"Si notre relation est aussi solide, c'est parce que Christophe a accepté de cuisiner tous les poissons que je pêcherai, sans exception. Pendant longtemps, les gens n’avaient que le mot "sandre" à la bouche, parce que ce carnassier est dépourvu d’arêtes. Tous les autres poissons étaient jetés sur le tas de fumier : c’est véridique ! Bon, il faut reconnaître qu’on ne pêchait plus que du sandre aussi car la Loire s’était appauvrie en espèces… Mais aujourd'hui, la morphologie du fleuve a changé, la biodiversité est de retour. D'autres espèces ont été introduites. Tout ce qui existe en poissons d’eau douce est désormais présent dans la Loire : brème, barbot, aspe, chevesne, carpe, alose, anguille, mulet, silure, lamproie, perche, sandre, brochet…"

"Christophe ne se contente pas de m’acheter deux ou trois poissons de temps en temps et de faire venir le reste de je ne sais pas où… C’est ça le plus important. De notre côté avec mon épouse, on a aussi fait l’effort de lui réserver une part importante de notre pêche. En Loire moyenne, vous n’avez pas les mêmes volumes qu’ailleurs, près de l’estuaire par exemple. La proximité géographique joue aussi son rôle : je pêche pas loin de son restaurant. Mon poisson, il n’a pas fait 25 allers-retours et dix heures de route. Il est saigné immédiatement, puis aussitôt glacé, sinon la chair est trop nerveuse. Un poisson mal refroidi, vous ne pourrez jamais le travailler. Tout ça est possible parce qu’on reste à échelle humaine. Et aussi parce Christophe accepte tous les aléas de mon métier…"

“Ce qui est important dans notre relation, c’est le respect mutuel. La franchise. Il ne ment pas.”
"On se fait plaisir en allant manger chez lui de temps en temps. C’est merveilleux comme la magie de son métier opère. Même si j’aime tous ses plats de poissons, j’avais été bien surpris par sa carpe à la Chambord. C’est un plat qu’on connaît tous par ici. Ce que j’aime, c’est qu’il ne dénature pas le goût naturel de chaque poisson, sa spécificité – moi, je les connais ces goûts, on a toujours mangé du poisson de Loire dans ma famille, qui pêche depuis les années 1960. Après, il y a la magie de son métier qui opère. Il y a une fierté à travailler avec lui. Je trouve ça beau. Ce qui est important dans notre relation – outre le fait qu’on soit amis– c’est aussi le respect mutuel qu’on a l’un envers l’autre. La franchise. Il ne ment pas. Je sais ce qu’il y a dans ses chambres froides et dans chaque assiette. Moi, c’est pareil, je ne triche pas : ce que je lui amène, c’est ce que je pêche."
Illustration de l'article @ Julie Limont
Une opération solidaire