Le vrai retour du printemps, pour les amoureux de potager ? L’arrivée des premières fèves, encore enveloppées dans leur cosse. À condition, bien sûr, qu’elles aient poussé en pleine terre, à l’air libre, et non sous serre. Rustiques et discrètes sur les étals, ces cousines du haricot, encore peu connues du grand public, trouvent parfois leur place dans les cuisines de chefs attentifs au rythme des saisons.
« Les fèves pour moi, c’est le signe que les beaux jours sont enfin là ! », se réjouit Nicolas Septon. « Je suis ravi lorsque nos fournisseurs nous en proposent. Les fèves demandent beaucoup de travail : il faut en écosser une grande quantité pour obtenir de belles portions. En supermarché, on ne les trouve qu’au rayon surgelé, mais le goût est incomparable ».

La fève demande, en effet, un vrai travail préparatoire. Il faut l’extraire de sa cosse, la blanchir, puis retirer la fine membrane qui l’enveloppe. À ce stade, elle est déjà prête à être dégustée, nature, ou légèrement revenue avec des aromates. « Le mot fève peut en rebuter certains, il évoque les haricots secs à la texture pâteuse et cuits longuement. Mais les fèves n’ont rien à voir avec cela. Elles cuisent rapidement et gardent une belle tenue. Croquantes, fraîches et fondantes, elles rappellent les petit pois, en moins sucrés. Pour moi, c'est vraiment le goût du printemps ».
Ceux qui cuisinent la fève fraîche le savent : c’est un produit éphémère, disponible seulement quelques semaines par an. Selon les récoltes, elles peuvent être en abondance ou quasiment absentes. Chez Sophie & Nicolas, on cherche donc à tirer le meilleur parti de cette légumineuse rare. « Avec les cosses, nous réalisons une purée. Nous blanchissons les fèves dans de l’eau salée avec un peu de bicarbonate, pour fixer la couleur verte, puis nous les mixons avant de les passer au tamis pour éliminer les fibres. Il faut aller vite : elles s’oxydent très rapidement. Au Portugal, elles se mangent frites, mais je trouve la texture trop fibreuse ».

Comme elles ne sont disponibles que durant un laps de temps très court, Nicolas Septon préfère les cuisiner fraîches plutôt que de les faire fermenter afin de profiter au maximum de leurs saveurs printanières. Le chef a ses propres secrets pour les sublimer. « En ce moment, j’aime jouer sur leur texture fondante en les associant à une sauce à la rhubarbe acidulée, relevée de géranium pour des notes botaniques, et de lait de chèvre frais pour une touche lactée et légèrement acidulée. Je les sers aussi avec du homard, ou les accompagne d’herbes aux saveurs anisées ».
« Nos menus évoluent chaque semaine, selon les livraisons de nos quatre maraîchers partenaires. Le lundi, j’élabore les plats en fonction des arrivages. Les fèves feront peut-être leur retour dans une autre version. Quant à la rhubarbe, elle sera travaillée différemment. Les fèves n’ont pas besoin d’artifice : leur saveur se suffit à elle-même ».