Stéphane Longlune est la cinquième génération d'agriculteurs de la famille. Ses ancêtres, originaires de Flandre occidentale, s'appelaient Vanlerberge et Callewaert, et se sont installés en Normandie durant l’entre-deux-guerres pour exploiter des fermes. Stéphane a également travaillé dans le secteur agricole, bien qu'il soit venu en Belgique en 1993 comme gérant de supermarché.
« En 2005, j'ai tout vendu et je suis retourné à la terre » raconte Longlune. « J'avais 37 ans et je me suis demandé : qu'est-ce que je fais de ma vie ? Après quelques recherches, il s'est avéré que je voulais avant tout produire. Nous avons commencé avec 2,5 hectares et nous en sommes maintenant à cinq. Je voulais un produit saisonnier, j'ai donc commencé par des asperges et des fraises. C'est peut-être un inconvénient si nous n’avons pas de sol sablonneux ici. Bien que je considère notre sol limoneux comme un avantage, car il donne beaucoup plus de saveur à la plante que le sable. C'est mon succès, je pense. La qualité du sol et ma façon de cultiver. »
« Je suis l'un des seuls en Wallonie à être spécialisé dans l'asperge. Aujourd'hui, quatre de nos cinq hectares sont consacrés aux asperges. Mais j'apprends encore tous les jours. Cette année, à cause du mauvais temps, par exemple. La baisse des températures fait que je produits actuellement deux fois moins que l'année dernière. »
La météo est le meilleur et le pire allié de l'agriculteur. Elle peut faire ou défaire la récolte. Stéphane Longlune met tout en œuvre pour offrir à ses produits le meilleur environnement possible. Et pour lui, cela inclut une approche biodynamique de ses plantes. « Je suis le seul horticulteur en Belgique à avoir été certifié par Demeter (label de qualité de l'agriculture biodynamique, ndlr). Je suis passé du bio au biodynamique pour le goût. Pendant un temps, j'ai revendu des produits dans notre boutique. Chaque fois qu'un produit portait ce label de qualité, le goût était tellement bon. Alors j'ai commencé à le faire aussi. Demeter est vraiment la voie à suivre pour les puristes du bio. »
« Pour être reconnu biodynamique, il faut répondre à une série d'exigences très strictes. Toute votre exploitation doit être biologique et vous devez fertiliser avec certains produits naturels, comme les algues marines. Il existe également des exigences particulières, comme le fait de travailler pendant certaines phases de la lune. Ne pas planter quand il y a une pleine lune, par exemple. J'essaie de m'y conformer autant que possible. Je fais tout ça pour le goût. Les asperges se conservent mieux aussi. La vie du sol s'améliore. Mais cela demande plus de travail. »
Le leitmotiv de Stéphane Longlune est clair : son produit doit être délicieux. Une vision qui s'inscrit pleinement dans la lignée de celle des chefs figurant dans le Guide MICHELIN. Il est allé les voir lui-même lorsque sa première récolte d'asperges est arrivée. C'était un coup de foudre. « Benoît Neusy de L'Impératif travaillait à l’époque à Casteau, à six kilomètres d’ici. Je lui ai téléphoné pour me présenter et quelques heures plus tard, il était là. Il a goûté une asperge et a décidé de devenir mon premier client. Il l'est toujours, d'ailleurs. »
« Après ça, c'est allé vite. Tous ces chefs se connaissent. Matthieu Beudaert, Nick Bril de The Jane, Les Brigittines, Barge, David Grosdent de L'Envie était là il y a encore quelques semaines... Ils sont une cinquantaine en période de non-covid. Quand ces cuisiniers viennent ici, ils commencent à imaginer toutes sortes de choses à faire avec les asperges. Mais ça, ça me dépasse un peu. »
Ce sont ces chefs qui ont encouragé Longlune à diversifier son offre. Pourquoi ne pas commencer avec du chicon de pleine terre ? Et des carottes ? Et.... « À un moment donné, j'avais quinze variétés de carottes, de toutes les couleurs et de toutes les formes. Autant de variétés de betteraves. J'avais septante sortes de légumes. A cause des chefs (rires). C'était passionnant, bien sûr, mais c'est devenu trop. Trop compliqué. Et à un certain moment, vous travaillez pour presque rien, parce que vous voulez maintenir ce niveau élevé. »
« C'est pourquoi j'ai décidé de me concentrer à nouveau sur deux produits : les asperges et les fraises. Mon image colle à ces produits. Ils ont été mes premiers amours et j'y reviens maintenant. En plus, je n'ai plus vingt ans non plus (rires). »
La lutte contre la météo
Se sentir bien et prendre du plaisir au travail est primordial pour Stéphane Longlune. Ça se voit, quand il regarde ses champs d'asperges avec sa pipe à la bouche. Avec quatre mois de travail acharné, il parvient à passer le cap de l'année, dit-il. De mars à juin. Il a 53 ans et aimerait trouver un repreneur dans les dix prochaines années. « Hors saison, vous n'avez vraiment qu'à entretenir. Vous devez protéger et nourrir les asperges. Il est évident que cela demande du travail, mais tout cela se fait à un rythme beaucoup plus détendu. »
« Pendant la saison, une dizaine de saisonniers travaillent ici. L'année dernière, à cause du Covid, c’étaient surtout des gens d'ici, de l’horeca. Nous sortons les asperges du sol une par une, à la main. Je leur donne aussi le temps. Mes plus vieilles asperges ont été plantées il y a quinze ans. De nombreux producteurs doivent maximiser leur rendement et replanter tous les huit ans. Je leur donne du temps et je choisis la qualité. Il en va de même pour mes fraises. Quand je commence à les cueillir, j'arrête d’arroser pour que les sucres des fruits s'intensifient. Certains commencent juste à beaucoup arroser avant la cueillette pour que les fruits soient plus lourds. »
Les choses vont bien pour Stéphane Longlune. Il récolte chaque année 15 à 16 tonnes d'asperges dans ses champs. Des blanches et des vertes, bien sûr, mais aussi quelques rangées d'asperges violettes pour les restaurants. Malgré ses connaissances et son expertise, il cherche toujours à s'améliorer et à se renouveler.
« En me spécialisant, je suis devenu plus professionnel. Je ne fais rien à moitié. Le facteur météo offre toujours de nouveaux défis. L'asperge supporte très bien la chaleur, mais ne supporte pas du tout le froid. C'est pourquoi l'année prochaine, je veux mettre un grand tunnel au-dessus des petits tunnels où se trouvent mes asperges. Je voudrais récolter au début du mois de mars. Bien que je réalise qu'une année n'est pas l'autre. Je fais tout ça avec grand plaisir. Faire semblant n'est pas mon truc. »