Bienvenue à mi-chemin de l’Écosse et de l’Islande, au milieu d'une nature grandiose et sauvage presque entièrement drapée de vert, où se mêlent fjords, falaises, vallées striées de cascades et habitées de fermes isolées. Les îles Féroé comptent à peine 55 000 âmes, parmi lesquelles se trouve un chef au talent prodigieux. Poul Andrias Ziskaest est revenu sur sa terre natale après un passage au Groenland et signe, avec PAZ, son bien nommé restaurant, un retour en fanfare. Avec une touche de créativité mâtinée d’une pointe de mise en scène, Poul Andrias Ziska a imaginé une expérience culinaire aussi spectaculaire que savoureuse. Voici les coulisses de la visite de notre Inspecteur.
« Du début à la fin, j’ai vécu une fantastique expérience chez PAZ, qui mérite amplement les deux Étoiles que le restaurant vient de décrocher lors de la Cérémonie du Guide MICHELIN pour les Pays Nordiques 2025. Une véritable prouesse gastronomique ! »
Ne pas se fier aux apparences
« Niché dans d’étroites ruelles pleines de charme de Tórshavn – la capitale des îles Féroé, qui tient plutôt de la petite ville anglaise que de la mégapole –, le restaurant PAZ cache bien son jeu derrière des fenêtres voilées de lin, dans un hôtel à l’allure modeste. Après avoir sonné, je me retrouve aussitôt plongé dans un univers très accueillant. L’équipe en salle me reçoit avec le sourire, avant de me présenter aux chefs, tout aussi chaleureux, qui s’affairent dans la cuisine ouverte. Le chef Poul Andrias Ziska est là lui aussi, m’expliquant la philosophie du lieu, tout en me présentant un vaste étal de produits locaux. Je m’installe à l’une des grandes tables en bois, avec vue directe sur les fourneaux, et me laisse gagner par l’enthousiasme ambiant. »Un ballet parfaitement orchestré
« La présence des chefs dès mon arrivée annonçait déjà la couleur : ici, ils participent activement au service, du début à la fin. Concentré et exigeant, Poul Andrias Ziska tire le meilleur de sa brigade – presque aussi nombreuse que les clients – qui travaille dans un calme impressionnant. Entre deux assiettes, observer ces artisans à l’œuvre dans une chorégraphie millimétrée ajoute une réelle dimension à l’expérience. L’équipe en salle joue également un rôle clé, attentive à chaque détail, avec une aisance naturelle, sans affectation. Je n’ai pas regretté de me laisser tenter par l’accord mets et vins proposé : une sélection de boissons remarquable, en parfaite harmonie avec le menu surprise. »
L'archipel dans l'assiette
« Ce qui caractérise la cuisine du chef Ziska au fil des années, c’est son adhésion indéfectible aux produits des Féroé. Pour créer des plats puissants et inventifs, il commence par penser local, à petite échelle. Tout au long du repas, viandes, poissons et légumes venus de tout l’archipel se distinguent ainsi par leur qualité exceptionnelle. Chaque plat rend hommage à la nature environnante et aux traditions, tout en les réinterprétant avec finesse. Les assiettes de fruits de mer d’une fraîcheur absolue laissent place à des plats réconfortants, exécutés avec intelligence, maîtrise et respect du produit. Comme souvent dans la cuisine nordique, les produits fermentés et conservés tiennent une place importante, tout comme les sauces, riches, complexes, d’un équilibre remarquable. »
Quelques moments forts du repas
« Il y aurait trop de plats à citer, mais certains ont particulièrement marqué mon esprit.
Les amuse-bouches
Ces premières agapes ont donné le tempo. Une coquille Saint-Jacques crue, subtilement acidulée, arrive nappée d’un lait ribot infusé de caviar Baeri et d’huile de noisette, tout en délicatesse. Une fine tuile aux algues, garnie de tartare de cabillaud, d’oursin, de feuille d’huître et d’un soupçon de wasabi islandais, atteint un équilibre saisissant. Palourdes, bigorneaux et groseilles fermentées viennent également éveiller les sens et ouvrir l’appétit.Langoustine et céleri-rave
Un plat époustouflant. Ici chaque partie de la langoustine est exploitée pour en extraire l’essence de ses saveurs. La queue, aussi grosse que celle d’un homard, est parfaitement cuite et sucrée. La carapace est rôtie, réduite en poudre croustillante, et nappée d’une bisque très concentrée réalisée avec les têtes. Le tout est accompagné de céleri-rave rôti et fermenté, au beurre noisette. Un plat d’une profondeur et d’une cohérence admirables.Ræst kjøt, rutabaga, airelles fermentées et skerpikjøt, pain de seigle
Une version élégante du plat traditionnel féroïen : l’agneau fermenté. Fondant et au goût intense, la viande est servie avec une crème de rutabaga et des airelles fermentées qui viennent trancher la richesse de ce plat. Le tout est servi avec un pain brioché au seigle garni d’une purée de champignons et de fines tranches d’agneau séché au vent. Précis, audacieux et raffiné.Algue et cassis
Pour finir, un dessert tout en finesse : une sorte de panna cotta aux algues subtilement sucrées, recouverte d’une fine croûte caramélisée et accompagnée d’une compotée de cassis, à la fois douce et acidulée. Un dessert simple, mais parfait – la preuve que la sophistication peut se nicher dans la simplicité.
En guise de conclusion
Depuis des années que je parcours le monde pour le Guide MICHELIN, rares furent mes destinations aussi isolées que sont les îles Féroé. Dire que PAZ justifie à lui seul le voyage est presque un euphémisme. Peu de chefs possèdent un talent aussi naturel que Poul Andrias Ziska. Discret, rigoureux, il a profondément marqué la gastronomie de son pays. Déguster un repas chez PAZ, c’est goûter à l’âme même de l’archipel, et embarquer dans une aventure sensorielle unique. »Photo de Une : Saksun, sur l'île de Streymoy (© miroslav_1/iStock)
