L’ascension et le couronnement d’Anvers sur la scène gastronomique ne passent pas inaperçus auprès des inspecteurs du Guide MICHELIN — comme en témoigne notre dernier article (à lire ici). La cité portuaire compte des restaurants étoilés dont la réputation n’est plus à faire. En parallèle, la scène culinaire ne cesse de s’étoffer. Deux nouvelles adresses viennent de décrocher un Bib Gourmand : and/or et, à Berchem, eppo. En 2024, pas moins de huit restaurants anversois ont rejoint la sélection, dont les désormais incontournables Cobra et Bistrot De Pottenbrug. À Anvers, on dit qu’un bon restaurant ouvre chaque semaine. On n’est pas loin de la vérité.

Au cœur de cette effervescence culinaire, certaines maisons font office de ces repères. C’est le cas de 't Fornuis et de son chef Johan Segers, qui incarnent à merveille la tradition gastronomique anversoise. J’ai récemment eu l’occasion de découvrir cette adresse emblématique. On m’avait dit qu’elle était un passage obligé pour tout jeune inspecteur — et pour tout amateur de cuisine authentique. Je confirme.
’t Fornuis fait partie de ces maisons rares où le temps semble suspendu. Ici, pas de menu imprimé : le chef vient lui-même présenter à table, avec une passion inchangée, les produits du jour, reçus le matin même. Les prix ne sont pas annoncés à l’avance — on les découvre à l’addition. Mais qu’importe : lorsque Johan Segers, évoque, par exemple, un poulet de Bresse, on ne pense plus qu’à cela.

Et voilà qu'apparaît sur la table une cloche sous laquelle reposent des morceaux de poulet extrêmement juteux, nappés d’une sauce aux morilles puissante mais onctueuse, richement préparée avec des morilles entières. La peau croustillante de la cuisse se déguste presque comme un bonbon. Tout simplement délicieux ! Vient ensuite une seconde préparation : les morceaux restants servis dans leur jus, accompagnés de frites fraîches, d’une mayonnaise vive et d’un œuf de caille au plat. Une démonstration de générosité et de maîtrise des cuissons, portée par une sensibilité qui ne faiblit pas.
Johan Segers a ce talent de faire retomber les gourmets les plus aguerris en enfance. Sa cuisine est sincère, reconnaissable et profondément personnelle. Le mot « institution » lui va comme un gant. Il a décroché sa première étoile MICHELIN en 1986, en a conservé deux pendant sept ans, et pourrait bien être distingué pour la quarantième fois cette année. Si la Cérémonie du Guide MICHELIN braque ses projecteurs sur les nouveaux promus, à juste titre, rendons aussi hommage à ceux qui, année après année, entretiennent la flamme avec passion.