plus représentative de la gastronomie française et qui correspond mieux à notre esprit… Je veux toujours pouvoir travailler sur des pièces entières, comme notre saint-pierre cuit sur l’arête.

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Cette maison m’a aidé à comprendre que le plus important, c’est la "beauté". Cette maison est plus belle, plus authentique, plus ancrée dans la nature que beaucoup d’autres – à l'image de certaines de nos terrasses, toutes de guingois parce qu’elles sont défoncées par des racines d’arbres centenaires. C'est représentatif de notre histoire.

“Tout ça me donne envie de faire une cuisine encore plus essentielle, avec plus de fond que de forme”

Tout ça me donne envie de faire une cuisine encore plus essentielle, avec plus de fond que de forme – contrairement à tous ces beaux visuels qu’on voit sur Instagram. Cette crise m’inspire évidemment de la peur. Depuis des années déjà, j’étais sûr qu’on se prendrait quelque chose comme ça. Est-ce le prélude d’un déclin ? En 40 ans, on a détruit 60% des espèces sauvages alors que la Terre a trois milliards d’années. Est-ce qu’on n’irait pas un peu trop vite en besogne ? Il va falloir réguler notre croissance démographique : notre avenir passe par là.

C’est le message que je fais passer quotidiennement à ma brigade. Arrêtons de jeter, ramassons nos déchets, faisons au mieux pour que ça aille dans le bon sens. La seule et vraie problématique aujourd’hui, c’est l’écologie. À l’approche de la cinquantaine, si je parviens à un certain niveau dans mon métier, notamment médiatique, je lâcherais peut-être tout pour devenir un porte-parole de l’environnement."

Glenn Viel est le chef de L'Oustau de Baumanière, aux Baux-de-Provence (13).

Illustration : ©Thomas CLEMENT/L'Oustau de Baumanière

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