La vie d’un inspecteur du Guide MICHELIN a parfois des airs de film d’espionnage. Surtout quand chefs et brigades se prennent pour Sherlock Holmes et redoublent d’ingéniosité pour tenter de percer votre identité. Je me souviens, à l’époque où je travaillais encore en cuisine, d’un collègue qui filait au parking dès qu’un client semblait suspect : il scrutait les pneus à la recherche du fameux logo MICHELIN, espérait apercevoir un Guide oublié sur une banquette… Ce qui en soi ne constitue pas une preuve irréfutable, mais suffit à alimenter les fantasmes. Je pensais ce genre de pratiques révolues. Jusqu’à l’année dernière.
À deux reprises, en reprenant ma voiture après un dîner, j’ai reçu une notification sur mon téléphone : les caméras du véhicule avaient repéré un mouvement suspect pendant mon absence. Intrigué, je jette un œil aux images. Pendant que je dînais, un homme avec une toque s’était penché sur mes pneus. Une autre fois, c’était un membre du personnel qui s’était approché pour jeter un regard furtif à travers la vitre. À la recherche d’un indice, sans doute. Inspecteur MICHELIN en repérage ? Possible. Est-ce que cela a eu une incidence sur l’assiette ? Pas le moins du monde.
Vivre sous les radars relève parfois d’un vrai jeu de cache-cache. Dernier épisode en date : j’étais à Anvers pour un déjeuner, à deux pas de la Handelsbeurs - la Nouvelle Bourse - où s’était tenue, plus tôt dans la journée, la cérémonie du Guide MICHELIN. En fin de repas, je décide de passer saluer quelques collègues encore sur place. Mauvaise idée. À peine ai-je mis un pied dans le bâtiment que je me retrouve nez à nez avec plusieurs chefs encore présents. Ni une ni deux, je cours me cacher dans un bureau vide. Une fois la voie libre, je ressors prudemment… pour tomber sur une terrasse pleine de chefs en train de prendre l’apéritif. Pour les éviter, je tourne les talons et bifurque dans une ruelle adjacente. Mais, à une vingtaine de mètres, j’aperçois la silhouette d’un chef que je connais bien, lui aussi en route vers la terrasse. Demi-tour à nouveau et retour express au parking. Juste à temps !