Gastronomie durable 2 minutes 01 décembre 2020

Pour une gastronomie durable : Thibaut Ruggeri

En 2020, le Guide MICHELIN met en lumière les chefs engagés dans une démarche durable. Aujourd'hui, nous donnons la parole au chef Thibaut Ruggeri, chef de Fontevraud Le Restaurant à Fontevraud-l’Abbaye (49).

Thibaut Ruggeri aime dire qu’il "s’ermitise" dans la sublime Abbaye de Fontevraud, qu’il a rejointe quelques mois après avoir décroché le Bocuse d’Or 2013. Pour autant, Thibaut n’est ni fermé ni timide. Il peut même être bavard quand on aborde l’écologie, la cuisine durable, la gastronomie de demain. Il ne cherche pas à être dans la lumière, il préfère la lune, mais c’est un homme d’engagements et de bon sens qui se bat contre le gaspillage, le plastique et les consommables tout en défendant le tri cohérent des déchets, le bio et la pédagogie.

©N.MATHEUS
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Parmi ces engagements contre le gaspillage, certains prêtent à sourire mais ce sont des petits gestes qui font avancer la réduction des déchets et permettent de gagner quelques euros. "Prenez le papier sulfurisé. Tout le monde découpe une feuille, l’utilise puis la jette après une cuisson. J’ai appris chez Lenôtre que l’on pouvait les réutiliser jusqu’à 5 fois. Sur une année, pour un restaurant, l’économie n’est pas négligeable. Même chose pour l’aluminium. Le chef Michel Kayser, à Garons, m’a enseigné qu’il fallait récupérer les emballages des plaquettes de beurre qui contiennent de l’aluminium. Une fois lavés, ils pouvaient être réutilisés en lieu et place de l’aluminium. Là encore, ce sont quelques économies et surtout, c’est du bon sens."

©Anders Schonnemann
©Anders Schonnemann

À l’Abbaye, il traque tous ces petits gaspillages et réduit drastiquement les déchets notamment pour les légumes pour lesquels rien ne se jette, rien ne se perd : "Par respect pour la planète, on utilise tout mais c’est aussi du respect pour les jardiniers, leur travail, leur implication. Ils ne comprendraient pas que l’on ne trouve pas des solutions pour travailler les épluchures, les racines comme je ne comprends pas qu’un cuisinier ne récupère pas toute sa préparation dans un cul de poule. Même si c’est une crème de betterave, il ne faut rien laisser dans le contenant." Pour convaincre ses équipes, il leur demande de considérer tous les produits comme du caviar dont le moindre grain est utilisé. Une blette, une courge, une poire doit être traitée de la même manière.

Champignon de Paris par Thibaut Ruggeri ©Anders Schonnemann
Champignon de Paris par Thibaut Ruggeri ©Anders Schonnemann

Que pensez-vous du débat amical entre les chefs qui prônent la mise en place de potagers, et ceux qui préfèrent conserver le lien avec des maraichers locaux ?
Chaque chef met en valeur son propre terroir avec plus ou moins de réussite, quand il se lance dans le maraîchage. Les arguments des deux camps s’entendent. Au final, ce qui compte, c'est de maintenir les emplois ou d’en créer de nouveaux et de produire local. C’est dans cette perspective que s’inscrit la cuisine durable. L’heure n’est plus à commander des produits à l’autre bout du pays pour être certain d’en avoir parce que tel ou tel plat est inscrit sur la carte. On doit repenser le contenu des menus et des cartes en fonction de ce que l’on a à disposition à un temps T.

©N.MATHEUS
©N.MATHEUS

Vous semblez avoir trouvé le juste milieu...
Effectivement, nous avons conservé des liens commerciaux avec des maraichers locaux qui, ne l’oublions pas, font parfois pousser des variétés que l’on n’arrive pas à obtenir chez nous. Nous avons aussi développé quatre potagers en bio répartis sur 11 000 m2 et créé trois emplois. Nous avions de l’espace et la volonté d’aller plus loin vers une démarche de bon sens où une partie de ce que l’on déguste ici pousse à l’abbaye, au sein même du monument.

Fontevraud L'Hôtel, de nuit ©David DARRAULT
Fontevraud L'Hôtel, de nuit ©David DARRAULT

Vous poussez la réflexion jusqu'à jouer sur les calendriers lunaires. Expliquez-nous.
Les menus sont d’abord dictés par le potager et par ce que les jardiniers m’annoncent dans les jours à venir. Je sais à l’avance que nous allons avoir telle variété de carottes, de panais et en quelle quantité. Je travaille alors sur les créations et les propositions pour les différents points de restauration de l’Abbaye. Mais parce que je suis passionné par la Lune, je me suis penché sur ses influences. Les vignerons en biodynamie le font pour leur raisin, les dates de récolte, de plantation. Je fais pareil parce qu’elle influe sur le vivant, sur nos sens, sur la maturation des fruits, sur les graines. Un légume n’aura pas le même goût selon le cycle de la lune et je pense que l’Homme ne ressent pas non plus les mêmes choses en bouche. Ca peut paraître lunaire comme approche mais j’y crois.

Thibaut Ruggeri est le chef de Fontevraud Le Restaurant, à Fontevraud-L'Abbaye.

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