« Ces trois endroits forment mon trio gourmand » nous dit la cheffe Schenck en souriant. « Les trois m'ont influencée. Je viens d'Alsace, j'ai travaillé en Bretagne pendant cinq ans et je suis en Belgique depuis sept ans. Vous trouverez donc aussi des plats de gibier chez nous pendant la saison de la chasse (rires). L'Alsace possède également une culture de gibier. Avec la cuisine iodée nous voulons juste préciser que chez nous, vous ne trouverez pas immédiatement la cuisine que l’on attend dans les Ardennes. »
Le choix de Durbuy, région natale de son compagnon David et hôte du restaurant, est le résultat d'un coup de cœur. Mais Manon Schenck, très terre à terre, a immédiatement compris qu'elle devait se démarquer des autres restaurants. Elle a donc décidé d’emmener les influences de la Bretagne avec elle. Le vivier à homards a été un succès immédiat.
« En fait, je n'ai vraiment appris à travailler le poisson et les fruits de mer qu'en Bretagne. La fraîcheur y est inimitable. Les pêcheurs venaient directement au restaurant avec leurs caisses. Aujourd'hui, je travaille toujours avec ces pêcheurs du vivier de Porsguen à Plouescat. Sans intermédiaire. En saison, j'y trouve du homard bleu, entre autres. En automne, je travaille avec du homard canadien pour les menus. Ceux qui le veulent peuvent toujours obtenir du bleu maintenant, mais les prix sont plus élevés. Je veux conserver notre bon rapport qualité-prix. »
« Le homard a son prix, bien sûr, et on voit plus souvent d'autres produits sur beaucoup de cartes. Mais le homard est indémodable à mes yeux. Lorsque nous avons lancé le restaurant, à l'époque encore dans le centre de Durbuy, on remarquait que les clients locaux n'avaient pas l'habitude de manger des produits de la mer. Mais aujourd'hui, le menu homard est notre plus grand succès. Les gens viennent au restaurant pour ça. Début juillet, par exemple, j'ai traité environ deux cents homards en quinze jours. Il fallait voir mes mains (rires). »
L'une des principales raisons pour laquelle les clients reviennent régulièrement pour le menu de homard est, bien sûr, la qualité, mais aussi le fait que la cheffe Schenck change son menu toutes les cinq semaines environ. Une façon de stimuler sa créativité et d'éveiller la curiosité des clients. Elle n'a pas peur de travailler dur et n'hésite pas à se lancer des défis. Mais elle a une devise importante : « Le homard est un produit noble, les associations doivent l'honorer. Trouvez les bons assaisonnements et les bonnes épices, n'écrasez pas les papilles. Vous pouvez sublimer n'importe quel produit avec le bon équilibre. »
« J'aime travailler avec des combinaisons terre-mer. Un plat qui représentait vraiment ma cuisine était une salade de choucroute crue assaisonnée au Melfor (vinaigre au miel doux d'Alsace, ndlr) et associée à un morceau de poitrine de porc fondant, un médaillon de homard cuit au beurre et du bibalakas (fromage aux herbes fraîches d'Alsace, ndlr). C'est vraiment ma cuisine. Ces combinaisons de viande et de poisson permettent également de lever une certaine inhibition chez les convives. Si je ne mets que du maquereau dans l'assiette, ça pourrait être un frein. »
La Table de Manon a grandi dans tous les sens du terme. L'intérieur a récemment été entièrement revu et l’assiette a également connu une évolution considérable. En regardant aujourd'hui les menus qu'elle a élaborés au cours de ses premiers mois, la cheffe les décrit comme prudents. Elle ne se départira jamais de sa base classique, mais elle sait créer de la tension par un peu d'acidité, du pep ou une texture inattendue. Elle a le sentiment d'avoir grandi. Il y a quelques années, vous n'auriez jamais vu un plat comme le homard, du potiron au miso, des salsifis et des figues poêlées au menu.
« Les travaux dans le restaurant ont rendu tout plus fonctionnel. Je vais également proposer des cours de cuisine et je veux passer de deux à trois personnes en cuisine. Ce n'est pas un luxe, car ma cuisine demande beaucoup de travail. Nous transformons tout ce que nous produisons ici. Nous préparons des bisques, du beurre de homard, de l'huile de homard, etc. Je peux dire aujourd'hui que les sauces sont devenues un point fort. »
À l'approche des fêtes, Manon Schenck partage une autre préparation de homard à essayer chez vous. Pas trop compliquée, pour ne pas avoir à passer des heures en cuisine. « J'aime recommander la préparation classique en ‘Belle-Vue’. Vous faites bouillir le homard dans de l'eau de mer contenant 13 à 14% de sel. Six à huit minutes, selon le poids. Idéalement, le homard a été dans le réfrigérateur aussi peu que possible avant. Vous pochez et laissez le homard refroidir à température ambiante. Pas dans le réfrigérateur. Le résultat est un homard dans toute sa splendeur. »
« Avec cela, vous pouvez servir un sabayon ou une sauce champagne. Surtout pas trop. Encore une fois : le homard ne doit pas être dénaturé. Il doit rester naturel. C'est là qu'il est le plus savoureux. »
Head picture ©Utopix