Savage se sent comme chez lui dans son immeuble d'angle sur la place Saint-Boniface à Ixelles, une enclave branchée et charmante proche de l'animation du quartier Matonge et la chic avenue Louise. Joël Rammelsberg y trouve un public fidèle, ouvert d'esprit et soucieux de durabilité. Ce chef originaire de Bois-le-Duc a travaillé auparavant dans des établissements gastronomiques de premier plan tels que De Lindehof à Nuenen et le WY à Bruxelles. Fils d'un jardinier biologique, il s'est toujours intéressé aux préparations végétales, un intérêt qui s'est renforcé lorsqu'il s'est perfectionné au San Sablon et au San Gent.
« C'est là que j'ai rencontré Louis, avec qui j'ai fini par créer Savage. Tout à fait selon notre philosophie. Nous visons par exemple le zéro déchet, ce qui est presque entièrement réussi. Mais en prêtant attention à l'humain. On peut travailler très dur pour utiliser les épluchures de pommes de terre, mais si cela commence à trop peser sur notre bien-être ou sur notre énergie, il n'est pas grave de composter ces épluchures à l’occasion. »
« Ici personne ne travaille plus de 38 heures. C'est également nouveau pour moi. J'ai toujours travaillé 14 heures par jour dans la haute gastronomie. J'en suis extrêmement fier. Cela crée beaucoup d'énergie dans l'équipe. C'est très motivant. Je remarque en tant que chef que je m’occupe beaucoup plus de mon équipe maintenant. »
La philosophie de Savage est appliquée jusque dans les moindres détails. Par exemple, l'intérieur est entièrement fabriqué en Belgique et, pour la vaisselle, le restaurant travaille avec un label social de Den Bosch qui emploie des personnes handicapées. Les clients peuvent lire sur le menu qu'ils contribuent à hauteur de 15 cents au compostage des déchêts par Recyclo. Ceux qui achètent une bouteille d'eau au restaurant peuvent l'emporter avec eux à tout moment et même passer au Robinetto pour se réapprovisionner en eau. Mais les plus belles histoires sont écrites par les employés qui saisissent les opportunités qui se présentent à eux.
« Nous avons un grand choix de boissons maison, du kéfir au kombucha en passant par les digestifs. Cassandre, notre responsable de salle, s'en est occupée. Elle peut s'épanouir dans ce domaine et nous remercie avec des créations surprenantes, comme une liqueur à base de topinambour mariné à la vanille. Tarik, qui travaillait auparavant à la plonge au Kipkot, est devenu aujourd'hui le bras droit du chef au côté chaud. Il a fui l'Afghanistan pour venir s'installer ici et saisir sa chance. Une évolution extraordinaire, une belle histoire. »
« Nous avons commencé à deux dans la cuisine et nous sommes maintenant sept ou huit. Je ne suis pas quelqu'un qui va enseigner quoi que ce soit aux autres. J'attends d'eux qu'ils se tiennent à mes côtés et qu'ils trouvent eux-mêmes de l'inspiration. Qu’ils osent. Et si j’ai confiance, je lâche prise. Tous les deux jours, nous changeons de menu. De cette façon, nous nous lançons toujours des défis. Bien sûr, on retrouve souvent les mêmes techniques, mais jamais exactement la même combinaison. »
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Les animaux sont achetés entiers chez Savage. Les parties fragiles sont traitées en premier, tandis que les autres parties finissent dans l'armoire de maturation ou sont transformées en tête pressée, par exemple. C'est un défi pour les clients, remarque le chef Rammelsberg. Sa philosophie est végétarienne, mais ceux qui le souhaitent peuvent commander un morceau de viande ou de poisson avec un plat, selon le prix du jour et provenant de petits fournisseurs comme Lothar Vilz. « Le menu reflète la façon dont j'ai grandi. Les légumes occupaient une place centrale et, une ou deux fois par semaine, nous mangions du poisson ou de la viande. »
« Il est important pour moi qu'il s'agisse d'un choix conscient. Nous remarquons que ceux qui viennent pour la première fois prennent du poisson et/ou de la viande, peut-être en partie par peur de ne pas avoir assez. Lorsqu'ils reviennent, il arrive souvent qu'ils ne le fassent plus. Cela veut dire qu’on fait réfléchir les gens. La consommation de viande est un aspect important du changement climatique. Je ne parle pas de végétarien ou de vegan, mais d'une alimentation consciente. »
La cuisine consciente est en plein essor, surtout à Bruxelles. Joël Rammelsberg la considère comme une base sur laquelle chacun peut s'appuyer à sa manière. À ses yeux, cela va au-delà de sa collaboration avec les maraîchers du Monde des Mille Couleurs, par exemple. Il s'agit aussi de passions partagées avec ses fournisseurs. D’accessibilité. Par exemple, il insiste pour proposer un déjeuner à 20 euros, ce qui plaît aussi aux étudiants. Et il a encore bien d'autres projets en cours.
« Juste en face du restaurant, nous allons ouvrir une boulangerie/épicerie où l'on ne vendra que des produits faits maison. Il s'agit de pain et de pâtisseries, mais aussi de légumes fermentés, de garums et de misos faits maison, etc. Nous serons ouverts pour le petit-déjeuner, le brunch et le déjeuner. Vous pourrez par exemple manger un croissant fait maison avec une crème de carotte, des légumes salés et des fines herbes. Il y aura également une grande cuisine de production où l'on produira, entre autres, nos fermentations. »
« Il s'agit d'un projet ambitieux qui renforce notre philosophie. Il y aura une armoire de maturation qui sera deux fois plus grande que celle que nous avons aujourd'hui. La musique y aura également sa place avec des platines sur lesquelles on ne jouera que des vinyles. Bram, un ami qui travaille également chez Savage, est DJ. C'est aussi pour le nourrir que nous avons créé cela. »
Alors, assez de projets pour Joël Rammelsberg et son équipe, pensez-vous ? Eh bien non ! Son partenaire Louis a acheté une ferme délabrée à Rhode-Saint-Genèse. C'est là qu'ils veulent mettre la main à la pâte. « Nous voulons y créer un jardin potager. Les herbes aromatiques, les fleurs comestibles et autres représentent une grosse dépense. Nous commencerons par cela, puis nous y produirons des légumes et éventuellement du bétail. Quelques cochons par an. À plus long terme, nous pourrions même élever nos propres poissons. Nous n'existons que depuis un an et demi et nous avons beaucoup de rêves, et leur réalisation se rapproche à grands pas. »
Head Photo ©Gabriel de Selys